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Période de débats suivant la conférence de Frédéric Hanin
et de Louis Bibaud
Frédéric Hanin
Ce que je trouve intéressant, c’est que les niveaux ne se contredisent pas et qu’on est capable de trouver des compromis et des sujets d’intérêt commun au cours de ces recherches. Et c’est ça que je trouve assez intéressant dans cette journée, qui était de ne pas nécessairement opposer terme à terme, des logiques différentes comme la logique publique et la logique collective. La logique publique réagit souvent à la logique collective, donc c’est aux acteurs collectifs d’aller affronter les décideurs publics pour changer les règles. C’est ce que je trouvais intéressant dans la remarque de Louis Bibaud.
Michel Venne
Monsieur Hanin, la fiscalité, est-ce un bon moyen?
Frédéric Hanin
Oui, c’est un très bon moyen. C’est un autre moyen parmi un ensemble possible de moyens d’agir. Dans les années 1950 et même auparavant, il existait une liste de produits autorisés pour les placements d’un certain nombre d’institutions collectives. Petit à petit, on a élargi la liste en disant qu’aujourd’hui, la règle importante était le rendement et le risque, donc qu’il fallait bien gérer le couple rendement/risque. Selon ce principe, on a autorisé tous les placements possibles, entre autres pour les régimes de retraite. Peut-être faudrait-il revenir à une réglementation oü un certain nombre de produits sont interdits lorsqu’on gère de l’épargne collective, et la dette sociale de la population québécoise en l’occurrence.
Mario Hébert
Quelles sont les occasions d’investir au niveau de la santé, de la protection sociale? Comment fait-on pour réagir sans que cela devienne un incitatif au désengagement de l’État ?
Frédéric Hanin
C’est notamment ce à quoi je faisais référence, c’est d’améliorer l’accès aux assurances sociales, aux assurances collectives pour l’ensemble des travailleurs. Il y a là un important enjeu qui est différent de l’enjeu du placement, les impacts sur le secteur de la santé, mais l’accès tout simplement à des assurances sociales et des assurances santé de qualité.
L’idée c’est aussi de pouvoir financer des initiatives collectives, qui seront reprises par la suite par des acteurs politiques. Donc, essayer d’avoir d’autres formes de structures de santé de première ligne, de développer des médicaments libres, qu’ils soient sur le modèle du logiciel libre finalement. On essaie de sortir la production des médicaments des mains de l’industrie pharmaceutique. C’est ce genre d’exemple-là, sans en demander trop aux investisseurs. On ne va pas leur demander de changer la dynamique politique dans tous les domaines. Mais n’empêche que montrer que c’est possible, cela ne demande pas nécessairement des fonds incroyables. C’est vrai que c’est à l’État de transformer l’ensemble du système, mais les acteurs collectifs ont les moyens de proposer d’autres voies.
Gérald Larose
Si j’ai bien compris, dans la gestion des fonds, finalement, c’est le secteur bancaire canadien qui est le principal gestionnaire, et dans une perspective de reterritorialisation de nos propres fonds, il y aurait quelque chose à faire si on veut que ce soient les institutions québécoises qui introduisent des pratiques qui seraient davantage liées au développement économique du Québec. Ne devrait-on pas rafraîchir une revendication qu’on a déjà portée, qui est celle de voir à ce que les fonds de pension privés soient davantage gérés par une caisse québécoise ?
Louis Bibaud
Sûrement, sauf que lorsqu’on regarde l’attitude de la Caisse de dépôt et placement depuis quelques années, le fait que ce soit une institution québécoise n’a pas été garant d’investissements au Québec, malheureusement.
Mais au-delà de cet exemple, il y a des questions à se poser lorsqu’on regarde ce portrait-là. Au bout de la ligne, il me semble que le plus important c’est l’investissement, que cet argent soit investi ici, pour créer des emplois.
Frédéric Hanin
Vous avez raison, sauf qu’on n’est pas capable de pointer du doigt la responsabilité des gestionnaires. Dans le circuit de la gestion de l’épargne, les gestionnaires de fonds, donc le système bancaire canadien qui gère un certain nombre de fonds, on n’arrive pas à lui imposer une responsabilité sociale plus forte et plus importante. Alors, est-ce que le fait d’avoir des gestionnaires québécois nous permettrait de le faire ? C’est là le défi. À ce moment-là, il faut se demander quelles sont les règles qu’on demanderait aux gestionnaires au Québec ?
Gérald Larose
Mais en termes de pratique syndicale, il y a des comités où l’on siège qui pourraient vraisemblablement avoir une influence sur les choix.
Frédéric Hanin
Je vais me faire l’avocat du diable. Le cas qu’on connaît le mieux est celui de Quebecor qui a reçu un important financement de la Caisse de dépôt et, à ma connaissance, il n’a pas de pratiques syndicales qui correspondent vraiment à l’idée qu’on peut se faire de la syndicalisation au Québec. Le temps ayant passé, les pratiques ayant changé. C’est vrai qu’il y a maintenant beaucoup de choses à reconstruire au niveau du mouvement syndical.
Michel Venne
Monsieur Hanin, vous avez dit qu’au Québec, on semble peut-être mieux placé qu’ailleurs, pour ce que vous appeliez la socialisation de l’épargne, mais à cet égard, pouvons-nous dire que nous progressons ou que nous régressons?
Frédéric Hanin
Il y a des aspects sur lesquels on progresse. Par exemple, certaines initiatives tentent de mettre ensemble, de faire dialoguer différents gestionnaires de fonds du secteur privé au Québec, ayant des pratiques différentes. Par contre, là où l’on ne progresse pas, c’est sur la structure des régimes de retraite. C’est une difficulté, car avec les transformations des régimes à prestation vers des régimes à cotisation, on perd un certain nombre d’outils pour essayer de construire ces actions et ces investissements de long terme. Je ne dis pas qu’on fait nécessairement mieux dans tous les comités de retraite de régimes à prestations, mais le changement de la structure des régimes de retraite cause un gros problème pour essayer de construire des investisseurs de long terme pour le développement au Québec.