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Volume 1, no 4 |
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Politique intégrée de lutte à la pauvreté au Canada |
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Pour télécharger en format pdf, cliquez ici Lutter contre la pauvreté au Canada: un portrait des politiques intégréesPar Anika Mendell, Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé [1]Au cours des six premiers mois de 2009, quatre provinces canadiennes ont annoncé l’adoption de politiques de lutte contre la pauvreté. Ces provinces se sont jointes au Québec et à Terre-Neuve-et-Labrador dans leurs efforts pour lutter contre la pauvreté grâce à des politiques intégrées. Dans cet article, nous proposons un survol de ces lois et stratégies, sous l’angle de la santé publique. Lorsque le gouvernement du Québec a fait adopter par l’Assemblée nationale du Québec, en décembre 2002, la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, il se trouvait à l’avant-garde des efforts de lutte contre la pauvreté. Cette loi, la première du genre en Amérique du Nord, était d’autant plus innovatrice qu’elle était le résultat d’une importante mobilisation citoyenne et d’un processus de consultation et de délibération populaire [2]. Depuis, plusieurs provinces ont adopté à leur tour des stratégies ou législations (ou les deux) visant à réduire la pauvreté. Dans cet article, nous présentons ces politiques, identifiées dans le cadre d’une recension des initiatives intégrées de lutte à la pauvreté au Canada. L’une des particularités de cette recension est la perspective adoptée, soit celle de la santé publique. Le Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé (CCNPPS) s’est lancé dans ce projet, car son mandat consiste à sensibiliser la communauté de la santé publique au sens large (institutions gouvernementales provinciales, régionales et locales, organismes non gouvernementaux, communautaires et d’économie sociale) aux politiques publiques favorables à la santé, c’est-à-dire des politiques qui ciblent les déterminants sociaux de la santé. Le transport, l’emploi, le logement et le revenu sont parmi les déterminants de la santé; le revenu est un des déterminants principaux. En effet, les liens entre la pauvreté et la santé sont bien établis: plus on est pauvre, pire est notre état de santé [3]. Les inégalités de santé qui découlent de cette association sont manifestes lorsqu’on compare les populations favorisées et défavorisées. Il est donc pertinent que la communauté de santé publique ait à sa disposition de l’information relative aux politiques de lutte contre la pauvreté, en tant que politiques publiques favorables à la santé. Il est aussi intéressant de sensibiliser à ces politiques provinciales ceux qui s’intéressent et participent à la lutte contre la pauvreté, afin qu’ils puissent s’engager davantage dans l’élaboration de futures politiques. Pour faciliter la réflexion et la discussion, l’information colligée par le CCNPPS sur les lois et stratégies intégrées de lutte contre la pauvreté a été présentée sous forme de tableaux synthétiques (voir sur le site suivant). Ce format succinct à visée descriptive semble bien rejoindre les besoins des acteurs sur le terrain, qui peuvent utiliser le document et sa bibliographie pour aller plus loin dans leur propre analyse. Ici, nous proposons un sommaire des informations présentées dans ces tableaux synthétiques. La sélection des politiques Notre recension ne traite pas de toutes les politiques publiques qui visent à réduire ou à atténuer la pauvreté. Par exemple, chaque province a ses lois et programmes qui peuvent contribuer à la création ou au renforcement d’un filet de sécurité sociale. Sans minimiser l’importance de ces politiques, nous nous concentrons plutôt sur les stratégies intégrées de lutte contre la pauvreté. Ce type d’approche se caractérise par l’adoption de politiques et la mise en action d’interventions dans plusieurs secteurs, ministères ou juridictions, dans l’objectif de s’attaquer aux causes multifactorielles de la pauvreté. Après avoir fait cette première sélection, nous avons recensé les différentes stratégies à travers l’examen des sites Internet gouvernementaux ainsi qu’en procédant à des recherches par le biais de différents