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Économie sociale et développement des territoires
Vincent van Schendel
Geneviève Huot
(Territoires innovants en économie sociale et solidaire – TIESS)
Le nouveau pacte fiscal conclu entre le gouvernement du Québec et les municipalités a non seulement amputé le budget des municipalités et des organismes de soutien au développement territorial, mais surtout transformé le rôle des pouvoirs locaux (municipalités et MRC) dans le développement et pratiquement supprimé le pallier régional de concertation. Ce « tsunami », comme on l’a parfois nommé, a provoqué un peu partout à la fois une vague d’indignation et une désorientation chez de nombreux acteurs régionaux, particulièrement au sein de la société civile. Mais les coupes budgétaires et la réorganisation des structures et des pouvoirs cachent une question plus centrale : comment développer les territoires au Québec, autour de quelles visions ? Qui sont les acteurs pertinents de ce développement ? Ce texte se propose de discuter la place de l’économie sociale dans la reconfiguration d’un modèle de développement et les conditions de son déploiement.
Quel modèle de développement ?
Ce ramdam des territoires survient – ce n’est pas un hasard - dans un contexte de crise du modèle de développement et de redéfinition des politiques publiques et des façons de faire issues des 50 dernières années. Cette période a en effet connu différentes vagues d’innovations sociales, particulièrement sur le plan des initiatives citoyennes. Des vagues successives de politiques publiques ont balisé, soutenu et encadré ces innovations.
On peut très schématiquement présenter comme suit la périodisation :
• 1960 – 1980 : Révolution tranquille et déploiement des grandes politiques de services et d’infrastructures publiques. Le développement régional est vu comme une politique gouvernementale qui doit être gérée de façon centralisée (du haut vers le bas) afin d’aménager les régions et planifier leur développement. Les gouvernements – du Québec et fédéral – sont les acteurs pertinents et on tente de faciliter l’installation d’entreprises en régions autour de quelques grands pôles d’activité.
• 1980 – 2003 : nouvelles approches du développement régional et local, avec partenariat ouvert à la société civile. On constate un tournant : d’une part sous la pression de mobilisations citoyennes dans de nombreux quartiers, villes et régions, d’autre part sous l’influence d’organismes internationaux (notamment l’OCDE, par la mise sur pied du programme LEED [1] dans les années 1980). Les deux paliers de gouvernement appuient alors progressivement les initiatives locales et la présence de représentants de la société civile dans ces instances. La politique de soutien au développement local et régional (1997) créant les centres locaux de développement (CLD) est l’aboutissement de ce processus.
• 2003 à 2014 : la « zone grise ». C’est ainsi qu’on serait tenté de caractériser cette période: les structures précédemment mises en place sont transformées de l’intérieur : on remplace les Conseils régionaux de développement (CRD) par les Conférences régionales des élus (CRÉ) qui laissent moins de pouvoir à la société civile, la composition et le mandat des CLD sont modifiés. La conception que le développement est l’affaire du secteur privé et que les décisions qui le concernent doivent être prises par les élus puisqu’ils sont imputables se développe en parallèle, à Ottawa et à Québec. Elle est également relayée par différents instituts de recherche et « thinks thanks » privés. Selon cette conception, il faudrait se contenter de favoriser l’entrepreneuriat privé et il y aurait déjà suffisamment de structures de soutien existantes pour ce faire. En même temps, émergent un peu partout, de façon souvent éclatée et invisible, de nouvelles initiatives citoyennes collectives.
• Depuis 2014 : nouveau pacte fiscal avec les municipalités. Au-delà de la rhétorique officielle présentant cette réforme comme une décentralisation, plusieurs observateurs constatent au contraire une centralisation (voir ailleurs dans ce numéro) et un désengagement de l’État, face au déclin. En même temps, les nouvelles initiatives citoyennes, amorcées pendant la période précédente, se développent dans plusieurs secteurs d’activités et territoires.
La compréhension de ces transformations récentes et surtout de la rapidité avec laquelle ces structures se sont effondrées reste matière à débat. Au moins deux explications, qui ne sont pas incompatibles, peuvent être avancées. La première, c’est que ces innovations avaient atteint leur maturité et ne répondaient plus, ou moins, aux problèmes, besoins et aspirations de certains acteurs socioéconomiques qui dès lors ne les ont pas défendues. La deuxième, c’est que leur existence entravait malgré tout le redéploiement des politiques publiques, soucieuses de favoriser une certaine privatisation du développement. Ce débat est couvert par d’autres articles du numéro de cette revue.
