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Volume 1, no 4 |
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Parole d´excluEs, une approche innovante en matière de lutte contre l'exclusion sociale et la pauvreté |
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Parole d'excluEs, une approche innovante en matière de lutte contre l'exclusion sociale et la pauvretéJean-Marc Fontan - UQAM/IUPE Patrice Rodriguez - Parole d'excluEs Vincent van Schendel - UQAM/SAC
40 citoyens revendiquent de grands logements sociaux pour les familles lors d'une assemblée publique Une quarantaine de citoyens ont participé à l'assemblée publique du vendredi 3 avril 2009 pour obtenir de grands logements sociaux pour les familles. Cette demande, ils sont venus l'exprimer au Groupe de ressources techniques (GRT): Bâtir son quartier. Les GRT sont des organismes sans but lucratif dont la mission vise à appuyer le développement de projets de logement social et communautaire émanant de la population. Le RCIP compte bien poursuivre ses démarches auprès du GRT et de l'arrondissement jusqu'à l'obtention d'un résultat positif [1]
Introduction L'objet de cet article est de présenter une expérience novatrice de mobilisation citoyenne mise en œuvre par une organisation québécoise en vue de contrer l'exclusion sociale et la pauvreté. L'expérience choisie permet d'illustrer le modèle d'action [2] développé et coordonné par www.parole-dexclus.qc.ca l'organisme Parole d'excluEs.
La démarche de mobilisation et les actions, développées par cette organisation, se font à partir d'un projet-pilote visant le développement de logements communautaires dans deux quartiers montréalais entre 2007 et 2010. Les secteurs d'intervention sont situés dans les arrondissements de Montréal-Nord (Projet îlot Pelletier) et d'Hochelaga-Maisonneuve (Projet ancienne biscuiterie Viau) (http://iupe.wordpress.com/sites-dinterventions/ pour une présentation voir ici). Contexte historique de l'intervention de Parole d'excluEs En 2003, fort d'une expérience d'intervention dans le domaine de la lutte contre l'exclusion sociale, Patrice Rodriguez [3], en collaboration avec Vincent van Schendel et Jean-Marc Fontan [4], s'est investi dans une démarche de réflexion sur l'exclusion sociale et la pauvreté. Il a choisi d'observer des situations d'exclusion et d'illustrer les réponses apportées par des organisations et des populations situées dans trois contextes nationaux différents: ceux de l'Argentine, du Brésil et du Québec. Ce travail d'enquête sur le terrain a donné lieu à un film documentaire intitulé Parole d'excluEs, produit et réalisé par Patrice Rodriguez. Ce film a été diffusé auprès de différents réseaux sociaux québécois (organismes de solidarité internationale, centres de femmes, syndicats, organismes d'insertion, etc., rejoignant ainsi plus de 2000 personnes) où les participants étaient invités à réagir après chaque projection. Cette expérience de diffusion et d'animation s'inscrivait dans une recherche-action qui a donné lieu à la production d'un document d'analyse de la démarche. [5]
La prise de parole suscitée lors de la diffusion du documentaire a mobilisé et engagé dans l'action plusieurs des participants aux projections. Un collectif s'est constitué, lequel regroupait des personnes issues d'horizons variés. Les membres de ce collectif se sont donné pour mission de travailler au renouvellement des pratiques de lutte contre l'exclusion en intégrant une relation étroite entre pratique et réflexion. La création de l'organisation Parole d'excluEs a suscité des rencontres de travail et des débats au sein de divers groupes de discussion. De ces échanges a émergé une assurer la prise de parole des personnes en situation d’exclusion;
