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Les laboratoires ruraux : une expérience québécoise riche d’apprentissages
Kathleen Aubry
Coordonnatrice
Conférence des préfets de l’Abitibi-Témiscamingue
Patrice LeBlanc
Directeur
Chaire Desjardins en développement des petites collectivités
Département des sciences du développement humain et social
Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue
La mesure des laboratoires ruraux, initiée par le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire (MAMROT) [1] dans le cadre de la deuxième Politique nationale de la ruralité (PNR), voulait permettre aux communautés rurales du Québec de s’approprier de nouvelles approches dans la mise en valeur de leurs territoires. En 2015, la Chaire Desjardins en développement des petites collectivités de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) avec l’appui de Solidarité rurale du Québec (SRQ) et de l’organisme de liaison et de transfert Territoires innovants en économie sociale et solidaire (TIESS) a mené un projet de recherche exploratoire pour dresser un premier bilan des apprentissages des laboratoires ruraux et des retombées liés au transfert des connaissances dans les collectivités. Ce texte présente les principaux résultats de cette étude.
La mesure des Laboratoires ruraux
Entre 2007 et 2014, 33 expériences de laboratoire rural ont été menées sur l’ensemble du territoire québécois. Le gouvernement du Québec a consacré 15,5 M à cette mesure afin de soutenir les communautés rurales dans l’exploration et l’expérimentation de nouvelles dimensions du développement rural, porteuses d'avenir. En concordance avec les orientations de la PNR et du pacte rural de la MRC où il se déroulait, chaque projet de laboratoire pouvait s'échelonner sur une période maximale de six ans. Les résultats escomptés du laboratoire devaient « démontrer une progression au fil des années et une durabilité au terme du projet » (MAMROT, 2007, p. 6). L’objectif étant de développer les connaissances et de les diffuser, les projets retenus avaient l’obligation de partager leurs expériences avec le milieu et l’ensemble de la ruralité québécoise. La mesure de laboratoire rural privilégiait la mobilisation du milieu et la conclusion de partenariats.
Répartis dans 13 régions du Québec, les laboratoires témoignent d’une grande diversité. Les secteurs de l’énergie, de l’agriculture et de la nouvelle foresterie regroupent près de la moitié des projets, suivi des secteurs de la santé, du développement communautaire, de l’éducation et de la culture.
Les promoteurs provenaient majoritairement des OBNL (30,3 %), des coopératives (24,2 %), suivi des municipalités (15,2 %), des Municipalités régionales de comté (MRC) et des Centres locaux de développement (CLD) avec 4 projets chacun (12,5 %) et des établissements scolaires (6,1 %).
Chaque laboratoire constituait en soi un projet pilote de développement innovant sur le plan de la gestion, de la concertation ou de la mobilisation. Les modèles de développement local, d’innovation sociale et de développement des communautés ont parfois été utilisés de façon explicite et adaptés par les laboratoires afin de mieux répondre aux besoins locaux. Ces différents cadres d’intervention ont davantage été utilisés par les laboratoires inscrits dans une recherche partenariale. Si certains laboratoires se sont inspirés d’approches connues pour mobiliser leurs collectivités sur des enjeux collectifs, chacun s’est façonné différemment.
L’étude : quelques éléments méthodologiques
La période couverte par notre étude s’étend de 2008 à 2014. Nous avons analysé la documentation produite par l’ensemble des laboratoires (journaux de bord, rapports, bilans, plans d’affaires, plans d’actions, publications, revues de presse, sites web, etc.), en nous attardant principalement aux bilans. Une enquête exploratoire auprès de trois directions régionales du MAMROT (Gaspésie, Abitibi-Témiscamingue et Estrie) a permis de recueillir des données plus empiriques sur la mise en œuvre et les apprentissages réalisés par les laboratoires. Les entretiens exploraient le contexte d’émergence et la mise en œuvre des laboratoires sur le territoire des différentes MRC, les apprentissages réalisés en regard des projets et objectifs ainsi que les retombées des laboratoires ruraux dans le milieu.
