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Sommaire
Volume 2, no 0
Introduction au numéro spécial du 15e anniversaire de Fondaction

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Introduction au numéro spécial du 15e anniversaire de Fondaction


Par Gilles L. Bourque
Éditeur, Revue vie économique,
gbourque@eve.coop


Le monde a été plongé dans une crise financière et économique majeure depuis 2008. Cette crise a été provoquée en grande partie par la création de produits financiers complexes assortis de promesses de hauts rendements et par une explosion spectaculaire du crédit et de l’endettement des ménages. Par exemple, en novembre 2008, la dette des ménages canadiens atteignait 123,8 % de leur revenu disponible.

Parmi les nombreux effets de cette crise, les épargnants ont vu fondre leurs économies. Puis, dans un climat d’insécurité et de perte de confiance, les consommateurs ont eu tendance à freiner leur consommation pour privilégier l’épargne, mais essentiellement à travers le désendettement et l’épargne de court terme. Les ménages ont donc délaissé les produits d’épargne de long terme (épargne-retraite), qui sont les plus susceptibles d’être canalisés vers des investissements productifs.

Devant un discours public contradictoire, le citoyen fait face à plusieurs dilemmes en matière d’épargne :
• pour relancer l’économie, il faut relancer la consommation;
• l’endettement à la consommation constitue une véritable bombe à retardement;
• l’épargne est essentielle pour se prémunir contre une éventuelle perte de pouvoir d’achat;
• la majorité des investissements proviennent de l’épargne des particuliers;
• l’épargne est un moyen de stimuler la croissance et le développement économique.

C’est que, malheureusement, on ne fait pas assez les distinctions nécessaires entre les dimensions micro et macro : ce qui peut être bon pour un individu ne l’est pas nécessairement pour la société, qui est davantage que la simple somme de ses parties. Lorsque tout le monde s’arrête de consommer pour épargner, nécessairement ça ne peut que déboucher sur une récession où on risque, conséquemment, de se retrouver avec encore moins d’épargne globale que si les gens avaient dépensé plutôt qu’épargné.

Alors, dans un contexte où les enjeux globaux (crise économique, croissance des inégalités, réchauffement climatique) exigent de repenser nos manières de faire, dans une perspective de responsabilité sociale :
• Que peut-on proposer dans le domaine de l’épargne responsable ?
• Comment la préoccupation du « socialement responsable » se traduit-elle dans le comportement des épargnants mais aussi dans celui des intermédiaires, dans les conseils qu’ils dispensent, dans les choix d’investissements qu’ils proposent ?
• Quels sont les enjeux qui se posent au citoyen en matière d’épargne ?
• Comment faire en sorte que cette épargne contribue au développement économique, qu’elle soit canalisée vers un développement durable ?

Ce numéro spécial de la Revue vie économique regroupe les actes du colloque sur l’épargne responsable organisé par Fondaction dans le cadre de son 15e anniversaire. Le colloque s’adressait à des personnes travaillant dans le réseau des institutions collectives associées à la CSN, et à leurs partenaires, en tant qu’intermédiaires entre les épargnants et les institutions financières.

L’intention du colloque était d’ouvrir des perspectives novatrices et originales sur les multiples dimensions de l’épargne, avec l’objectif de faire en sorte que les pratiques professionnelles des intermédiaires aient une influence sur le portrait global d’une épargne plus responsable.

Présentation des contributions

Le mot de bienvenue et la présentation des objectifs du colloque a été assuré par Léopold Beaulieu, président-directeur général de Fondaction. Il a profité de l’occasion pour souligner les événements majeurs qui ont marqué la période récente, confirmant la raison d'être d'une institution financière comme Fondaction, qui juge essentiel de s'inscrire en faux contre le courant dominant, choisissant de faire de la finance d'une autre façon. Selon lui, la folie spéculative des dernières années a fait oublier trois valeurs centrales, autant pour l’investissement que pour sa contrepartie, l’épargne : la modération, la patience et le sens des responsabilités.