moteurs de recherche (Eureka, Google, etc.). Les rapports du Conseil canadien de développement social (2008), qui offrent un portrait détaillé des stratégies de lutte contre la pauvreté dans chaque province, ont été particulièrement utiles dans l’identification des stratégies. Bien que cette recension ait d'abord été publiée en septembre 2009, le CCNPPS maintient une veille sur l’émergence d’autres politiques intégrées de lutte contre la pauvreté afin de garder les informations à jour. Les politiques sous diverses dimensions Notre analyse des lois et stratégies intégrées de lutte contre la pauvreté au Canada est descriptive et vise deux objectifs: (1) sensibiliser la communauté de santé publique sur l’existence de ces politiques provinciales (territoriales de même que fédérales le cas échéant), en offrant un aperçu de chaque loi et stratégie ainsi qu’un lien vers les énoncés de politiques; et (2) offrir un outil réflexif qui amène les utilisateurs à faire leur propre analyse des politiques actuelles et celles à venir. Notre cadre d’analyse n’est pas basé sur un modèle conceptuel préconçu. Nous avons plutôt choisi de recenser les dimensions qui nous semblent utiles pour ceux qui travaillent dans le domaine des politiques publiques favorables à la santé. Par exemple, le caractère participatif de l’élaboration de la politique ainsi que la nature intersectorielle de son application. Nous avons aussi choisi d’inclure d’autres dimensions identifiées dans des analyses précédemment réalisées sur des dispositifs intersectoriels du même type, avec une ouverture explicite à la modification itérative des dimensions. Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés aux dimensions des «principes directeurs» à la définition de l’«objet», aux «mécanismes de suivi» et aux «mesures utilisées». Ces dimensions sont fondamentales à la compréhension de la politique et à son application. Par exemple, les «principes directeurs», tout comme la dimension «définition de la pauvreté», témoignent de la manière dont les auteurs de la politique cadrent le problème de la pauvreté. Pour le législateur, s’agit-il d’un problème sociétal ou d’une condition individuelle? Quelle est la nature des solutions à apporter, des aides ponctuelles ou des interventions structurelles? Comment évaluer les changements à la suite des actions portées et comment et à qui rendre des comptes? Des chercheurs pourront faire une analyse comparative en profondeur de ces différents fondements; ici, nous offrons un résumé afin de provoquer la réflexion. La présence d’un «processus de consultation dirigé par le gouvernement» indique dans quelle mesure le gouvernement a sollicité la participation de la population et des personnes en situation de pauvreté, donc le caractère inclusif de l’élaboration de la politique. De manière générale, la participation des personnes concernées (stakeholders) dans le processus de développement de politiques est considérée comme pertinente, voire incontournable; dans le cas d’une politique de lutte contre la pauvreté qui vise l’inclusion sociale, ce type de participation peut être encore plus pertinent puisqu’il permet d’incorporer le point de vue des personnes habituellement exclues des processus politiques. Un autre indicateur, la «création de comités interministériels/intersectoriels» et de «mécanismes de mise en œuvre» démontre à quel point la loi ou la stratégie mobilise les décideurs des autres secteurs et indique de quelle façon elle sera appliquée. Cet aspect intéresse le CCNPPS, car l’action intersectorielle ou interministérielle est de plus en plus privilégiée afin d’agir sur des problèmes complexes, telle la pauvreté. Dans la même veine, la catégorie «mécanismes visant à assurer la cohérence gouvernementale» montre jusqu’à quel point les lois et stratégies entraînent la participation et la coopération d’autres secteurs du gouvernement. Depuis la diffusion de ces tableaux synthétiques, des échanges avec des utilisateurs ont fait ressortir la pertinence d’explorer d’autres dimensions. Par exemple, l’arrimage entre ces politiques publiques et les organismes communautaires et d’économie sociale serait un champ à explorer. Survol des politiques par province Tournons-nous maintenant vers les politiques en question. Au cours de 