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Introduction au numéro : présentation des contributions
Développement territorial et gouvernance
Gilles L. Bourque,
Chercheur à l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC)
Éditeur de la Revue vie économique
La Revue vie économique, une initiative de la coopérative Éditions Vie économique, est maintenant sous la direction de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC). Accessible gratuitement sur la Toile, la revue se veut un lieu de débat et de réflexion sur les enjeux socioéconomiques, dans toutes leurs dimensions. Chaque parution comprend un dossier sur un thème spécifique. Le présent numéro, qui a été préparé en collaboration avec Territoires innovants en économie sociale et solidaire (TIESS), un organisme de liaison et de transfert en innovation sociale (OLTIS) reconnu par le ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation (MESI), porte sur le développement territorial et les enjeux de gouvernance.
Devant le saccage des diverses institutions locales et régionales de concertation qui avaient été laborieusement mises en place depuis quelques décennies, on ne peut rester indifférent. Dans tous les domaines d’activité, du développement économique à celui de la santé, en passant par le marché du travail, le gouvernement du Québec démonte systématiquement les lieux de gouvernance où les acteurs de la société civile pouvaient contribuer à la conception ou à la mise en œuvre des politiques publiques.
Cette reconfiguration des lieux de gouvernance semble, a priori, profiter essentiellement à une certaine élite locale. On peut d’ailleurs se demander si ce n’est pas justement pour cette raison que, malgré la coupure récurrente de 300 millions $ imposée par le gouvernement Couillard, la majorité des municipalités ont accepté sans broncher le pacte fiscal du Québec. Mais qu’en est-il dans la réalité? Y a-t-il vraiment un consensus dans les municipalités concernant cette politique de déconstruction du modèle de développement local et régional? Comment les rapports de force entre les divers acteurs sociaux au niveau local vont-ils évoluer?
Dans les domaines des politiques publiques (santé, éducation, environnement, etc.), on semble plutôt assister à une nouvelle centralisation des lieux de décision, vers une bureaucratie soumise aux diktats des résultats, alors qu’on coupe allègrement les budgets des organismes publics. À quoi devons-nous nous attendre dans les prochaines années quant à l’efficacité de ce nouveau modèle et de la contestation qui proviendra des diverses parties prenantes?
Heureusement, on assiste par ailleurs à l’émergence d’initiatives tout à fait originale, à de nouveaux lieux de mobilisation des partenaires socioéconomiques. Face à la déconstruction du modèle de développement local et régional, il est urgent de déterminer et d’évaluer ces nouveaux lieux de gouvernance. Le TIESS, par exemple, a entrepris un certain nombre de « synthèses de connaissance » qui vont au-delà de la recension des écrits classique. Plusieurs sont en cours : entrepreneuriat social, obligations communautaires, financement participatif, transfert de connaissances, etc. Par ailleurs, les initiatives provenant des communautés, associées à des leaders locaux ou à un entrepreneuriat collectif, n’ont pas attendu la politique de démolition de l’actuel gouvernement pour s’approprier les enjeux de développement. Quel bilan peut-on faire de ces initiatives, dont celles provenant de l’économie sociale et solidaire ou encore des expériences de laboratoires ruraux? On constate aussi que dans les secteurs de la forêt et de l’agriculture, les acteurs se sont engagés dans de nouvelles formes de coopération pour développer leur collectivité. Bref, comme nous le verrons dans ce numéro, non seulement n’y a-t-il pas de consensus des municipalités sur ce plan de déconstruction, mais en outre on assiste à l’émergence de nouvelles expériences dont il faudrait faire connaître les résultats de manière à en tirer les bénéfices et à promouvoir une nouvelle « culture de succès » de ces diverses mobilisations.
Ce numéro de la Revue vie économique a été préparé par un comité éditorial composé de Marie-José Fortin, Juan-Luis Klein, Vincent Van Schendel, Pierre J. Hamel et Gilles L. Bourque. Il vise à contribuer à ce débat sur le développement territorial et la gouvernance en donnant la parole à des chercheurs et à des intervenants actifs, dont plusieurs maires de petites et de grandes municipalités, dans les divers domaines touchés par les politiques actuelles et à diffuser la littérature existante grâce à un travail de vulgarisation.
Présentation des contributions
Nous avons regroupé les contributions de ce numéro sous quatre grands thèmes : le contexte global, la municipalisation du développement, les enjeux d’une gouvernance démocratique et finalement le développement territorial autour des ressources naturelles.
Contexte global
La section sur le contexte global comprend une seule contribution, celle de Juan Luis Klein (CRISES-UQAM). Ce texte vise à identifier les défis auxquels se confrontent les acteurs du développement des territoires dans un contexte où la société est caractérisée par diverses transformations. Ces transformations, nous dit l’auteur, mettent en scène des filières productives et des réseaux mondialisés dans tous les domaines (finances, production, communications, culture, environnement, etc.), de nouvelles aspirations ancrées dans les milieux locaux concernant le milieu de vie et le cadre de vie et, au Québec du moins, des modifications majeures inspirées par les principes d’austérité apportées par le gouvernement à la gouvernance du développement territorial. D’où l’importance d’établir le cadre global dans lequel prend place le développement des territoires dans le contexte de la mondialisation, dans la conjoncture de la crise d’un modèle de société.
