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Volume 2, no 0 |
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Les principaux acteurs dans le domaine de l'épargne : leurs enjeux et leurs défis spécifiques |
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Pour télécharger le fichier pdf, cliquez ici Les principaux acteurs dans le domaine de l’épargne : leurs enjeux et leurs défis spécifiquesFrédéric Hanin Professeur de relations industrielles à l’Université Laval
Je vais présenter quatre éléments dans le temps qui m’est imparti. En premier lieu, je reviendrai sur la montée de l’épargne retraite au Québec et des enjeux politiques qui y sont associés, en essayant de mesurer un certain nombre de phénomènes et de discuter des stratégies politiques autour de cette gestion de l’épargne. Le deuxième élément portera sur les conséquences de la financiarisation. On sait que la principale conséquence a été la grande récession, mais nous essaierons de comprendre quels sont les facteurs de risque les plus importants dans la gestion des fonds. C’est là un élément qui est moins analysé, en lien avec la gestion de l’épargne retraite. Je parlerai ensuite un peu des stratégies du développement durable et du rôle des acteurs financiers. Et le quatrième élément portera sur la sécurisation des revenus, en plaidant pour la nécessité de construire un statut d’investisseur de long terme pour la gestion de l’épargne retraite. Le texte de la conférence est accompagné d’une présentation visuelle que l’on peut télécharger ici. La montée de l’épargne retraite au Québec : les enjeux politiquesNous avons connu une croissance très forte de l’épargne retraite à partir des années 1990. Aujourd’hui, les actifs de l’épargne retraite sont estimés à près de 300 milliards de dollars au Québec et autour de 1000 milliards au Canada. La gestion de ces actifs et les règles qui l'entourent prennent du temps à évoluer par rapport à la montée des fonds à gérer. Il y a deux grandes formes de gestion de ces fonds, que ce soit des fonds communs ou des fonds de pension. À l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC), on a fait des travaux sur un tableau de bord des régimes de retraite au Canada et au Québec. On se rendait compte que pour les régimes complémentaires de retraite, le nombre d’adhérents du privé demeure supérieur au nombre d’adhérents du public, contrairement à ce qu’on entend souvent dans les débats autour des négociations collectives. Deuxième élément important, les régimes à prestations déterminées sont encore majoritaires. Les régimes à cotisations déterminées sont en forte progression, mais ceux à prestations déterminées demeurent encore très majoritaires. Et le flux d’épargne annuel, qui est généré par ces investisseurs institutionnels, est autour de 35 à 40 milliards, à la fois à l’entrée, pris comme cotisation, et à la sortie, comme versement de prestation. . Le caractère automatique des prélèvements s’accompagne d’une responsabilité collective vis-à-vis des bénéficiaires actuels et futurs des régimes de retraite.
Un dernier élément intéressant sur les caractéristiques de l’épargne retraite est que la fluctuation, et les difficultés financières que connaissent les caisses de retraite, sont très liées à une volatilité entre les phases de cotisations supérieures aux prestations et les phases de prestations supérieures aux cotisations. Il y a donc un enjeu lié à la réglementation des régimes de retraite qui favorise beaucoup cette volatilité des cotisations. Actuellement, nous sommes dans la mauvaise phase, c’est-à-dire la montée des cotisations pour combler les déficits de capitalisation. Pour les grands gestionnaires de l’épargne retraite, je reprends ici le Top 25 de l’industrie financière au Québec. C’est plutôt difficile de connaître, de façon détaillée, la relation entre les régimes de retraite et les gestionnaires. Il y a là un enjeu important de documentation et d’information, pour bien comprendre qui gère les fonds de retraite au Québec. À la fin des années 1990, Rosaire Morin s’était lancé dans l’aventure de comprendre comment étaient utilisés les fonds qui étaient collectés au Québec, et il avait eu une très grande difficulté à arriver à des chiffres de synthèse. Je ne pense pas qu’aujourd’hui la difficulté soit réduite, elle est plutôt plus grande pour comprendre les flux financiers pour la gestion de l’épargne retraite. C’est là un des aspects qui nuit à la responsabilité des épargnants, parce qu’il y a un mur d’opacité lié au contrat financier entre le régime de retraite et le gestionnaire de l’épargne retraite par la suite. Je voudrais maintenant aborder la question de la gestion des retraites à travers l’enjeu intergénérationnel. Il semble que dans le débat public au Québec, on a connu deux approches opposées. Je caractérise la première approche de l’économie politique néolibérale « lucide » des retraites, bien caractérisée par la chanson Dégénération du groupe Mes Aïeux. On y dit qu’on devient de plus en plus pauvres, qu’on doit donc commencer à faire des choix de simplicité volontaire collective parce que la société est moins riche. La deuxième approche, que je défends, ne va pas du tout dans ce sens : il y a une nécessité d’avoir une économie politique progressiste des retraites. John Maynard Keynes affirmait dans un texte publié en 1937 qu’« avec une population stationnaire, le maintien de la prospérité et de la paix civile dépendra absolument d'une politique d'accroissement