2009, quatre provinces canadiennes ont annoncé l’adoption de stratégies de lutte contre la pauvreté. En effet, l’Ontario a adopté une loi visant à réduire la pauvreté; le Manitoba, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick ont, pour leur part, lancé des stratégies intégrées. En novembre 2009, le gouvernement fédéral a voté une résolution qui l’oblige à développer un plan d’élimination de la pauvreté. Ces gouvernements se joignent au Québec et à Terre-Neuve-et-Labrador dans leurs efforts de lutte contre la pauvreté à l’aide de politiques intégrées. Dans cette section, nous tracerons les grandes lignes des politiques intégrées de lutte contre la pauvreté, telles qu’elles sont présentées par les gouvernements dans les documents-cadres et en faisant ressortir les dimensions explicitées plus haut. Québec Nous commençons par le Québec, car cette province a tracé le chemin au Canada en matière de politiques intégrées de lutte contre la pauvreté. Plusieurs auteurs du Québec et d’ailleurs, incluant le CCNPPS, ont déjà traité du processus unique dirigé par le mouvement des femmes et le mouvement communautaire et qui a mené à l’élaboration et à l’adoption de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale en décembre 2002. Ces mouvements ont assuré la participation populaire et, surtout, l’inclusion des personnes en situation de pauvreté, dans la genèse, la rédaction et l’adoption de cette loi historique. Il convient également de souligner que l’adoption de cette loi a donné lieu à une vaste consultation menée par le gouvernement. Dans les mois qui ont précédé l’adoption de la loi, il a rencontré les représentants de 1000 groupes dans les 17 régions de la province afin de valider le premier jet de sa Stratégie de lutte contre la pauvreté, intitulée La volonté d’agir, la force de réussir. À la suite du lancement de la version officielle du document, une commission parlementaire a reçu les interventions de 135 personnes et groupes ainsi que 165 mémoires. Rappelons-le, l’objectif de cette stratégie est de faire en sorte qu’en 2013, le Québec soit l’une des nations industrialisées qui compte le moins d’individus en situation de pauvreté. La loi québécoise fait référence à la Charte des droits et libertés de la personne; ainsi, la pauvreté et l’exclusion sociale sont présentées comme des «obstacles à la protection et au respect de la dignité humaine [4]». Elle proclame que «cette lutte est un impératif national, dans l’esprit d’un mouvement universel visant à améliorer le développement social et économique de tous les êtres humains» et affirme que «tous les membres de la société québécoise souhaitent poursuivre des actions visant à combattre la pauvreté et l’exclusion sociale [5]». Par conséquent, l’objectif de la loi est de «guider le gouvernement et l’ensemble de la société québécoise vers la planification et la réalisation d’actions pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale et tendre vers un Québec sans pauvreté [6]». Cette loi offre une définition de la pauvreté, ce qui n’est pas le cas de toutes les autres politiques. Elle est définie comme étant «[…] la condition dans laquelle se trouve un être humain qui est privé des ressources, des moyens, des choix et du pouvoir nécessaires pour acquérir et maintenir son autonomie économique ou pour favoriser son intégration et sa participation à la société [7]». Comme l’a souligné William Ninacs (communication personnelle, 29 janvier 2009), la définition québécoise est innovatrice, car elle intègre la notion de l’inclusion sociale. Pour agir contre la pauvreté, la loi instaure la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, le Plan d’action gouvernemental de lutte contre la pauvreté, le Comité consultatif de lutte contre la pauvreté, le Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion (CEPE) et le Fonds québécois d’initiatives sociales. Le premier plan d’action, intitulé Concilier liberté et justice sociale: un défi pour l’avenir (2004), était accompagné d’un budget provincial (2004-2005) qui a alloué 2,5 milliards de dollars sur cinq ans pour la lutte contre la pauvreté. Un deuxième plan d’action est en cours d’élaboration. En ce qui concerne le CEPE, un de ses mandats est de déterminer des indicateurs de mesure