Un préalable conceptuel: une vision de l'exclusion Le refus du fatalisme est à la base de la réflexion mise en œuvre par le collectif Parole d'excluEs. Il repose en grande partie sur le fait que l'exclusion n'est pas un problème d'individus dysfonctionnels, mais plutôt le résultat de fonctionnements collectifs. Par conséquent, cette situation peut être transformée. Cette conviction s'est développée à partir d'une idée centrale: la lutte contre l'exclusion doit impliquer les personnes directement concernées. Dans cette perspective qui est la nôtre, l'exclusion est associée à tout processus qui prive les personnes et les collectivités de leurs droits, des moyens et des ressources pour exercer ces droits, et ce, dans tous les domaines de la vie: civique, politique, sociale, économique et culturelle. Toujours dans cette perspective, l'exclusion tire sa source du fait que nos sociétés sont fondamentalement inégalitaires. Elle n'est ni un phénomène naturel ni un processus inévitable et inéluctable. Elle découle d'une forme particulière d'organisation de la société et de choix faits par des instances sociales, publiques et privées. Ces choix, selon Parole d'excluEs, peuvent être inversés. Il est évident que les manifestations de l'exclusion sont plurielles. L'exclusion englobe un ensemble de réalités. Bien qu'elle se vive dans la pauvreté économique, elle ne s'y résume pas. Les personnes en situation d'exclusion sont aussi privées des réseaux et des interactions qui permettent de bien s'intégrer à la vie sociale et sont indispensables pour se donner un avenir décent. Elle s'inscrit dans une mise à distance institutionnelle des individus, de groupes sociaux et de portions de territoire. Concrètement, cela signifie que des écoles produisent plus de décrocheurs que de diplômés; que des centres de services sociaux et de santé sont incapables de rejoindre les populations en demande de services ou que la police réprime plus qu'elle sécurise, etc. Ce processus aussi peut être inversé. De cette vision de l'exclusion découle un changement de paradigmes: on ne combat pas l'exclusion sociale et la pauvreté seulement en accordant aux personnes qui en sont victimes une assistance et une prise en charge par un tiers, en définissant à leur place leurs problèmes, leurs besoins et leurs aspirations. Il s'agit plutôt de permettre aux personnes concernées de se rencontrer, de parler, de se représenter elles-mêmes leur situation, de définir leurs besoins et leurs aspirations, leurs projets, leurs actions, les fonctionnements qu'elles veulent mettre en œuvre, bref de les accompagner et de les soutenir afin qu'elles prennent en charge la transformation de leur situation. Il s'agit aussi d'interpeller les institutions et les pouvoirs publics en fonction de la parole libérée et à partir de projets portés par les personnes exclues. Bref, il s'agit de mener des actions collectives qui permettent de sortir de l'exclusion. Comment y parvenir ? Le projet-pilote de mobilisation par le logement communautaire Le projet pilote de «Mobilisation contre l’exclusion sociale par le logement communautaire» est né de l’alliance fondatrice entre deux organisations: la Société d’habitation populaire de l’Est de Montréal (SHAPEM) et Parole d’excluEs. Le projet repose sur deux grandes dimensions étroitement liées à l’expertise spécifique de chaque organisation:
La nature de cette alliance est telle que ces deux dimensions de l’intervention sont étroitement et systématiquement associées. D’abord, elles sont imbriquées sur le plan du partage des valeurs et de la vision entre les deux alliés. Ensuite, elles se complètent par l’actualisation de ces valeurs et de cette vision sur le plan opérationnel, notamment par la collaboration du personnel et des membres affectés ou mobilisés par le projet. Deux quartiers en transformation Le projet-pilote est déployé dans deux secteurs de deux arrondissements de Montréal ou sévit de façon structurelle une situation de pauvreté et d’exclusion sociale: Montréal-Nord et Hochelaga-Maisonneuve. Dans les deux cas, il s’agit d’arrondissements en transition. D’une ville cossue, telle qu’elle se présentait au début des années 1960, Montréal-Nord est devenue, en 2010, un arrondissement caractérisé par l’arrivée de personnes immigrantes et par une croissance importante de la pauvreté et de l’exclusion sociale. De plus, pour le secteur visé dans l’arrondissement, celui de l’îlot Pelletier, ce dernier était