Deux éléments doivent pour l’instant être soulignés, les deux étant liés. Le premier c’est qu’au fil du temps, des conceptions différentes du développement émergent, cohabitent et s’affrontent. Le deuxième, c’est que ce débat doit être situé dans une perspective plus globale: celle de la crise d’un mode de développement.
Une transition à opérer
Actuellement, il y a une crise qui concerne le mode de développement, les façons de le transformer et les acteurs jugés pertinents pour le développement. Ce qui est en jeu également, c’est la compréhension de ce qu’est un territoire : espace de vie en commun ou lieu de ressources à cueillir.
Le mode de développement actuel atteint ses limites et ne remplit plus ses promesses d’amélioration des conditions de vie des populations. Il met en péril la possibilité d’habiter de façon durable les territoires : volonté de croissance économique à tout prix, recherche de marchés à travers la planète; concentration de l’activité économique dans quelques territoires et autour de grandes entreprises qui prennent leurs décisions sans égard aux populations et aux écosystèmes locaux (délocalisations, fermetures d’usines, production ayant des effets néfastes sur l’environnement, course aux bas salaires). Le rôle des régions est alors réduit à des lieux d’extraction et non à des milieux de vie. De même, le modèle de développement actuel repose sur une déconnexion entre les mouvements de capitaux et la production. Des décisions spéculatives sont prises en ayant pour seul objectif d’accroitre le rendement à court terme des actionnaires. Le gigantisme, l’uniformisation, le gaspillage, la dépossession, la perte d’identité et de contrôle sur son avenir sont des termes qui reviennent souvent pour qualifier les conséquences de cette dynamique.
Il est paradoxal de constater que ces transformations s’appuient sur des présupposés plus idéologiques que sur les aspirations réelles de PME du secteur privé, celles-ci s’étant souvent plaintes de la disparition de structures de soutien dont elles profitaient largement.
Quoi qu’il en soit, une transformation s’impose. Ce qui est en jeu au-delà des structures, c’est de définir les logiques à mettre en œuvre pour favoriser le développement des territoires. Il s’agit d’opérer la transition vers un autre modèle de développement : une transition énergétique, écologique, qui permet de se connecter davantage aux besoins des populations et laisse place pour ce faire à l’initiative citoyenne; une transition qui tient compte des contraintes environnementales en cherchant des solutions qui ne passent pas forcément et pas uniquement par de grands projets d’ingénierie; une transition qui va au-delà de la modernisation verte d’une économie et d’une société qui resteraient somme toute identiques; une transition qui permet d’envisager de produire, de vivre et de développer autrement ; qui permet de revoir les modes de consommation, d’habitat, de déplacement et de consommation d’énergie; de revoir les modes de vie et qui permet de vivre mieux.
L’économie sociale, fortement en expansion depuis une trentaine d’années, peut jouer un rôle important dans cette transition. Un détour s’impose ici pour cerner les logiques à l’œuvre.
Les trois mondes de l’économie
L’activité économique est le fait de trois types d’acteurs, que l’on peut regrouper en trois « mondes » : le monde privé (détenteurs de capitaux), le monde public (gouvernements, organismes publics, agences gouvernementales, pouvoirs locaux) et le monde associatif, ce dernier regroupant autant les organismes communautaires, les syndicats, les entreprises collectives (coopératives, OBNL) et l’ensemble des organismes à but non lucratif. C’est ce que certains appellent le « pilier collectif » de l’économie.
Certes, ces mondes ne sont pas homogènes ni étanches, loin de là : petites ou grosses organisations, fonctionnement varié, règles diverses. Entre une municipalité et un ministère, il y a de grandes différences de fonctionnement, de même qu’entre une multinationale ou une PME familiale ou entre une grande coopérative et un petit OBNL. Ces trois mondes ne sont pas non plus d’ampleur égale et la relation de pouvoir y est parfois tout à fait asymétrique. Pourtant, au-delà des différences, il existe des principes qui unissent et distinguent ces mondes : la propriété et le mode de prise de décision. Le contexte actuel de crise du mode de développement permet de repenser les perspectives et les relations entre ces mondes.
Nos économies sont en effet présentées selon une logique binaire : privé/public. À en croire certains, la vraie économie serait celle du secteur privé, des détenteurs de capitaux et le succès devrait se mesurer à l’aune de l’accumulation du capital. Le secteur public, financé par la fiscalité, est parfois vu comme une ponction sur la véritable économie et donc une entrave à la création de richesses. Premier problème : une production est une production, peu importe qui possède les moyens de production, et la vision du secteur privé seul créateur de richesse est une chimère. Mais il y a autre chose : cette vision binaire – privé/public – masque le fait qu’il existe un autre monde de l’économie, caractérisé par la propriété collective et par le mode de prise de décision démocratique « une personne = un vote ».