Les apprentissages
Les bons coups exprimés par les participants constituent autant de leçons à retenir en vue d’un transfert des apprentissages sur les plans individuels, organisationnels et communautaires. De même, les difficultés rencontrées peuvent susciter des solutions innovantes puisque ce qui n’a pas fonctionné peut être riche d’apprentissages. Nous nous sommes inspirés du cadre de référence de la gestion du développement local de Paul Prévost (Niska, 2014, p. 8) pour classifier les types d’apprentissages réalisés. L’intérêt de ce modèle est de permettre d’appréhender l’ensemble des processus et des résultats, orienté vers le renforcement des capacités de la communauté. Ce modèle met en évidence quatre processus au centre de toute démarche de développement local : un processus de mobilisation, de réflexion, de collaboration et enfin un dernier d’organisation.
Processus de réflexion
Le processus de réflexion favorise l’émergence de « sens » aux projets. Les étapes consacrées à la définition du laboratoire et à la planification font partie de ce processus déterminant pour la poursuite des objectifs. Les laboratoires ont pris forme en s’appuyant sur les acquis des promoteurs, enrichis par l’implication des divers partenaires. Ainsi, pour la CRÉ des Laurentides, l’obtention d’un laboratoire pour la protection et la mise en valeur des paysages « représente l’étape la plus récente d’un ensemble de démarches entreprises depuis les deux dernières décennies » (Conférence régionale des élus des Laurentides). La période de planification et de consultation du projet gaspésien Produire la santé ensemble a débuter deux ans avant l’acceptation du projet par le MAMROT, tandis que le processus pour définir les objectifs du laboratoire de Saint-Camille s’est échelonné sur une période d’une année.
Un apprentissage maintes fois mentionné consiste à prendre le temps nécessaire pour se doter d’une planification solide, avant d’amorcer les opérations. Le laboratoire de Charlevoix résume bien ce propos :
« Il faut avoir pris le temps de mettre en place des structures efficaces. Une bonne planification permettra de gagner du temps au fils d’arrivée versus une action rapide non réfléchie. Passer rapidement en mode action, c’est rassurant, mais sans réflexion et planification préalable, l’énergie est souvent dépensée à faire la mauvaise action qui peut aggraver le problème qu’elle cherchait pourtant à régler. » (Laberge, [2014], p. 96)
Les deux tiers des laboratoires présentaient des objectifs liés à la diversification économique, la valorisation des ressources locales, la revitalisation socioéconomique et la dynamisation agricole. Près de la moitié poursuivaient des objectifs de revitalisation du milieu de vie par l’augmentation de services de proximité. L’établissement d’un trop grand nombre d’objectifs, l’ampleur et la complexité du projet initial ont été constatés par les laboratoires eux-mêmes. Certains laboratoires ont révisé leur attente ou réorienté leurs actions suite aux difficultés rencontrées ou en réponse à des études démontrant le faible potentiel de rentabilité. D’autres se sont distanciés des objectifs initiaux ou ont carrément changé de direction afin d’éviter d’arriver dans un cul-de-sac. Les promoteurs ont souvent sous-estimé l’ampleur des démarches, les délais et les coûts pour arriver aux résultats souhaités. Des objectifs initiaux visant l’approvisionnement de filière industrielle ou la construction d’infrastructure ont été abandonnés. Les laboratoires qui s’étaient dotés dès le départ d’indicateurs de suivi ont pu évaluer plus facilement l’atteinte partielle ou complète de leurs objectifs. Des laboratoires ont également souligné que, s’il faut établir des objectifs réalistes et mesurables, il est également primordial de « nourrir les rêves » (Goulet-Thibaudeau, 2014). La volonté de redonner vie au village est une source de motivation partagée par la très grande majorité des laboratoires.