Le conférencier spécial invité du colloque était Riccardo Petrella, politologue et économiste, professeur émérite à l'Université Catholique de Louvain. En ouverture de sa conférence, M. Petrella dit vouloir faire l’éloge du citoyen, dans une perspective personnaliste et communautaire de la richesse et de l’épargne. Pour lui, tant que la richesse était canalisée à travers la fiscalité, celle-ci pouvait jouer le rôle de la forme la plus élevée d’épargne solidaire pour la construction d’une richesse commune. Mais aujourd’hui, alors que les politiques ultralibérales ont déplacé la charge du financement des biens et services essentiels vers le consommateur, la notion de la richesse collective commune, nous dit-il, a été complètement transformée. Pour M. Petrella, il y a quatre milliards de personnes pour lesquels la société n’est pas bonne parce que les logiques dominantes dans ces sociétés sont celles de la marchandisation de la vie, de la désacralisation des droits et de la privatisation du politique. C’est l’asservissement du monde à la progression privée du capital financier. Nous avons donc, conclut-il, un grand chantier à entreprendre, à continuer et ou à faire pour changer cette société.

La contribution suivante est une fidèle transcription des échanges de Riccardo Petrella avec l’auditoire.

Pour la suite, les organisateurs du colloque ont choisi de commencer l’analyse des enjeux et des défis de l’épargne par ceux de la dimension micro-économique, c’est-à-dire en partant du point de vue des épargnants et des professionnels de l’industrie. C’est Andrée De Serres, professeure à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, qui avait ce mandat. Pour elle, la crise a révélé une fois de plus les dangers des risques de conflits d’intérêt inhérents aux services financiers. La « théorie du risque », nous dit-elle, repose sur l'idée que « toute activité qui fonctionne pour autrui fonctionne au risque d'autrui ». Il n’est donc pas surprenant que la crise ait forcé les gouvernements à se pencher sur le dernier segment de la chaîne de services financiers, celui où intervient la relation souvent inégale entre le conseiller et le petit épargnant, de manière à renforcer les obligations de responsabilité fiduciaire des intermédiaires face aux particuliers. Sa présentation décortique les éléments de la réforme qui devrait secouer profondément l’échafaudage de l’industrie fiduciaire et ses impacts aux États-Unis, au Canada et au Québec.

Pour chacun des conférenciers, les organisateurs ont invité un ou une spécialiste à intervenir comme commentateur. Pour cette première conférence, c’est Colette Harvey, conseillère principale en finance socialement responsable à la Caisse d’économie solidaire, qui a eu cette délicate tâche. Saluant les intentions des législateurs de mieux réguler les enjeux reliés à la rémunération et à l’objectivité des conseils fournis aux investisseurs, Mme Harvey s’interroge cependant sur d’autres segments de la chaîne de l’ingénierie financière, ceux qui ont donné naissance à ces produits financiers complexes. Néanmoins, il est cohérent, pour elle, que les institutions de la mouvance de la finance responsable aient déjà pris une longueur d’avance sur les questions des risques de conflits d’intérêt.

La contribution suivante est une fidèle transcription des échanges d’Andrée De Serres et de Colette Harvey avec l’auditoire.

Dans la conférence suivante, c’est Éric Pineault, professeur de sociologie de l’UQAM, qui avait la responsabilité d’aborder la dimension macro-économique de l’épargne. Son exposé porte plus spécifiquement sur la relation entre l’épargnant et l’institution financière, au niveau plus global de l’économie québécoise et canadienne. Il examine, d’abord, le concept même de l’épargne : qu’est-ce que l’épargne des ménages, en distinguant l’épargne statistique, qui est une mesure abstraite, avec les pratiques concrètes d’épargne. Pour lui, la forme d’épargne qui nous concerne, aujourd’hui, est l’épargne de masse. Depuis une trentaine d’années, la société a généré un nouvel acteur qu’Éric appelle l’épargnant de masse, c’est-à-dire quelqu’un qui vit à peu près la même relation au « produit d’épargne » que celui qui achète un réfrigérateur, un lave-vaisselle ou une automobile. Il conclut son exposé sur les problèmes politiques que cela pose en termes d’épargne responsable. 

Le commentateur de cette présentation est Luc Verville, CFA, chef des placements – marchés publics chez Fondaction. M. Verville a porté son intervention sur les finalités de l’épargne, et en particulier celle liée à l’épargne pour la retraite, c’est-à-dire la recherche de l’obtention d’un rendement positif relativement stable. Pour illustrer les contraintes liées à cet objectif, pour une institution financière telle que Fondaction, il a illustré son propos par la présentation d’une étude qui permet d’examiner la possibilité de créer un fonds de gestionnaires québécois poursuivant un objectif de rendement absolu, avec les contraintes de placement responsable.

La contribution suivante est une fidèle transcription des échanges d’Éric Pineault et de Luc Verville avec l’auditoire.