De façon large, on peut aussi nommer économie sociale (ÉS) ce monde associatif. La définition d’économie sociale est cependant sujette à débat. Mais, si les entreprises collectives sont le cœur de l’économie sociale, celle-ci ne s’y résume pas. L’ÉS est une façon de faire, porteuse d’une logique différente. Elle est porteuse d’une autre vision du développement, ancrée dans les besoins des communautés, intégrant davantage les préoccupations économiques, sociales, politiques, culturelles, environnementales.
L’économie sociale, une économie citoyenne
L’économie sociale joue un rôle de premier plan dans le développement des territoires. De plus en plus d’acteurs au Québec et sur la scène internationale reconnaissent l’apport de cette forme d’économie citoyenne. En plus de créer de la richesse, elle remplit une mission sociale, notamment en contribuant à une meilleure répartition de cette richesse et au développement des capacités d’agir de ses citoyens. Cette économie repose sur des dynamiques et des façons de faire particulières tout en s’incarnant au sein d’entreprises collectives.
Ainsi, plus que la somme des entreprises collectives, l’économie sociale est aussi faite des dynamiques citoyennes qui sont à l’origine de la création de ces entreprises. Ces dynamiques reposent sur la prise en charge individuelle et collective. Elles incluent des mécanismes de consultation, de concertation et de réflexion collective portant sur les modes de développement à adopter et sur leurs retombées. Elles nécessitent que des choix collectifs soient faits. Lorsque ces dynamiques se mettent en place, un véritable développement des capacités collectives peut se réaliser. Un nouvel univers des possibles s’ouvre aux milieux qui prennent conscience de leur pouvoir, de leurs ressources et de leur potentiel collectif. Quand ce potentiel se met en œuvre, les forces vives se mobilisent et la morosité fait souvent place à la fierté. Un « cercle vertueux » du développement peut alors prendre place et s’enraciner, qui aura des retombées positives à long terme. C’est une économie citoyenne de proximité qui s’installe, née de besoins identifiés collectivement et de compétences partagées.
Les organisations de l’économie sociale se donnent des règles faisant en sorte que les besoins resteront toujours au centre de ses préoccupations et seront toujours réellement ceux de la collectivité. Le fonctionnement démocratique empêche une prise de contrôle par un ou quelques individus. Les règles sur la redistribution des surplus empêchent une dérive mercantile; celles sur l’interdiction de partager la réserve accumulée par une entreprise entre ses membres obligent à voir le développement à long terme afin de construire un patrimoine collectif pouvant servir à plusieurs générations. C’est ainsi ce fonctionnement démocratique qui permet un véritable empowerment et débouche sur des visées de transformation sociale.
Le schéma suivant illustre ces éléments.
Les éléments inscrits dans le bas sont les principes officiels de fonctionnement des entreprises d’économie sociale au Québec, selon la loi adoptée en 2013. Les cercles jaunes représentent des principes tandis que les cercles bleus illustrent des effets. L’inclusion se fait alors à la fois en rendant des emplois, des produits et des services accessibles à l’ensemble de la population. La pérennité réfère ici à la survie des entreprises, mais aussi à la poursuite de leur mission dans le temps et aux visées à long terme qu’elles portent concernant le développement territorial. Finalement, le cercle vert qui se trouve au centre montre que l’ensemble de ces éléments tend vers une transformation du mode de développement.
On retrouve plus de 7 000 entreprises collectives ou d’économie sociale à travers le Québec, sous forme de coopératives, de mutuelles et d’organismes sans but lucratif. Elles sont présentes dans une vingtaine de secteurs (arts et culture, agroalimentaire, commerce de détail, environnement, immobilier collectif, loisir et tourisme, technologies de l’information et des communications, médias, manufacturier, services aux personnes, finance, etc.). Elles emploient au-delà de 150 000 personnes et génèrent un chiffre d’affaires de plus de 17 milliards de dollars annuellement. Cette estimation, conservatrice, demande à être révisée, puisqu’il n’existe actuellement aucun portrait statistique officiel de l’économie sociale au Québec. Des travaux sont cependant actuellement entrepris par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) pour y parvenir. Ces entreprises sont un apport à la santé socioéconomique du Québec de plus en plus reconnu.