Une majorité de laboratoires semble s’inscrire dans une approche intégrée du développement, conjuguant des dimensions économiques (investissements dans l’économie locale et créatrice d’emplois) et sociales (services collectifs de proximité). Recherchant l’utilité sociale et la viabilité économique, plusieurs promoteurs se questionnent toutefois sur la rentabilité de cette approche pour la phase post-laboratoire. Une réflexion similaire porte sur le développement durable. Le laboratoire gaspésien Agroforesterie et paysage se retrouve confronté à ce choix :
« S’il est vrai que la situation économique est très préoccupante, il apparaît pourtant indispensable d’associer à la réflexion les questions sociales et environnementales… cette animation devrait se faire auprès des élus, des décideurs, des groupes professionnels (agriculture, foresterie), mais aussi auprès des citoyens. Il est clair qu’il s’agit d’une tâche ardue… Pour la faciliter, il faut l’appuyer sur des actions concrètes qui vont toucher les différents acteurs et les amener à cheminer par eux-mêmes à travers des gestes concrets qu’ils poseront en groupe. » (Anel, 2009, p. 36).
De son côté, le laboratoire de cirque équestre La Centaurée, situé dans une municipalité de 367 personnes à 20 km de Montmagny, a constaté un décalage entre la volonté d’un ancrage territorial rural pour insuffler un certain dynamisme au milieu et l’obligation financière de se délocaliser à proximité des concentrations urbaines.
Le processus de mobilisation
Les laboratoires ont témoigné d’originalité dans les moyens utilisés pour mobiliser leur milieu (vidéo, assemblée de village, jeux citoyens, lac à l’épaule, 5 à 7 interactif, etc.). La consultation du milieu et des partenaires au tout début du projet semble avoir facilité l’appropriation collective et l’ancrage territorial des projets. Ainsi, les nombreuses activités rassembleuses du laboratoire Produire la santé ensemble ont favorisé l’implication des néo-ruraux au sein de la communauté de Val d’Espoir, dévitalisée et vieillissante. Pour rejoindre l’ensemble des communautés, les porteurs du laboratoire Cité-école ont organisé une tournée d’échange auprès des parents, élèves, membres de la communauté, directions d’écoles et enseignants. Ils ont questionné la perception du projet, la place faite aux jeunes et la réussite scolaire.
Cependant, le démarrage des activités et le maintien de la mobilisation, simultanément, ont semblé plutôt ardus. Plusieurs participants déplorent la difficulté de mobiliser à la fois la population, les intervenants socioéconomiques et les élus. La Coopérative de produits forestiers non ligneux de la MRC de L’Islet, située dans la région de Chaudière-Appalaches précise qu’il a été « plus aisé de développer des partenariats avec les ministères, organismes de développement, fournisseurs ou partenaires provenant des régions du Québec qui ont les mêmes buts [tandis que] l’appropriation collective [a été] difficile à première vue à cause du peu d’intérêt en général de la population envers le projet » (Coopérative de produits forestiers non ligneux de la MRC de L’Islet, 2014, p. 20).
La réalisation d’actions spécialement dédiées à l’animation et au réseautage dans le milieu, la diffusion des résultats et une communication soutenue envers la communauté influençait positivement le maintien de la mobilisation et la reconnaissance du milieu. Les laboratoires se sont aperçus que la mobilisation ne pouvait être considérée comme acquise : « Bien qu’une certaine prise en charge par les milieux s’est effectuée, il reste qu’il y aura toujours un travail à effectuer au niveau de la mobilisation des troupes et du soutien à offrir » (Niska, 2014, p. 25). Parmi les apprentissages réalisés, l’acquisition de compétences communicationnelles, la résolution de conflit et la capacité de se réseauter ressortent.
Processus de collaboration
Les participants ont observé que le leadership et la crédibilité du promoteur pouvaient influencer et faciliter l’obtention d’appuis et la construction de coalitions. Tous les projets ont connu des moments d’enthousiasme, suivis de périodes de découragement. La persévérance et la ténacité des promoteurs ont été fréquemment soulignées dans les bilans. Identifié comme une condition essentielle de réussite, un participant du laboratoire agricole portant sur la diversification du potentiel agricole dans les Hautes-Laurentides explique :
« La persévérance d’un solide noyau de producteurs mérite d’être soulignée en premier plan puisqu’il s’agit d’un facteur de succès majeur pour le projet. Malgré les échecs et les difficultés rencontrées les premières années, et alors que la moitié de la cohorte de départ avait abandonnés, ils ont finalement su démontrer que la culture de grains biologiques pouvait être une avenue de diversification rentable pour les producteurs agricoles de la région. » (Goulet-Thibaudeau, 2014, p. 9).