La municipalisation du développement
Nous avons regroupé dans la section sur la municipalisation du développement les contributions de quatre maires qui ont accepté de participer à ce numéro. Elles sont d’abord précédées par un texte de Serge Belley, professeur titulaire à l’École nationale d’administration publique (ENAP) qui fait un bref état de la situation dans ce domaine. Les municipalités québécoises réclament depuis plusieurs années davantage d’autonomie sur les plans politique, administratif et financier afin d’assumer plus efficacement leur double rôle de fournisseurs de biens et de services locaux et de conceptrices et organisatrices du cadre de vie quotidien des citoyens. Elles souhaitent être reconnues comme des gouvernements de proximité et traitées en véritables partenaires par le gouvernement du Québec. Après un rappel des raisons à l’origine de ces demandes et des éléments qui distinguent l’action publique et l’action collective, ce texte identifie les principaux défis que devront relever les élus municipaux pour qu’advienne une véritable gouvernance de proximité.
Le premier maire à prendre position sur ces enjeux de la municipalisation du développement est Maxime Pedneaud-Jobin, maire de Gatineau. La municipalisation du développement est un processus enclenché depuis longtemps, affirme M. Pedneaud-Jobin. Mais les décisions récentes du gouvernement du Québec ont provoqué une accélération du phénomène ajoute-t-il. Aux cours des décennies, les villes sont passées de simples administrations offrant des services à la propriété (aqueducs, égouts, routes), à de véritables gouvernements de proximité dont les responsabilités couvrent la plupart des domaines de l’activité humaine. Malheureusement, avec la politique actuelle de « décapitation » des organismes locaux et régionaux de développement et celle de centralisation des services publics, le maire affirme qu’il n’y a jamais eu aussi peu d’interlocuteurs politiques locaux, faisant en sorte que les gens, les organismes, les institutions se tournent vers les maires pour porter leurs aspirations locales. Mais les villes ne sont pas conçues pour cela. Ce qui fait dire au maire de Gatineau que, dans la foulée de cette municipalisation « de facto » du développement local, elle doit dorénavant s’accompagner d’une hausse du niveau d’autonomie des villes et d’une certaine décentralisation du pouvoir réel.
La deuxième contribution nous vient de Diego Scalzo, maire de la Ville de Warwick. Il retrace d’abord, de façon détaillée, les principales décisions du gouvernement libéral puis il évalue leurs conséquences sur la gouvernance et les dynamiques des territoires locaux et régionaux, en particulier au niveau des espaces ruraux. Heureusement, ajoute-t-il, malgré un contexte difficile, des collectivités résistent. Pour le maire de la Ville de Warwick, l’abolition du palier régional et le retrait de la société civile des sphères de décision en matière de développement local changent profondément la donne. Il soutient que la participation de la société civile aux instances formelles de développement est seule à même d’accroître le sentiment d’appartenance à la collectivité. Il appelle donc à soutenir davantage l’implication, la synergie et la mobilisation des acteurs et des ressources de manière à atteindre les buts recherchés par les citoyennes et les citoyens pour le bien commun.
Le troisième élu à intervenir dans cette section est Réjean Porlier, maire de Sept-Îles depuis novembre 2013. Il adopte la perspective d’un maire de région éloignée, d’une région ressource quelque quinze fois la grandeur de la région de la Capitale nationale ou de trente fois celle de l’Estrie, mais habitée par moins de 100 000 âmes. Après avoir souligné les forces et les faiblesses de la région de la Côte-Nord et de la ville de Sept-Îles, M. Porlier met en perspective le nouveau contexte dans lequel s’ouvrent les réformes de structure du gouvernement Couillard, soulignant les actions locales (le maintien d’un lieu de concertation régionale par la création d’une assemblée des MRC, l’intégration des ressources dans la corporation de développement économique) et les enjeux à affronter. Sans doute, conclut-il, les plus grosses villes s’en tirent mieux puisqu’elles peuvent compter sur des équipes de développement économique bien structurées. Mais elles aussi devront saisir les occasions, se diversifier, se renouveler.
La section se termine sur une entrevue avec Michel Angers, maire de Shawinigan. Fortement impliqué dans les instances de concertation (à la Conférence régionale des élus (CRÉ), au centre local de développement (CLD) et au Pôle régional d’économie sociale), M. Angers souligne que la réduction de près de 60 % des montants investis par le gouvernement dans le développement régional et local a eu des répercussions concrètes. Shawinigan a intégré la partie « développement économique» du CLD, mais les postes administratifs ont par contre tous été supprimés, engendrant un surplus de travail pour le personnel de la ville ». Pour ce qui est de la concertation régionale, peu de choses ont été envisagées, le maire ayant peu d’espoir qu’ils retrouvent le niveau de concertation qu’ils avaient auparavant. Or, sans cette concertation, il envisage que chacune des municipalités régionales de comté (MRC) va se refermer sur elle-même et tenter d’arbitrer isolément l’argent reçu pour la région. Comme pour les autres maires, il conclut que dans ce nouveau contexte, il faut que le gouvernement leur donne les moyens de leurs ambitions.
