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Volume 2, no 0
Période de débats suivant la conférence d'Andrée De Serres et de Colette Harvey

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Période de débats suivant la conférence d’Andrée De Serres
et de Colette Harvey

Michel Venne

On dit que ça va bien au Canada, qu’on n’a pas besoin de lois, d’une réforme de la finance… est-ce vrai que ça va si bien que cela?

Andrée De Serres

Je ne crois pas que ce soit différent au niveau des relations avec les conseillers financiers puisque ce sont les mêmes pratiques de rémunération qui sont en place au Canada autant qu’aux États-Unis. L’influence des pratiques de rémunération sur le choix des produits reste aussi importante ici que du côté américain.

Pourquoi n’avons-nous pas de lois ? Il faut poser la question au régulateur. Il est intéressant de toujours penser qu’une loi vient répondre ou amène à une nouvelle façon de faire. Mais je crois beaucoup aux nouvelles pratiques, aux bonnes pratiques, et le fait que ce soit du côté client ou du côté de l’institution financière qu’on identifie et mette en place des bonnes pratiques de façon volontaire, c’est aussi efficace que de se faire imposer une loi.

Colette Harvey

Évidemment, il n’y a pas de loi actuellement et je pense que le consensus n’est pas fait entre des intervenants sur cette question. Un article récent de la revue Finance et investissement parlait de la table ronde qui a eu lieu récemment à Toronto, avec des représentants de différentes institutions financières qui ne partagent pas les mêmes idées. Plusieurs prétendent que la rémunération n’est pas la seule règle qui fait que l’investisseur est peut-être mal desservi. C’est effectivement un élément important du puzzle, car la rémunération influencera toujours la nature humaine, mais il est vrai qu’on peut avoir un très bon conseiller qui a une rémunération à commission et un mauvais conseiller qui est à salaire. Je pense que l’industrie n’a pas fini de faire le débat autour de cette question.

Élise Tessier

Vous parlez de l’opacité des manufacturiers et de la difficulté de bien cerner les nouveaux produits, et il me semble que c’est justement sur ce point où l’on a eu les plus grandes difficultés au cours des dernières années à cause de la mise en place de nouveaux produits. Où en sommes-nous actuellement?

Andrée De Serres

À mon avis, avec la réglementation américaine qui sera en place à partir de 2012, l’écart entre les frais qui sont chargés au Canada par rapport à ceux qui le seront aux États-Unis sera encore plus important. Je ne crois pas que ce soit nécessairement le meilleur indicateur de la santé financière d’un pays.

Michel Venne

Mais le fait que la rémunération change, lorsque les règles changent, cela nous rapproche-t-il de ce qu’on appelle l’investissement socialement responsable?

Andrée De Serres

J’ai fait attention d’utiliser le mot « finance responsable ». La rémunération amène des pratiques plus responsables au sens du meilleur intérêt du client, mais cela amène-t-il des préoccupations au sens « investissement socialement responsable », de recommander des produits qui respectent des critères environnementaux, sociétaux, de gouvernance ou éthiques? Je crois qu’il faut faire la différence entre les deux. C’est un pas vers la finance plus responsable, mais l’un n’empêche pas que l’autre doive aussi gagner sa place. Les deux sont nécessaires et complémentaires.

Michel Venne

Mais a-t-on changé jusqu’à maintenant dans ce que vous avez vu ailleurs dans le monde, n’est-ce pas autour de cette idée de « produits socialement responsables » ? La crise nous a-t-elle amenés à cette évolution ?

Andrée De Serres

À mon avis, non. Au contraire, dans certains cas, on a même vu des fonds revenir à des placements plus traditionnels pour essayer de trouver des secteurs de rendement pour compenser les pertes encourues.

Michel Venne

Mme Harvey, vous avez écrit un guide sur ce sujet. Ce que la crise a provoqué, cela milite-t-il pour votre paroisse ?

Colette Harvey

Oui, mais peut-être pas dans tous les segments de la chaîne. En fait, c’est le consommateur qui, face à la crise financière, perd confiance dans les instruments traditionnels et qui se demande ce qu’on fait avec son argent. En plus de perdre du capital, il se demande à quoi est utilisé son argent. C’est de la base que ces questions sont soulevées. À chaque crise financière, la côte d’écoute des produits socialement responsables est augmentée.

Michel Venne

Jusqu’à quel point le consommateur a-t-il le choix?

Colette Harvey

Le choix n’est pas grand. Au niveau des fonds communs de placement, il y a peut-être 6 familles au Canada et il y a à peu près 60 fonds de placement socialement responsables disponibles au Québec. À l’intérieur de ces fonds, la divulgation est à géométrie variable. Il y a des chefs de file et d’autres où l’information est un peu plus difficile à trouver.

Andrée De Serres

On a parlé davantage de ce dernier maillon conseiller et acheteur, mais il ne faut pas oublier que parmi les politiques de certains régulateurs, notamment du côté anglais, depuis une dizaine d’années et bien avant la crise, on a imposé aux caisses de retraite, aux différents investisseurs institutionnels, de prendre en considération les impacts environnementaux, sociétaux et gouvernance (ESG) des entreprises dans lesquelles ils investissent ou qu’ils choisissent de conserver. Même avec la crise, cette politique n’a pas du tout changé et, à mon avis, cela commence à produire vraiment des effets. On le voit davantage du côté européen, on voit de grands fonds de pension qui sont très soucieux d’obtenir des informations provenant des entreprises, qui permettent vraiment de justifier leurs choix et de démontrer qu’ils ont respecté leurs propres exigences réglementaires, soit celles d’évaluer les impacts environnementaux, sociétaux et de gouvernance. C’est là une politique publique qui est fort intéressante et qu’on n’a pas encore vue de ce côté de la frontière nord-américaine.

Riccardo Petrella

J’ai deux remarques. La première concerne le nombre de conseillers financiers. S’il y a plusieurs millions de conseillers financiers aux États-Unis, un colloque sur l’épargne solidaire ne devrait-il pas se demander si tous ces emplois sont nécessaires, et penser que peut-être dans 15 ou 20 ans, les conseillers seront la sidérurgie des années 1950 ?

Deuxième remarque, on parlait d’éducation. Ne serait-il pas opportun, dans le cadre de ce colloque, qu’on commence un peu à faire du nettoyage du langage : peut-on parler de « consommateur de la finance » de « produits financiers » ou « consommateur de l’épargne » ?

Andrée De Serres

La tendance à multiplier le nombre de conseillers va-t-elle baisser ou augmenter ? Je crains que les effets de Bâle 3 amènent certaines grandes institutions financières à délester la partie distribution, à l’intérieur de leurs propres organisations, ce qui amènerait une multiplication de la distribution indépendante. Je suis loin d’être convaincue qu’on verra une stabilisation, même qu’on assistera peut-être à une augmentation du nombre de conseillers. De là l’importance d’avoir une réglementation qui responsabilise les conseillers financiers. Ce qu’on ne veut plus, aux États-Unis et en Angleterre, ce sont des commissions qui viennent biaiser leurs recommandations, des commissions qui proviennent des manufacturiers de produits.

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