sous le contrôle d’une gang criminalisée. Le réseau fut démantelé et l’intervention policière s’est traduite par l’incarcération de ses principaux leaders en 2005. De son côté, le territoire d’Hochelaga-Maisonneuve est une des premières zones industrielles de Montréal. Y vivait et y vit encore une importante population ouvrière qui a vu ses conditions de vie se détériorer par la désindustrialisation massive qui s’est accélérée dans les années 1980. L’arrondissement connaît lui aussi un important mouvement de population et une transformation majeure de ses activités économiques. Il attire depuis quelques années une classe moyenne à la recherche de propriétés à prix abordable. Ces nouveaux arrivants sont appelés à cohabiter avec des personnes pauvres ou en situation d’exclusion sociale. Très spécifiquement, pour le secteur visé par le projet de mobilisation citoyenne, celui de l’ancienne biscuiterie Viau, cet espace implique la cohabitation de proximité, voire la promiscuité, de ces deux populations. L’un et l’autre de ces territoires d’intervention demandent le développement d’une pédagogie d’action adaptée en vue de mobiliser la population locale. Sur un fond commun, l’approche développée par Parole d’excluEs permet, dans les deux cas, de susciter le développement d’une démarche citoyenne puis de l’accompagner dans des choix d’action collective pour améliorer la qualité de vie dans chaque secteur. Un dispositif social au service de la communauté Quatre éléments composent le dispositif local mis à la disposition des résidants par le modèle d’action proposé par Parole d’excluEs. Le premier tient au développement d’une offre locative de qualité. L’alliance entre Parole d’excluEs et la SHAPEM rend accessible à des personnes pauvres ou exclues des logements communautaires de qualité, à un coût raisonnable et dans le respect et la dignité. Cette offre réduit la part des revenus que ces personnes consacrent au logement. Cela constitue un premier moyen d’améliorer la situation économique et la qualité de vie de ces personnes. Le deuxième élément tient à un local communautaire mis à la disposition des résidants du secteur. Le local communautaire est situé dans un des immeubles, propriété de la SHAPEM. Notons qu’il s’agit d’une ressource importante pour la population locale puisque, de façon générale, lorsque de tels locaux sont disponibles au sein de logements communautaires, c’est pour l’usage exclusif des locataires. Le troisième outil est déterminant pour créer du lien social. Il s’agit de l’Accorderie, un système d’échange local de services (SEL). Le SEL mis en place constitue une banque de temps qui permet de comptabiliser les services donnés (offre) et les services reçus (demande). La monnaie d’échange est comptabilisée en une monnaie horaire, une heure de service rendu équivaut à une heure de service reçu, quelle que soit la nature du service. Outre la création de lien social, l’Acccorderie agit directement sur les conditions de vie de ses membres. Elle permet le développement de projets collectifs, comme la formation de groupes d’achats ou la mise sur pied d’un système de crédit solidaire. Enfin, le quatrième élément repose sur l’accompagnement de la démarche d’intervention de la SHAPEM et de Parole d’excluEs auprès des résidants des deux sites par une équipe de chercheurs regroupés au sein d’un Incubateur universitaire. L’Incubateur universitaire Parole d’excluEs (IUPE) appuie la démarche de mobilisation par le logement communautaire en accompagnant les intervenants et la population par des études citoyennes [6], en systématisant les connaissances coproduites [7] et en permettant des opérations de veille [8] ou des études faisabilité [9] sur des questions liées au développement du projet dans son ensemble. Le projet-pilote Par projet-pilote, nous entendons l’actualisation de l’alliance formée entre la SHAPEM et Parole d’excluEs pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Ce passage à l’action implique le développement d’une proposition d’intervention composée de trois éléments: un système d’acteurs, un processus de