de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Parmi ses recommandations qui datent d’avril 2009, on retrouve celle d’utiliser la mesure du panier de consommation (MPC) pour suivre l’état de la pauvreté au Québec. La loi québécoise établit également des instances d’action interministérielle: un comité qui regroupe des représentants de 13 ministères et organismes. De plus, les articles 19 et 20 de la loi donnent une fonction de conseiller au ministre chargé de l’application de la loi (ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale) et dote la loi d’une clause d’impact. Ainsi, le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale conseille les autres ministères au sujet de leurs propositions législatives ou réglementaires qui pourraient avoir un effet néfaste et significatif sur les personnes et familles vivant en situation de pauvreté (article 19). La clause d’impact force les autres ministères à évaluer leurs propositions lorsqu’ils estiment qu’elles pourraient avoir un effet significatif sur le revenu des personnes vivant en contexte de pauvreté (article 20). Enfin, la stratégie instaurée par la loi québécoise cible les domaines d’intervention suivants: le développement des jeunes enfants, les familles, le logement et le lieu d’habitation, la formation et l’emploi, la sécurité du revenu et l’intégration sociale. Terre-Neuve-et-Labrador Le 6 décembre 2006, Terre-Neuve-et-Labrador a été la deuxième province à faire adopter une politique intégrée de lutte contre la pauvreté, soit un plan d’action intitulé Reducing Poverty: An Action Plan for Newfoundland and Labrador. Ce plan a été conçu en collaboration avec la population, qui a été consultée à l’aide d’un document d’informations et d’un cahier d’exercices utilisés lors d’une série d’ateliers et de groupes de discussion. Les commentaires reçus par courrier électronique et par téléphone ont aussi été pris en compte lors de l’élaboration de la politique. En 2008, le gouvernement a procédé à ses premières consultations bisannuelles avec la population, afin de planifier la deuxième phase du plan d’action. Le plan d’action 2006-2010 définit la pauvreté et l’exclusion sociale comme «[…] non seulement le manque de ressources financières adéquates, [mais…] aussi l’exclusion sociale, qui est à la fois la cause et la conséquence de la pauvreté. L’exclusion sociale signifie que les individus ne sont pas capables de participer pleinement aux activités sociales et économiques de la société [8].» On maintient que la pauvreté est l’obstacle le plus important au développement des enfants et qu'elle a un effet nuisible sur le bien-être social et économique des communautés. Ainsi, le plan est fondé sur la vision d’une province sans pauvreté, qui permet aux individus de vivre à leur plein potentiel et qui leur offre le soutien dont ils ont besoin pour participer à la société. Le plan vise à faire en sorte que Terre-Neuve-et-Labrador passe du rang des provinces les plus pauvres à celui des moins pauvres en dix ans, soit 2016. Pour ce faire, le gouvernement s’est fixé cinq objectifs pour la période 2006-2010: (1) améliorer l’accès aux services intégrés pour les personnes à faible revenu; (2) renforcer le filet de sécurité sociale; (3) augmenter le revenu gagné; (4) miser davantage sur le développement des jeunes enfants; et (5) avoir une population plus éduquée. Il met de l’avant la planification de programmes destinés aux Autochtones et de soutien au système judiciaire ainsi que des interventions en matière de logement, de sécurité du revenu, de développement des jeunes enfants et d’éducation. La mise en action du plan d’action est assurée par un comité interministériel composé de représentants de ministères et organismes tels le ministre des Ressources humaines, du Travail et de l’Emploi (ministre responsable), l’Agence des relations de travail, le ministre chargé des Affaires autochtones, le ministre de la Santé et des Services à la communauté et le ministre de l’Innovation, du Commerce et du Développement rural. Les autres membres du comité proviennent des secteurs du logement, de la justice, de la condition féminine, des finances et de l’éducation. Ce comité est appuyé par un groupe de travail interministériel ainsi qu’un comité sous-ministériel. Le ministre responsable est chargé de