Des impacts concrets
Le Québec se distingue notamment par l’importance de son économie sociale et des effets concrets de celle-ci pour le développement et la vitalité des territoires. En agissant dans une vingtaine de secteurs d’activités, les entreprises collectives ont des impacts multiples. Dans l'ensemble, on peut toutefois dire que :
• elles créent des emplois locaux, pour tous, qui ne sont pas délocalisables. Ces emplois peuvent être qualifiés ou parfois s’adresser à des populations marginalisées;
• les surplus qu’elles génèrent sont réinvestis dans la communauté. Elles peuvent prendre en charge des activités lucratives et s’assurer qu’elles engendrent des retombées collectives;
• leurs missions sociale, culturelle et environnementale produisent des retombées qui vont au-delà de la création d’emploi et des rendements financiers. Elles contribuent à la cohésion sociale;
• les produits et les services qu’elles offrent à la population contribuent à dynamiser les milieux, dans des secteurs jugés peu rentables. Elles contribuent alors à revitaliser des quartiers urbains autant que des communautés rurales et freinent l’exode des populations;
• par la création d’emplois et l’offre de services pour tous, elles contribuent à combattre la pauvreté;
• elles ont un taux de survie plus élevé que les PME. Par exemple chez les coopératives, le ministère québécois des Finances et de l’Économie a calculé un taux de survie de 62% après cinq (5) années, comparativement à un taux de 35% chez les PME, pour la même durée;
• leur enracinement fait en sorte qu’elles sont soutenues par de nombreux acteurs locaux, y compris d’autres entreprises et des municipalités.
L’économie sociale est ainsi une façon de faire, une façon de développer qui s’enracine dans des entreprises collectives, dans la mobilisation et la délibération citoyenne et dans un système d’innovation. Forte de cet enracinement, elle est à même d’apporter des réponses originales à plusieurs enjeux de société. Son action ne se limite pas à combattre la pauvreté, même si elle y contribue fortement. Tous les citoyens, peu importe leur statut socioéconomique, peuvent avoir à cœur le développement d’une économie démocratique et faire des choix de consommation, de carrière et de vie que favorise l’économie sociale.
Les dynamiques d’économie sociale sont au cœur des réponses à trouver aux problèmes vécus. Les entreprises collectives font partie de la solution. L’économie démocratique et citoyenne doit être remise de l’avant. Il ne s’agit pas d’exploiter un marché ou de se présenter en héros à la tête d’une entreprise privée qui se donne une mission sociale. Il s’agit de redonner le pouvoir aux citoyens sur leur propre développement.
Des défis majeurs
Des défis majeurs se présentent pour soutenir le développement de l’économie sociale dans la période actuelle. Certains de ceux-ci font l’objet de plus amples discussions dans les autres articles de ce numéro.
Reconstruire les solidarités régionales et les espaces de délibération
Un des éléments qui a le plus marqué les esprits depuis le nouveau pacte fiscal est le fait que des organisations et des réseaux qui avaient pris l’habitude de travailler ensemble n’ont plus de lieux de rencontres. Il y a alors une crainte de voir l’esprit de clocher entre municipalités (le « chacun pour soi ») revenir. Bref, que l’espace régional comme espace de rencontre, de délibération, de solidarité, de projet, risque de disparaitre. Or, la rencontre, la délibération et la définition d’une vision sont essentielles à la construction de projets ancrés dans les besoins et à la mobilisation des personnes, des organisations et des ressources. La résolution de problèmes complexes appelle certes des solutions technologiques, mais adaptées aux êtres humains qui doivent donc participer aux diagnostics et aux solutions. La construction de nouveaux espaces de concertation, orientés vers le développement de projets mobilisateurs parait donc un premier enjeu majeur et des acteurs se mobilisent en ce sens.
Le financement
Le deuxième défi est financier. La disparition des structures de soutien au développement des territoires a aussi sonné le glas de divers fonds de financement de projets collectifs, quoique le portrait ne soit pas encore clair d’une région à l’autre. De nombreux projets en émergence peinent ainsi à trouver le financement nécessaire. Comme le montre le texte d’Émilien Gruet dans ce numéro, de nouvelles formes de financement tentent actuellement de se structurer. Mais l’argent n’est pas tout. On entend de plus en plus souvent des financiers dire : « il n’y a pas de bons projets » et des promoteurs d’entreprises collectives dire : « il n’y a pas de financement ». Il importe de construire un pont entre les deux rives : les promoteurs et les financiers afin de trouver les sommes et les modes de financement appropriés aux projets en émergence. Mais surtout, il importe d’accompagner le démarrage, la consolidation, l’expansion et la mise en réseau des entreprises collectives; favoriser le transfert de connaissances et d’expériences pour changer d’échelle. Ceci nous mène au troisième défi.