mobilisation et un dispositif de convergence des savoirs et des pratiques. Le système d’acteurs La construction du système d’acteurs rend compte d’un choix initial: celui de lutter contre la pauvreté et l’exclusion à partir d’un levier agissant comme facilitateur de mobilisation d’une population locale dans le but de permettre la définition et la réalisation d’actions collectives. Dans cette perspective, un choix s’est arrêté sur la «mobilisation citoyenne contre l’exclusion sociale par le logement communautaire ». Pourquoi ? Premièrement, le logement communautaire rejoint les besoins de base portés par des personnes en situation de pauvreté et d’exclusion sociale. Dès lors, cette population se trouve au cœur de l’intervention. Deuxièmement, l’habitat est la base de l’enracinement social. Il est au centre des éléments essentiels pour assurer un bien-être minimal à des personnes en situation de pauvreté ou d’exclusion. Troisièmement, l’habitat concerne à la fois le lieu même d’habitation, le logement, et le milieu dans lequel se trouve ledit logement. Dès lors, travailler sur l’habitat permet à la fois d’œuvrer auprès de locataires et de travailler avec la communauté territoriale dans laquelle s’insère le site locatif. Une fois ce choix fait, commence la construction du système d’acteurs. La première étape consiste en l’identification de partenaires locaux pour accompagner l’action de mobilisation par le logement social. Quels critères doivent être considérés dans le choix des partenaires Parole d’excluEs développe des partenariats sur les bases suivantes:
Ainsi, le partenaire doit être à l’aise avec la mission de Parole d’excluEs et les éléments de la «déclaration de principes» (vision de l’exclusion sociale, valeurs, principes d’action, etc.). Deuxièmement, il doit avoir une expertise et une compétence reconnues dans un domaine d’intervention pertinent pour les résidants. Troisièmement, une relation de confiance est nécessaire entre les organisations pour qu’un intérêt collectif puisse émerger de la combinaison des missions portées par chaque organisation. Le choix de travailler en partenariat est la première étape à suivre dans la construction du système d’acteurs. Cette construction dans l’action se fait à partir d’une proposition qui doit rapidement être soumise à l’assentiment de la population locale. Le choix des acteurs qui sont partie prenante du système d’action est lui aussi stratégique. En résumé, un tel système d’acteurs comprend:
Un processus de mobilisation Le processus de mobilisation demande de formuler une proposition qui soit intéressante pour la population locale. Quels critères prévalent dans la formulation d’une telle proposition? Elle doit répondre à une urgence ou à un besoin bien senti. Pour des personnes qui consacrent plus du tiers de leurs revenus pour couvrir les coûts de leur logement, l’offre d’un logement communautaire répond à ce critère. Elle doit permettre la prise de parole autour du projet d’offre de logement dans une perspective où plus que l’actualisation d’un droit fondamental, ce dernier est un moyen de mobilisation pour agir collectivement sur la situation de pauvreté et d’exclusion sociale. Lors du processus de sélection des locataires, les candidats sont invités à prendre connaissance du projet de mobilisation et de ses implications en termes d’engagement social. En d’autres mots, il s’agit d’être transparent dès le départ: «Voilà ce que nous vous proposons. Comment réagissez-vous?» Sur la base de cette proposition. Le projet est en mesure de mobiliser la population et des ressources locales et régionales en appui au projet qui sera pensé et décidé par les résidants. Ce travail d’identification des actions collectives à entreprendre se fait à partir de la réalisation d’une première étude citoyenne. Cette dernière porte sur la définition des besoins et des aspirations de la population locale. C’est à partir de cette définition que peuvent se construire les actions collectives pour lesquelles se mobilisent les résidants. Il ne s’agit donc pas d’élaborer un plan qui sera validé par la population