faire état de la situation à l’Assemblée législative et, tous les deux ans, de produire un rapport qui examine les progrès et les lacunes du plan d’action. Le seuil de faible revenu (SFR) après impôt est utilisé pour dresser un portrait de la situation et pour mesurer les progrès. D’autres indicateurs sont aussi utilisés en tant que mesures à court terme. Ontario L’Ontario est la seule autre province canadienne à avoir adopté une loi contre la pauvreté, soit la Loi de 2009 sur la réduction de la pauvreté (S.O. 2009, c.10). Cette législation, qui date de mai 2009, est ancrée dans une vision d’une province où chaque personne a la chance d’atteindre son potentiel et de contribuer à une province prospère et en santé. Elle cite l’impératif de rompre le cycle de pauvreté intergénérationnelle en améliorant les perspectives de chaque enfant. Ainsi, la loi s'arrime au système d’éducation de la province ainsi qu'à la Prestation ontarienne pour enfants et elle est sous la responsabilité du ministre des Services à l’enfance et à la jeunesse. Elle fait appel à l’engagement de tous les secteurs et niveaux de gouvernement et de la société, essentiel pour la réussite de la stratégie, tout comme la croissance économique. La loi, qui a pour objectif de «mettre en place des mécanismes favorisant une réduction soutenue et à long terme de la pauvreté en Ontario» (art. 1), instaure une stratégie intitulée Rompre le cycle: Stratégie de réduction de la pauvreté de l’Ontario. Dans le but de consulter la population lors de l’élaboration de cette stratégie, le gouvernement a développé un site Web et a tenu 14 tables rondes dans la province. Les lettres, les appels téléphoniques et les procès-verbaux des rencontres ont été pris en compte. Les députés provinciaux ont également procédé à une consultation sur le terrain afin de tenir compte du point de vue de leur communauté. La loi ontarienne prévoit que la stratégie, dans sa première version et lorsqu’elle sera modifiée, soit fondée sur les principes suivants: l’importance de chaque Ontarien(ne) et des collectivités, la reconnaissance de la diversité, l’importance du soutien et de la participation des familles, le respect envers tous les Ontarien(ne)s, l’engagement et la coopération, et l’importance du secteur communautaire. La stratégie vise une réduction de 25% du nombre d’enfants vivant en situation de pauvreté au cours des cinq prochaines années (2015) et propose quatre principaux axes d’action: des programmes pour enfants et familles (vaccination, éducation, etc.), le renforcement des communautés, une augmentation des possibilités (logement, emploi, etc.) pour tous les sous-groupes de la population (Autochtones, femmes, immigrants, etc.) et une amélioration du fonctionnement du gouvernement (révision de l’aide sociale, création d’un institut de recherche en politiques sociales, etc.). Le ministre doit déposer un rapport annuel au gouvernement sur les activités de réduction de la pauvreté et la stratégie doit être évaluée tous les cinq ans par le gouvernement. La loi prévoit que la population soit informée de cette évaluation et qu’elle y participe, particulièrement les représentants de personnes «courant un risque accru de pauvreté [:] les immigrants, les femmes, les mères célibataires, les personnes handicapées, les peuples autochtones et les groupes victimes de racisme [9]». Un comité, au niveau du conseil des ministres, est chargé d’implanter la stratégie, appuyé par un secrétariat. Nouvelle-Écosse Avant de se doter d’une politique intégrée de lutte contre la pauvreté, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a adopté, en décembre 2007, le Poverty Reduction Working Group Act. Cette loi a instauré un groupe de travail composé de divers ministères et groupes et organismes tels Community Action on Homelessness, Feed Nova Scotia, une chambre de commerce et une agence sanitaire de district. Un sondage a aussi été mené auprès de 1300 personnes. Ce travail a conduit à l’élaboration et à l’adoption de la Stratégie de réduction de la pauvreté de la Nouvelle-Écosse en avril 2009. Cette stratégie part du principe que la plus grande ressource de la province reste ses habitants. Ainsi, selon l’énoncé, aider la population en situation de pauvreté renforce l’économie et la société. La crise