de la consommation impliquant une répartition plus égalitaire des revenus et une politique de baisse du taux d'intérêt qui rende profitable un allongement substantiel de la période de production. […] Si la société capitaliste refuse que les revenus soient répartis de façon plus égalitaire et si les forces de la banque et de la finance réussissent à maintenir le taux d'intérêt aux alentours de la valeur moyenne qu'il a connue […], alors une tendance chronique au sous-emploi des ressources sapera et finira par détruire notre forme de société. » Autrement dit, avec une population stationnaire, le maintien de la prospérité passe par une répartition plus égalitaire des revenus, et cette répartition plus égalitaire était la base de la classe moyenne qui assurait la stabilité sociale dans le capitalisme. Cette perspective implique de faire des choix qui rendent profitables des investissements de long terme, et non de court terme. Sinon, on va vers un sous-emploi des ressources (emplois à temps partiels ou surqualifiés) qui finira par causer des problèmes sociaux importants. L’idée qui me paraît importante, c’est que la gestion de l’épargne retraite laissée au marché génère des inégalités sociales qui sont insupportables. La financiarisation de l’épargne retraite et ses conséquencesRemettons-nous dans le contexte d’avant la crise. Le président de la Caisse de dépôt et placement du Québec expliquait, en 2005, que la hausse des contributions à un régime de retraite est une hausse d’impôt sans contrepartie. C’est un argument très important parce qu’on ne l’entend pas très souvent. Il revient à dire, finalement, que plus on cotiserait dans les régimes de retraite, moins on aurait un niveau de vie intéressant. Je crois que c’est vraiment là le discours de la financiarisation qui est d’affirmer : « Il faut limiter au maximum les contributions de l’épargne collective, dans les régimes de retraite. » Pour les financiers, la seule façon de contribuer au développement économique est de maximiser le rendement, à un niveau de risque acceptable. Mais jusqu’à maintenant, on ne peut pas dire que le niveau de risque a été très bien mesuré. Si on met en balance les rendements et les cotisations, on se retrouve effectivement dans un cadre où la recherche de rendement crée de jolies bulles financières et des effets de mimétisme qui rendent l’épargne retraite vulnérable aux crises financières. Aujourd’hui, à la suite de la crise, il y a une augmentation de la volonté de responsabilité des organisations autour de la collecte et de la gestion de l’épargne. Il faut quand même savoir qu’entre 1960 et 2005, la période de détention moyenne des actions est passée de 7,5 ans à 7,5 mois; la part des régimes à cotisations déterminées augmente, elle est passée de 14% à 26% entre 1991 et 2008; les innovations financières associées à la titrisation ont provoqué des risques nouveaux. Les pertes des régimes de retraite, en 2008, ont été de près de 150 milliards au Canada. C’est autour de 15 % de l’actif qui a été perdu.Quand on génère autant de liquidités sans encadrement, on risque de déboucher inévitablement sur une dynamique de création de bulle financière, ou de bulle sur les matières premières, l’énergie ou les ressources naturelles, dans lesquelles on retrouvera les mêmes mécanismes de prises de risque et de mimétisme. Le principal élément de fragilité pour les organisations est l’utilisation des produits dérivés. Généralement, l’utilisation des produits dérivés ne peut pas être cantonnée à des portefeuilles particuliers, car s’il y a des pertes sur ces portefeuilles, ce sont tous les autres portefeuilles qui subiront les conséquences de ces placements, pour les risques qui ont été pris. Dans le cas de la Caisse de dépôt et placement, l’utilisation des produits dérivés a explosé à partir de 2007 et 2008. Quelles sont les leçons de la crise financière pour les organisations ? Premièrement, l’accès universel à l’épargne retraite est un élément fondamental des politiques anti-crises. Ainsi, la protection sociale est aujourd’hui la meilleure assurance contre les fluctuations et les risques financiers. Deuxièmement, il ne faut pas accepter la libre concurrence des rendements financiers et des cotisations salariales. Ce n’est pas parce qu’on a des augmentations de rendement qu’on peut réduire les cotisations. Il ne faut pas mettre les deux en concurrence. Troisièmement, la gestion responsable de l'épargne retraite consiste à transformer des dépôts à court terme en actifs de long terme et à assurer une chaîne des responsabilités avec les gestionnaires. Et quatrièmement, il faut créer des règles pour favoriser l’investissement local de long terme. La stratégie du développement durable et les acteurs financiersPour illustrer ces règles, prenons le cas de la question du développement durable, qui paraît être un nouveau cadre pour les acteurs financiers, face auquel ils doivent de plus en plus se positionner. Je m’appuie sur les résultats d’une recherche faite sur les rapports de cinq institutions financières au Québec en matière de développement durable et de responsabilité sociétale. Premier élément important dans ce cadre de développement durable – pris ici dans le sens de développer une autre économie, un nouveau modèle de développement – est qu’il doit être un cadre pour produire des innovations sociales de la part d’acteurs collectifs du secteur financier (mutuelles, fonds de travailleurs, coopératives de crédit) ), au