Un peu partout, les promoteurs ont ressenti une fierté légitime en constatant l’appui indéfectible des partenaires et le maintien de l’intérêt tout au long du laboratoire. Les laboratoires ont tous établi des relations partenariales favorisant l’ancrage territorial. Les partenariats sont multiples, reposant à la fois sur une logique territoriale et sectorielle de filière. Ce processus multiscalaire s’étend au-delà des limites géographiques de la communauté.
Les municipalités ont joué un rôle clé dans l’appropriation collective des démarches des laboratoires. Nous avons constaté que l’implication des élus favorisait la mobilisation autour du projet. Les promoteurs soulignent d’ailleurs l’importance de l’appui constant des municipalités et des MRC dans le projet : « Il s’agit de la pierre angulaire qui aura permis de favoriser le développement d’un territoire rural attractif pour les personnes immigrantes » (Portes ouvertes sur le Lac, Service d’accueil pour immigrants, 2013, p. 13).
La mobilisation des partenaires a été facilitée par la visibilité, la notoriété et le financement de la mesure des laboratoires. Par leur appui moral, technique ou financier, les partenaires validaient la pertinence et la légitimé des projets. Cette mesure recèle un réel potentiel de développement. Au Bas-Saint-Laurent, les promoteurs d’un laboratoire confirment que :
« le simple fait d’être titulaire d’un laboratoire rural a indéniablement des effets collatéraux très intéressants. En effet, cela procure une notoriété qui contribue grandement à faciliter l’association avec la grande majorité des partenaires avec qui nous avons travaillé durant ces cinq ans. La visibilité que procure l’obtention du laboratoire en région représente pratiquement déjà un bon début de rampe de lancement en soi. » (Cimon et Potvin, 2013, p. 128).
Progressivement, les promoteurs ont constaté la pertinence d’investir dans des partenariats stratégiques et sectoriels. Les sources d’expertises consultées par les laboratoires sont extrêmement diversifiées. Des laboratoires ont réussi à former des équipes multidisciplinaires de haut niveau, comme celles s’intéressant à l’utilisation du saule comme biofiltration, à Saint-Roch-de-l’Achigan, dans la région de Lanaudière. Un peu partout, des nouveaux collaborateurs se sont progressivement greffés aux équipes initiales afin de bonifier les objectifs de recherche.
L’inscription dans un réseau ou une filière permettait de contrer l’isolement, d’avoir accès à de la veille technologique et de renforcer ses capacités. La recherche partenariale fut bénéfique pour le partage des activités de réflexion, de recherche et de transfert en augmentant les opportunités de diffusion des connaissances. D’autres laboratoires ont bénéficié du soutien des professionnels du CLD. Les laboratoires ont su s’inscrire dans des réseaux structurés, régionaux et nationaux, à la fois sectoriels et territoriaux. La capacité de développer des réseaux constitue un apprentissage collectif important, générateur d’un impact positif à plus long terme. Les laboratoires ont souligné l’importance de l’accompagnement professionnel et ont su profiter des opportunités offertes par leurs partenaires privilégiés. Au terme des laboratoires, les promoteurs ont développé leur capacité à établir des partenariats durables et respectueux des valeurs de chacun.
Le Groupe des partenaires pour le Développement Forestier Durable des Communautés de Charlevoix et du Bas-Saguenay (PDFD) a expérimenté la concertation comme nouveau modèle de partenariat territorial pour dynamiser la gestion de la ressource forestière. La concertation s’est bâtie dans un climat de confiance, nécessitant des habiletés relationnelles pour « mettre en œuvre des solutions concertées qui procurent aux parties impliquées un bénéfice mutuel gagnant-gagnant » (Laberge, [2014], p. 25). Le laboratoire des PDFD constate que « plus un projet partagé est complexe et implique de nombreux acteurs, plus il faut du temps, des essais, des erreurs et des réussites pour implanter une culture de concertation entre les partenaires » (Laberge, [2014], p. 77). L’approche de concertation témoigne donc de l’apprentissage et de l’intégration des valeurs, attitudes et comportements d’écoute. Nos observations démontrent également que la concertation intersectorielle a renforcé les stratégies d’intervention de l’action locale. L’Association coopérative de consommation de Percé, promoteur d’un laboratoire axé sur l’autonomie alimentaire et l’amélioration de l’état de santé, a su par exemple mettre en réseau des partenaires de la santé, et de l’agriculture ainsi que des citoyens provenant d’horizons divers. La concertation intersectorielle a renforcé la communauté par une mise en commun des ressources locales, un meilleur partage du pouvoir et la possibilité de travailler ensemble.