économique figure aussi dans la stratégie: on reconnaît l’impact du climat économique sur les populations vulnérables et on s’engage à être vigilant pour contrer ses effets. La stratégie vise, pour l’an 2020, à rompre le cycle de la pauvreté en créant des occasions pour que tous les Néo-Écossais puissent «participer à la prospérité de la province et améliorer leur niveau de vie [10]». Les principaux axes de la stratégie sont (1) permettre aux gens de travailler et récompenser leur travail; (2) améliorer le soutien offert à ceux qui en ont besoin et (3) collaborer et coordonner. Un examen des programmes d’aide au revenu, ainsi que l’établissement de programmes de formation et d’emploi, de développement des jeunes enfants et la promotion d’une stratégie nationale sur le logement font partie des champs d’interventions prévus par la stratégie. Un comité ministériel, composé de hauts fonctionnaires et de sous-ministres des secteurs du Développement économique et rural, Services communautaires, Éducation, Finances, Santé, Justice et Développement du travail et de la main-d’œuvre ainsi que du Conseil du trésor, est chargé d’orienter et de diriger la mise en œuvre de cette stratégie. La stratégie prévoit également la nomination d’un coordonnateur de la réduction de la pauvreté, chargé notamment de l’évaluation des programmes. On ne précise pas la fréquence ni la forme des mécanismes de suivi; l’étude de l’état d’avancement de la stratégie sera faite «régulièrement […] y compris la présentation de rapports périodiques au public [11]». L’étude des indicateurs de mesure est en cours et le gouvernement devra s’y attarder durant la période 2010-2011. Pour le moment, on utilise le seuil de faible revenu ainsi que d’autres mesures tel l’écart de faible revenu pour les personnes qui ont des incapacités limitant le travail et le pourcentage d’enfants de moins de 18 ans vivant en situation de faible revenu. Manitoba Au centre du pays, le Manitoba a été la cinquième province canadienne à se doter d’une politique intégrée de lutte contre la pauvreté. Tout le monde à bord: Stratégie manitobaine de réduction de la pauvreté a été adoptée en mai 2009. L’énoncé de la stratégie stipule que la pauvreté est un problème complexe pour lequel il faut trouver des solutions à long terme, qui s’attaquent aux racines du problème. L’énoncé prône aussi une approche basée sur des données probantes, à plusieurs facettes et reconnaît l’importance d’améliorer la vie des personnes en situation de pauvreté lorsqu’elles effectuent la transition vers le soutien au revenu et la cessation des prestations. La pauvreté ne concerne pas uniquement le revenu, selon cette stratégie, mais aussi l’exclusion sociale. Toujours selon l’énoncé, ces deux phénomènes ont tendance à empêcher les individus, familles et communautés d’avoir accès aux avantages, aux ressources et aux possibilités de participer à leur communauté et d’atteindre leur potentiel. L’objectif de la stratégie est donc de réduire continuellement la pauvreté et d’augmenter l’inclusion sociale, par l’offre de logements abordables et sécuritaires, le soutien à l’éducation, à l’emploi et au revenu, la promotion de familles en santé et l’offre de services accessibles et coordonnés. Un groupe interministériel, présidé par le ministère des Finances et le ministère des Services à la famille et du Logement, veillera à l’application de la stratégie et se rapportera au comité ministériel sur la réduction de la pauvreté et l’inclusion sociale. Les indicateurs de mesure de la pauvreté permanente ou temporaire ne sont pas précisés. La stratégie est dirigée par les Services à la famille et du Logement Manitoba. Nouveau-Brunswick Le plan d’action de cette dernière province n’est toujours pas entériné par la loi, mais a été adopté par 50 participants, dont le premier ministre Shawn Graham, lors du «Dernier forum sur la pauvreté». Ensemble pour vaincre la pauvreté: le plan d’inclusion sociale et économique du Nouveau-Brunswick est l’aboutissement d’une initiative de débat public mené en trois temps. Lancée en octobre 2008, la première phase consistait en une consultation publique qui a inclus plus que 2500 personnes et qui a mené à la publication du document Un chœur de voix. La deuxième phase comprenait l’élaboration des