locale, mais bien de l’élaborer à partir de la parole collective exprimée par les résidants du secteur. L’étude citoyenne mobilise des ressources universitaires, étudiants et chercheurs, pour dégager une connaissance fine de la réalité du secteur d’intervention. Cette étude se fait sur le terrain, de concert avec des résidants, sur une période de temps assez longue, généralement quatre mois, et permet de créer des moments d’expression de la parole autour des besoins et des aspirations de la population. La mise en forme et l’analyse des données sont validées par un Comité de suivi formé de résidants et le tout est soumis à la population locale lors d’une assemblée générale. Un dispositif favorisant la coconstruction de savoirs Mettre en place un système d’acteurs et favoriser un processus de mobilisation citoyenne signifient qu’on se place dans une situation de rencontre entre des connaissances, des expertises, des savoir-faire et des savoirs être différents. Ces derniers sont parfois convergents et très souvent divergents. Ici, la coconstruction prend deux formes:
Par cette mise en commun, des cultures différentes sont appelées à travailler ensemble. Une telle rencontre peut être propice au développement d’un dialogue de sourds, de pratiques de domination et de rapports de pouvoir entre des parties prenantes qui sont fondamentalement dotées de dispositions et de ressources inégales. Comment agir de telle sorte qu’une convergence concluante des savoirs et des pratiques puisse prendre place? Comment habiliter les uns à la prise de parole et freiner d’autres dans leurs élans? Une façon de répondre à ces questions est d’associer un dispositif de recherche et de formation à l’expérience de mobilisation par le logement communautaire. Ce dispositif assure une mise en liaison forte et continue de ressources universitaires, donc de chercheurs et d’étudiants, pour accompagner le projet de façon à permettre la réalisation d’opérations de recherche-action, de formation action et de veille. Mettre ensemble des savoirs et des pratiques différentes signifie que les acteurs du système d’action sortent des sentiers battus; que l’innovation est constamment présente. En acceptant de partager les savoirs et les pratiques et de tenir compte des éléments précédents, les acteurs sont amenés à changer leurs comportements. Ce faisant, de nouvelles possibilités d’interactions se présentent. À titre indicatif, intégrer des citoyens dans la réalisation d’une activité de recherche demande de former ces derniers et de permettre un transfert de savoirs et de pratiques. De même, lorsqu’un chercheur accepte d’être partie prenante d’un Comité promoteur, il s’engage politiquement dans le projet, il quitte la bulle de la neutralité dans laquelle la science l’invite à se réfugier. Ce faisant, il importe de prendre note des processus et des dynamiques en cours. Cela nécessite un travail de réflexion sur le modèle d’action qui se déploie. Travailler dans cette perspective demande un effort constant de systématisation et d’une mise à distance critique par rapport à l’action. Lutter contre l’exclusion c’est possible!… Et ça donne des résultats concrets Du printemps 2007 au printemps 2010, les résidants de l’îlot Pelletier sont passés d’une situation attentiste, héritage du climat «de terreur» qui régnait dans le quartier au début des années 2000, à une situation d’engagement et de prise de parole. Les résidants sont parvenus à identifier les problèmes et à entrevoir des solutions. Ils en sont venus à se voir comme des acteurs pouvant avoir un impact sur le développement de leur quartier. En l’espace de trois années, ils se sont regroupés au sein d’une organisation citoyenne. Du diagnostic citoyen réalisé sur l’état de situation du quartier, ces résidants ont conçu et adopté un plan de revitalisation intégré. À partir de ce dernier, ils ont démarré des actions concrètes pour améliorer leur situation:
Certes, tout n’est pas réglé, mais l’héritage du passé se fait moins sentir. Une nouvelle image du quartier prend lentement forme. Pour les citoyens mobilisés, ce n’est qu’un début. Par la mobilisation collective, il s’est créé une nouvelle dynamique sociale et économique inclusive produite à la fois à partir d’une lecture sans compromis et de gestes simples qui ont permis aux résidants de se rencontrer, de mieux se connaître, de définir leurs aspirations, leurs besoins, de se donner des modalités de fonctionnement pour penser ensemble le devenir de leur milieu de vie. S’est amorcé un processus qui s’attaque aux sources de l’exclusion et vise des changements structurels. Conclusion Je m’appelle Mohammed. Je suis un résidant de l’îlot Pelletier depuis décembre 2007. Avant d’arriver dans le quartier, j’ai entendu beaucoup d’histoires au sujet de la rue Pelletier. Tout le monde me disait que la rue Pelletier était une zone où les gangs de rue étaient très actifs et où le taux de criminalité était très important. À mon arrivée, tout ça a commencé à changer. Mais le vrai changement, c’est l’ouverture du local communautaire, l’installation de l’Accorderie, le grand travail de Parole d’excluEs. Les études faites par les universitaires ont permis d’identifier les besoins et les aspirations des résidants de quartier. Enfin, la participation d’un grand nombre de citoyens de l’Îlot Pelletier aux projets, activités, fêtes et débats, a beaucoup aidé à donner une nouvelle image au quartier [10]. Par leur prise de parole, par l’expression des changements envisagés, qui ne sont donc jamais présumés d’avance, et par leur pouvoir indiscutable d’améliorer leurs conditions de vie personnelles et collectives, les citoyens représentent la pierre angulaire de ce projet de mobilisation. Afin de les appuyer dans leurs démarches, ces citoyens sont accompagnés par des acteurs mobilisés, que l’on pourrait nommer de soutien, qui partagent les avancées et les creux de cette démarche. Dans cette ligne de pensée, nous comprendrons que ce projet ait rapidement débordé les strictes préoccupations relatives au logement. En effet, le logement communautaire nous est apparu d’emblée comme une porte d’entrée, un point d’ancrage ouvrant sur les réalités locales, comme l’emploi, la sécurité alimentaire, l’éducation, la garde des enfants et non plus comme une fin en soi. L’expérience du projet sur deux sites très différents nous a permis de dépasser leurs aspects circonstanciels liés au territoire, d’en ressortir l’essence commune, d’en identifier les composantes à partir desquelles nous avons pu construire un modèle d’action. Ce modèle met en lumière les dimensions reproductibles, transférables de ces expériences dans l’intention d’intéresser les porteurs potentiels du domaine de l’habitation communautaire (gestionnaires de sociétés d’habitation) ou les organismes œuvrant à la mobilisation citoyenne ou les citoyens, à reprendre cette expérience dans d’autres communautés marquées par la pauvreté et l’exclusion sociale. [1] Extrait du journal du Regroupement Citoyen de l’îlot Pelletier (RCIP), mai 2009, p. 1.
[2] [2] Fontan, Jean-Marc, Pigeon, Marie Josèphe, Rodriguez, Patrice, Trottier, Sylvie et Vincent van Schendel, avec la collaboration de Jean-Pierre Racette et Carole Yerochewski. 2010. Le modèle d’action de mobilisation contre l’exclusion sociale par le logement communautaire de Parole d’excluEs, Montréal, Parole d’ecluEs.
[3] [4][4] Respectivement agent de mobilisation des connaissances au sein du Service aux collectivités de l’UQAM et professeur au département de sociologie de la même université. [5][5] Ruelland, Isabelle, Rodriguez, Patrice et Vincent van Schendel. 2007. La lutte contre l’exclusion à travers des expériences au Québec, au Brésil et en Argentine: Bilan de la tournée du film Parole d’excluEs, Montréal, Cahiers de l’Alliance de recherche universités-communautés en économie sociale, C-13-2007.
[6]
[7]
[8] [9] [9] Akartit, Mahjouba. 2009. Étude d’opportunité de mise en place d’un projet de sécurité alimentaire, Montréal, rapport de recherche de l’Incubateur universitaire Parole d’excluEs. [10] [10] Le journal du Regroupement citoyen de l’îlot Pelletier, mars 2010, p. 3. |
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