Le processus d’organisation
Ce processus correspond à l’étape de structuration organisationnelle : dotation, gouvernance et cadre de gestion. Plusieurs laboratoires ont éprouvé des difficultés de gestion, notamment pour la rétention et le recrutement de la main-d’œuvre, la commercialisation et la gestion de projet. La complexité de la mise en marché des produits de spécialité et la logique de marché dans laquelle s’insère ce processus ne peuvent être surmontées uniquement par une approche volontariste. Le recours à des consultants ou des firmes spécialisées a parfois freiné le développement de l’expertise locale provoquant une plus forte dépendance des participants dans la recherche de solutions novatrices.
En regard de la gouvernance, nous nous sommes intéressés aux apprentissages réalisés par les laboratoires dans leur capacité à animer des lieux de réflexion et d’échange et de mettre en place des structures consultatives, collaboratives, décisionnelles et de mise en œuvre. Le Groupe des Partenaires pour le Développement Forestier Durable des Communautés de Charlevoix et du Bas-Saguenay (PDFD) privilégie le partenariat. La raison d’être et la pérennité de ce groupe reposent sur la participation volontaire de l’ensemble des acteurs forestiers du territoire. Ce laboratoire a réussi à arrimer un mode de gestion concertée et de planification stratégique pour développer un modèle exportable aux autres régions. La force de ce modèle est de préciser les mandats des acteurs ainsi que les espaces de collaboration dans un processus démocratique favorisant les relations partenariales. Ce type de gouvernance a permis de développer les capacités à résoudre les conflits et de maintenir l’implication des partenaires pour la durée du laboratoire. Les laboratoires ayant mis en place un type de gouvernance dynamique avec des mécanismes participatifs et rétroactifs sembleraient avoir obtenu davantage de succès.
Quelques constats généraux
La mesure des laboratoires ruraux privilégiait le développement des compétences et le transfert des connaissances dans les communautés rurales. L’investissement consacré à ce volet nous est apparu assez important. Conséquemment, une très grande variété de connaissances théoriques et pratiques a émergé des laboratoires ruraux. Progressivement, les participants ont acquis une meilleure connaissance du rôle des acteurs, locaux, régionaux et nationaux. Les bilans démontrent d’ailleurs une meilleure compréhension des enjeux politiques, économiques et territoriaux ainsi qu’une plus grande capacité d’intervention sur le plan du développement local. Les intervenants du MAMROT nous confirment également que les apprentissages réalisés vont perdurer au-delà de la durée des laboratoires.
L’acquisition de connaissance participe avec la mobilisation des acteurs et la création de capital social au renforcement des capacités du milieu. L’exemple du CERMIM, porteur d’un laboratoire sur la gestion des matières résiduelles (GMR) aux Iles-de-la-Madeleine, corrobore ce constat :
« Dans son ensemble, le Laboratoire a contribué à développer le capital social territorial par le développement des capacités en GMR, le renforcement d'une conscience et d'une responsabilité collective sur la production/gestion des MR et l'accroissement du maillage entre acteurs du milieu. II a aussi contribué à développer le capital humain par le renforcement de compétences techniques et d'une expertise locale. » (CERMIM, 2014, p. 4).
L’augmentation des capacités individuelles et collectives fut influencée par les stratégies des laboratoires. Ces derniers ont utilisé différents modes de diffusion pour favoriser le transfert de connaissances dans les collectivités. Les activités de relations publiques (journée porte ouverte, chronique dans les médias) visaient davantage à faire connaître le laboratoire à la population locale tandis que les activités d’échange ciblaient des communautés de pratique et permettaient un réel partage des savoirs. Les comités de travail ont créé des outils efficaces pour l’ancrage territorial de nouvelles pratiques. Nous avons observé que les laboratoires ayant exercé un leadership collectif et une gouvernance participative semblaient générer davantage de connaissances dans la communauté.