options visant à réduire la pauvreté, en table ronde. Ces options proviennent directement du document mentionné plus haut. Enfin, la dernière phase consistait en l’adoption du plan par des participants, tels la ministre du Développement social (coprésidente), la ministre de la Santé et des représentants de la société civile et du secteur d’affaires. On vise une population de citoyens qui auront les ressources pour répondre à leurs besoins et vivre dignement, en sécurité et en santé, grâce à la collaboration entre tous les niveaux de gouvernements, des secteurs des affaires et des organismes à but non lucratif. De plus, chaque personne sera incluse en tant que citoyen à part entière, avec des chances d’emplois, de développement personnel et la possibilité de participer à la communauté. Aussi, le plan vise une réduction de 25% de la pauvreté monétaire et de 50% de la pauvreté monétaire lourde, d’ici 2015. Ce plan propose un modèle de gouvernance qui comporte des réseaux intersectoriels d’inclusion sociale et communautaire, instauré au niveau local. Il établit aussi un conseil provincial où siégeront représentants ministériels et sous-ministériels ainsi que des personnes issues des secteurs communautaires, d’affaires et des milieux défavorisés. Un secrétariat de coordination fournira le support administratif au conseil et aux réseaux locaux. Le plan met de l’avant trois axes prioritaires: répondre aux besoins fondamentaux, ce qui inclut une réforme de l’aide sociale; les «apprentissages pour la vie» et l’«acquisition de compétences»; et la participation communautaire [12] . Ce plan, c’est-à-dire sa vision, son objectif et sa structure, sera adopté dans une loi qui sera renouvelée cinq ans après, à la suite d'un processus de consultation publique. Conclusion Dans le cadre de ce projet, nous n’avons pas effectué d’analyse comparative entre les politiques présentées. Cependant, il est intéressant de mettre en relief (même très brièvement) quelques constats qui ressortent de cette recension. D’abord, notre survol permet d’observer quelques différences entre les politiques. Par exemple, les principes qui guident les politiques varient: la loi québécoise, qui est ancrée dans la Charte des droits et libertés de la personne, présente la pauvreté comme une violation de la dignité humaine, tandis que la loi ontarienne la cadre en tant que phénomène intergénérationnel qui nécessite des actions ciblant les enfants. Il existe des divergences entre les façons de définir la pauvreté (et, parfois, on ne la définit pas) ainsi qu’entre les modes d’application de ces énoncés. Les mécanismes de suivi des politiques varient, eux aussi. Nous constatons, par ailleurs, certaines similitudes entre les différentes initiatives. Par exemple, les processus de consultation et de délibération populaires sont présents dans la plupart des cas, même s’ils s’incarnent différemment et à des degrés variés. En effet, il est intéressant de constater qu’il semble y avoir un mouvement vers la co-construction des politiques directement avec les personnes en situation de pauvreté. L’action intersectorielle, un principe fondamental aux politiques publiques favorables à la santé, est également un fil conducteur entre ces politiques. Lutter contre la pauvreté est une question de santé publique, car la pauvreté, comme nous l’avons énoncé d’entrée de jeu, en est un déterminant principal. Dans un premier temps, cette recension a été mise en œuvre afin de sensibiliser la communauté de santé publique aux différentes facettes de ces politiques, car elles ont le potentiel de promouvoir la santé de la population. Le CCNPPS continuera d’informer les acteurs de santé publique sur l’existence de ces politiques et leurs composantes, afin qu’ils soient mieux outillés pour agir, en concertation avec les gouvernements et la population. Maintenant que ces six provinces canadiennes se sont dotées de politiques intégrées de lutte contre la pauvreté, il sera pertinent de suivre leur implantation et les évaluations qui en seront faites. En effet, il s’agit d’occasions d’observer et de participer aux efforts déployés afin d’apporter des solutions à un problème complexe, qui a des conséquences graves sur la société et ses citoyens.
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