Renforcer l’écosystème, favoriser l’émergence et l’accompagnement des initiatives collectives
Les entreprises d’économie sociale font partie d’un système d’innovation sociale qui les appuie et qu’elles contribuent à alimenter. En étant branchées sur les besoins citoyens, elles inventent constamment de nouvelles façons de faire pour y répondre. Véritables pépinières d’innovations, elles peuvent aussi compter sur un système leur permettant de mettre leurs idées en œuvre, d’avoir accès à une multitude de ressources et de rester à l’affut des nouvelles tendances. Si l’ensemble de l’écosystème de soutien à l’économie sociale est resté globalement en place à la suite des récentes réformes gouvernementales et que certains éléments se sont même renforcés, d’autres ont été affaiblis ou demandent à se consolider.
Ce système réunit :
- des réseaux de concertation et de représentation (réseaux sectoriels, régionaux et nationaux d’entreprises);
- des outils financiers ;
- un comité sectoriel de main-d’œuvre (CSMO);
- des outils de commercialisation;
- des centres de recherche dans les universités et dans les cégeps (qui facilitent la codification et la systématisation de leurs pratiques);
- un organisme qui peut contribuer à transférer les innovations les plus porteuses (l’organisme de liaison et de transfert Territoires innovants en économie sociale et solidaire);
- des organisations de développement qui accompagnent les promoteurs dans les étapes du démarrage de leur projet.
Le soutien aux pôles d’économie sociale, le développement de nouveaux outils financiers et le renforcement du réseau de soutien et d’accompagnement aux entreprises collectives figurent particulièrement dans la liste des éléments à développer.
Des politiques publiques qui accompagnent
L’économie sociale ne peut être développée en vase clos. Elle a besoin, autant que le secteur privé, de l’appui des politiques publiques et des ressources publiques. Elle a besoin d’être reconnue pour ce qu’elle est : une économie à part entière, ayant accès aux mêmes programmes de soutien, ce qui, à l’heure actuelle est loin d’être le cas. Certes, l’adoption de loi sur l’économie sociale en 2013 et du plan d’action gouvernemental en économie sociale, en 2015, ont été un pas dans la bonne direction. Mais beaucoup reste à faire.
Le travail avec les municipalités est une avenue prometteuse. L’économie sociale est de fait un partenaire tout indiqué pour le milieu municipal, notamment pour le développement de services de proximité [2].
Changer d’échelle
Voilà un enjeu qui peut résumer tous les autres. Il ne s’agit plus pour l’économie sociale de se maintenir ou de multiplier les petites entreprises. Il s’agit de changer d’échelle : permettre aux entreprises qui le veulent et qui le peuvent de grandir, d’essaimer, de transférer leurs expériences, d’améliorer les retombées de leurs activités et en définitive d’apporter leur contribution à la transformation du modèle de développement. Mais cette transformation va au-delà de la mise sur pied d’entreprises collectives les unes à côté des autres.
Les transformations nécessaires pour permettre une transition sociale et écologique doivent reposer à la fois sur des innovations sociales et technologiques. L’innovation sociale (trouver de nouvelles solutions à des enjeux de société, changer les façons de faire, de répartir le pouvoir, de prendre les décisions, etc.) fait partie intégrante du fonctionnement de l’économie sociale. Toutefois, les innovations sociales et technologiques doivent être vues comme étant complémentaires. En effet, pour réellement changer les choses, les solutions techniques qui peuvent accroitre la productivité ou faire diminuer la pression sur les ressources naturelles et énergétiques sont essentielles et leur nécessité ne doit pas être négligée par les acteurs habitués à travailler en innovation sociale.
Conclusion : de nouveaux modèles d’action territoriaux en émergence, des débats en cours
Les questions soulevées dans ce texte ne sont pas nouvelles. Elles sont cependant de plus en plus répandues, partagées et en voie d’atteindre une acuité particulière. Si une multitude d’initiatives sont en émergence, si la soif de développer autrement n’a sans doute jamais été aussi intense, il manque une vision globale, cohérente et partagée entre ces actions, ces organisations, ces initiatives. Des acquis importants des cinquante dernières années existent. Un débat national s’impose. Plusieurs réseaux ont récemment entamé des tournées régionales afin de lancer des débats qui tournent autour de ces préoccupations. C’est notamment le cas du Chantier de l’économie sociale et de la FTQ. D’autres suivront. Peut-on converger vers un forum national au cours des prochains mois? L’idée mérite d’être lancée.
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[1] LEED : Local Economic and Employment Development Program – Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Le LEED existe encore.
[2] Voir à ce sujet par exemple TIESS : Alliés pour le développement et le mieux être des collectivités.