La présentation de Frédéric Hanin, professeur de relations industrielles à l’Université Laval, aborde la dimension méso-économique de l’épargne. Entre les agents économiques de la dimension micro et les acteurs sociaux de la dimension macro, on trouve les acteurs – et les institutions – intermédiaires, généralement spécifiques aux secteurs dans lesquels ils interviennent. Représentatifs des diverses catégories d’agents économiques, ce sont les acteurs collectifs et les institutions porteurs de projets. M. Hanin s’interroge sur les enjeux et les défis spécifiques de ces « objets » collectifs dans le domaine de l’épargne : dans un contexte d’après-crise et de changements démographiques importants, quelle est la situation des différentes catégories d’acteurs du secteur financier (caisses de retraite, fonds de placement, fonds d’investissement) et comment se positionnent-ils face aux enjeux globaux? Dans ce contexte, nous dit-il, deux défis se présentent. Le premier concerne la gouvernance des leaders de l'investissement au Québec. Selon lui, il est temps de réinventer une gouvernance partenariale. Le second défi est celui de l'articulation entre les outils collectifs et les politiques publiques de retraite et d'épargne collective au Québec. Hors de cette articulation, point de salut pour une solution durable.

C’est Louis Bibaud, avocat et conseiller syndical à la CSN, qui était chargé de commenter la présentation de Frédéric Hanin. D’entrée de jeu, il préfère plutôt parler d’investissement responsable puisque, dit-il, c’est la finalité qui détermine le caractère d’une épargne responsable, à savoir comment cet argent est-il investi. Pour lui, le on se retrouve actuellement dans une situation où la plupart des investisseurs recherchent d’abord et avant tout à maximiser les rendements, peu importe les conséquences sur la société. Dans ce contexte, l’État devrait revoir les règles, particulièrement les règles fiscales qui encouragent actuellement la spéculation. Selon lui, même si une certaine divergence d’intérêts peut exister entre les diverses parties prenantes, les organisations syndicales sont potentiellement les meilleurs alliés des investisseurs responsables, car elles ont le même intérêt à vouloir assurer la pérennité des entreprises.

La contribution suivante est une fidèle transcription des échanges de Frédéric Hanin et de Louis Bibaud avec l’auditoire.

Le mot de la fin a été prononcé par Claudette Carbonneau, présidente de la CSN. Signalant, au départ, qu’au seul chapitre de l’épargne-retraite, plus de la moitié de la main-d’œuvre active au Québec n’a accès à aucun régime complémentaire et que les rentes versées dans le cadre de ces régimes sont souvent insuffisantes, elle signale que la retraite est trop souvent associée, particulièrement chez les femmes, à la pauvreté. Pourtant, ajoute-t-elle, à une époque où il serait nécessaire d’investir massivement dans la transition de l’économie québécoise vers un modèle plus durable de développement, il y aurait urgence de chercher à articuler, d’une part, le potentiel en termes de création d’actif découlant de l’amélioration du régime de sécurité du revenu de retraite avec, d’autre part, les énormes besoins en capitaux pour une reconversion de l’économie du Québec. En s’appuyant sur les présentations des conférenciers, la présidente de la CSN conclut que cette meilleure articulation doit nécessairement passer par un renforcement des outils collectifs du modèle québécois, où l’on retrouve la gouvernance partenariale la plus effective.

En somme, on peut dire que le colloque sur l’épargne responsable organisé par Fondaction a bien répondu aux intentions des organisateurs. D’une part, le choix de traiter les enjeux de l’épargne en fonction des trois grandes dimensions d’analyse socio-économique aura permis de bien comprendre les enjeux spécifiques à chacune d’elles. En décomposant ainsi la problématique globale de l’épargne, les organisateurs ont été en mesure de s’appuyer sur les connaissances de trois conférenciers qui maîtrisaient parfaitement les enjeux de leur domaine de spécialisation. D’autre part, l’idée de faire appel à des acteurs de terrain pour commenter les analyses des conférenciers aura permis d’ajouter une incomparable diversité de points de vue ainsi qu’un rappel constant aux préoccupations des acteurs de terrain, qui font face aux réalités concrètes des enjeux d’une épargne responsable. Les discussions avec les participants, qui ont suivi chacune des conférences, ont finalement ajouté un dernier niveau de préoccupations aux perspectives novatrices et originales sur les multiples dimensions de l’épargne. 

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Colloque 15e anniversaire de Fondaction : L'épargne responsable
février 2011
Le citoyen fait face à plusieurs dilemmes en matière d'épargne. Dans un contexte où les enjeux globaux exigent de repenser nos manières de faire, dans une perspective de responsabilité sociale, que peut-on proposer dans le domaine de l'épargne responsable ?
     
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