service des acteurs non financiers.. Deuxième élément intéressant, sur le plan de l'action collective, les organisations de l'économie sociale semblent avoir trouvé dans la notion de patrimoine, le pendant du concept de capital pour les organisations du secteur privé. La notion de patrimoine paraît être un concept qui correspond mieux à des acteurs qui proposent une finance différente de celle des acteurs financiers classiques et qui font la promotion de la propriété collective. Troisième élément, sur le plan des relations avec les acteurs sociaux, les organisations d'économie sociale apparaissent plus soucieuses de construire des réseaux sociaux avec les parties prenantes de leurs activités : clients, employés, communautés impliquées, etc. Donc, éviter l’isolement des gestionnaires par rapport aux autres acteurs de la société. Quatrième élément, sur le plan de la mission, ces organisations du secteur financier doivent s'inscrire dans un mouvement social plus large, que ce soit pour réduire les risques, pour favoriser l'économie solidaire, ou pour améliorer la qualité de vie au travail. Chaque organisation construit son propre discours, mais ce discours doit correspondre à des aspirations beaucoup plus larges et à des mouvements collectifs ou à des aspirations collectives. Voici quatre exemples (au Québec et ailleurs) de ces nouvelles formes de financement: 1. La ville durable. Des exemples d'écoquartiers et de logements sociaux qui se sont développés. Un exemple en France : Pantin – Écoquartier de la Gare. Ce qui était intéressant, c’est qu’il y avait une démarche participative des acteurs dans le développement de ce quartier. Un exemple au Québec : certaines parties du Quartier Saint-Roch à Québec. 2. La qualité des emplois. Aujourd’hui, il existe une importante préoccupation autour de ce concept de qualité des emplois. Rappelons qu’en 2009, au Québec, 20,2 % des emplois sont de faible qualité (570 582 emplois). 3. Le capital de développement à vocation sociale social. Pour développer de nouvelles initiatives, on essaie de faire du capital de risque patient, avec des acteurs sociaux et des gouvernements. 4. L’investissement dans des besoins sociaux comme la santé par exemple. On investit dans la santé en augmentant l'accès à la protection sociale, en développant des régimes collectifs, en soutenant des mutuelles de santé de première ligne et en finançant des médicaments « libres ». La sécurisation des revenus : pour des investisseurs de long termeÀ mon avis, la socialisation de l’épargne est un élément indispensable de l’épargne responsable. Pour cela, un des moyens est de construire un statut d’investisseur de long terme.. Un investissement de long terme se caractérise par un horizon d’investissement suffisamment long, supérieur au cycle conjoncturel, pouvant atteindre ou dépasser celui d’une génération. Aujourd’hui, l’arrimage actif/passif des caisses de retraite, comme stratégie de gestion des risques, favorise la nécessité de repenser les classes d’actifs dans lesquelles on investit ces régimes de retraite. Le statut actuel des caisses de retraite est basé sur le fait que ces organisations ont des fonds propres importants et une faible dépendance aux fluctuations de court terme. Le retour de l’investissement à long terme ne peut être qu’une construction collective, au sens où il faut réussir à créer des réseaux entre les différents investisseurs qui peuvent avoir ces préoccupations de long terme dans l’économie. Au Québec, on est particulièrement bien positionné sur cette question, étant donné l’historique de construction d’outils collectifs d’investissement. Le pas semble moins grand à franchir pour faire reconnaître cette importance des investisseurs de long terme. En conclusion, on peut d’abord dire que la crise financière a laissé des traces profondes sur l'épargne retraite au Québec : des pertes financières, la recherche de liquidités à court terme et des politiques publiques moins ambitieuses. On commence juste à comprendre les conséquences que cela aura sur les différents régimes de retraite : le régime des rentes du Québec, les régimes sectoriels et les régimes d’entreprises. Autre élément, le vieillissement de la population ne doit pas servir de prétexte pour encourager la financiarisation de l'épargne retraite. Ce débat autour du départ des baby-boomers à la retraite doit être un enjeu politique plutôt qu’un prétexte pour demander aux gens de travailler plus longtemps. Vouloir opposer retraités et travailleurs, en les considérant comme des classes sociales complètement séparées, me paraît dangereux. Il faut aussi considérer le fait que les organisations qui veulent promouvoir l'épargne responsable doivent réussir à construire des outils de mesure au plan comptable et statistique, mais elles doivent aussi développer un nouveau discours dans les débats publics. C’est là un élément important, à la fois pour la confiance individuelle de la relation avec l’épargnant, mais également au niveau macroéconomique : si on veut avoir un impact sur les conditions économiques du pays, on se doit d’intervenir dans les débats publics et développer un argumentaire cohérent et mobilisateur. Dernier point, il n'y a pas d'épargne responsable au Québec sans collaborations entre les investisseurs de long terme, les acteurs de terrain et les pouvoirs publics. Ce qu’il faut éviter, par-dessus tout, c’est de laisser la finance à elle-même. |
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