L’étape de transfert s’est accompagnée d’une reconnaissance dans le milieu, source évidente de notoriété. Cet élément constitue selon nous un des succès les plus visibles de la mesure. Le laboratoire sur la gestion des matières résiduelle a participé aux différentes activités de la Municipalité des Iles-de-la-Madeleine en partageant l'expertise développée et mettant à profit les améliorations. Les meilleures pratiques sur le plan de l’acquisition des connaissances et du transfert semblent résulter de l’engagement des membres du laboratoire dans l’expérimentation, sur la présence d’une ressource interne compétente et du partage d’information stratégique. Malgré le désir exprimé de réaliser un modèle applicable aux autres régions rurales du Québec, les laboratoires n’ont pas tous réussi à enraciner localement leur projet ni à transférer leur modèle ailleurs.
Conclusion
Nous avons présenté dans cet article les apprentissages réalisés à travers la mesure des laboratoires ruraux qui se sont déroulés au Québec entre 2008 et 2014. La très grande majorité des projets s’est inspirée des modèles de développement du développement local, de l’innovation sociale ou du développement des communautés et a orienté les démarches collectives en prenant appui sur le développement intégré et l’économie de proximité.
Les laboratoires ruraux ont permis de réaliser à la fois un rêve et un défi partagés par des citoyens et des collectivités rurales, de nourrir la concertation, de stimuler le partenariat et de sensibiliser le milieu à l’importance d’agir pour le développement de sa communauté. Les retombées seraient bénéfiques à la fois pour les communautés (sentiment d’appartenance, dynamisme territorial, savoir-faire et compétences), pour les innovations réalisées (expertise, mise au point de nouvelles technologies exportables) ainsi que pour les organismes porteurs qui ont bénéficié d’une couverture de presse extrêmement positive. Malgré la difficulté de reproduire ailleurs les dispositifs et les solidarités créés localement, les laboratoires ont suscité le développement de nouveaux réseaux de solidarité et la mise en place de nouvelles façons de faire. Ces apprentissages serviront de véritable impulsion au développement des capacités d’une collectivité. Le transfert individuel et collectif des apprentissages, résultants des laboratoires ruraux, aura participé finalement à la revitalisation des communautés rurales du Québec.
Références bibliographiques
Cimon, R. et Potvin, G. (2013). Laboratoire rural 2009-2014. Revitalisation et dynamisation du secteur agricole et industriel par l’implantation du Miscanthus Giganteus. Saint-Éloi : s.é.
Coopérative de produits forestiers non ligneux de la MRC de L’Islet. (2014). Laboratoire rural. PNR 2007-2014. La nouvelle foresterie. S.l. : [Auteur].
Goulet-Thibaudeau, C. (2014). Développement de nouveaux créneaux d’excellence en agriculture dans les Hautes-Laurentides. S.l. : [MRC D’Antoine-Labelle].
Laberge, V. (2014). Rapport final du laboratoire rural, Le développement d’un modèle de gestion du territoire associé aux collectivités forestières. Clermont : Groupe des Partenaires pour le Développement Forestier Durable des Communautés de Charlevoix et du Bas-Saguenay.
Groupe des partenaires pour le Développement Forestier Durable des Communautés de Charlevoix et de Bas-Saguenay. (2015). Guide pratique d’une démarche de concertation. Clermont : Auteur. http://www.groupepdfd.ca/files/Guide2015b.pdf
MAMR. (2007). Politique nationale de la ruralité. Mesure des laboratoires ruraux. [Québec] : Auteur.
Niska. (2014). Rapport d’évaluation globale pour le projet Ma santé en valeur de la MRC d’Argenteuil dans le cadre des laboratoires ruraux du MAMROT. Sherbrooke.
MAMROT. (2010). Répertoire des laboratoires ruraux. Politique nationale de la ruralité [Québec] : Auteur.
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[1] Nous utiliserons l’acronyme MAMROT tout au long du document bien que le nom du ministère ait changé à l’automne 2014 pour ministère des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire (MAMOT).