Les enjeux d’une gouvernance démocratique
Dans cette section nous avons regroupé sept contributions abordant les divers enjeux d’une gouvernance démocratique. La première contribution nous vient de Dominic Lapointe et Alexis Guillemard (UQAM). Elle s’intéresse à la question du modèle québécois de développement territorial dans la foulée du raz-de-marée néo-libéral qui s’est imposé au Québec avec les politiques d’austérité du gouvernement Couillard. En s’appuyant sur une analyse documentaire de la littérature scientifique et de la littérature grise sur le sujet, les auteurs tentent de définir le modèle de développement territorial qui s’est mis en place au Québec au fil des décennies pour ensuite tracer les lignes de celui qui émerge depuis 2014. Tout n’est pas rose, mais heureusement on voit émerger de nouvelles solidarités, ainsi que des affrontements avec le modèle libéral.
La seconde contribution, qui porte sur la notion d’acceptabilité sociale, est signée de Marie-José Fortin et Yann Fournis. Les auteurs s’y intéressent dans la perspective de la co-construction du développement des territoires. Après avoir, dans une première partie du texte, relevé cinq grandes idées reçues au sujet de l’acceptabilité sociale, les auteurs adoptent ensuite une perspective qui profite des démarches associées à l’acceptabilité sociale pour articuler, bien en amont, la pérennité des communautés locales. Cette perspective, affirment les auteurs, permettrait de recentrer les projets sur l’horizon de référence des communautés. Ils concluent néanmoins leur contribution sur une note pessimiste, en resituant ces enjeux et débats dans le contexte des remaniements et compressions introduits par le gouvernement du Québec depuis 2014 alors, qu’au contraire, l’acceptabilité sociale des projets exigerait des acteurs territoriaux solides, aptes à remplir un rôle de coordination et de traduction dans la conception et la mise en œuvre des politiques et de grands projets touchant les ressources naturelles.
L’article suivant nous vient de Kathleen Aubry (Conférence des préfets de l’Abitibi-Témiscamingue) et Patrice Leblanc (UQAT). Il présente les apprentissages réalisés à travers la mesure des laboratoires ruraux qui se sont déroulés au Québec entre 2008 et 2014. La mesure des laboratoires ruraux, initiée par le ministère des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire (MAMOT) dans le cadre de la deuxième Politique nationale de la ruralité (PNR), voulait permettre aux communautés rurales du Québec de s’approprier de nouvelles approches dans la mise en valeur de leurs territoires. En 2015, la Chaire Desjardins en développement des petites collectivités de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) avec l’appui de Solidarité rurale du Québec (SRQ) et de l’organisme de liaison et de transfert Territoires innovants en économie sociale et solidaire (TIESS) a mené un projet de recherche exploratoire pour dresser un premier bilan des apprentissages des laboratoires ruraux et des retombées liées au transfert des connaissances dans les collectivités. Ce texte en présente les principaux résultats.
C’est sous le thème des enjeux post-réformes que Marie-José Fortin, du Groupe de recherche interdisciplinaire sur le développement régional, de l'Est du Québec (GRIDEQ) et du Centre de recherche sur le développement territorial (CRDT), poursuit la réflexion de cette section. Alors que se reconfigure le paysage institutionnel de l’accompagnement public en matière de développement local et régional, l’auteure trouve pertinent de s’interroger sur cette après-réforme. Pour ce faire, elle s’appuie sur deux sources : d’une part, l’enquête réalisée par Marie-Joëlle Brassard sur les défuntes CRÉ; d’autre part, les dynamiques observées lors de diverses implications de recherche dans deux régions, Bas-Saint-Laurent et Gaspésie, et cela dans trois domaines très différents : énergie éolienne, paysage et transformation bioalimentaire. Après avoir dressé un état des lieux des trajectoires des trois initiatives, quatre enjeux seront décrits. Pour conclure, quelques grands chantiers sont dégagés, pour animer des travaux scientifiques futurs.
La contribution suivante nous vient de Robert Laplante (IREC), qui s’intéresse à ce qu’il appelle « le retour du localisme ». Selon l’auteur, le modèle du laisser-faire qui inspire la politique libérale en matière de développement économique représente un retour en force du localisme, un péril au moins aussi préjudiciable que les pertes subies par l’austérité libérale et ses coupures tous azimuts. En effet, à la concurrence exacerbée qui prévaudra désormais pour s’approprier les miettes laissées en partage entre les municipalités et les MRC, le localisme comporte une dimension supplémentaire : celle d’une valorisation du local complètement détachée des prérequis du développement. Le localisme, nous dit Robert Laplante, déporte les acteurs dans des registres d’attentes irréalistes qui finissent par renforcer le défaitisme et la résignation, voire la culture de l’échec. Pour sortir de cette dynamique, il faut de toute urgence repenser le développement local dans une perspective large, celle de l’occupation du territoire. En l’absence d’un gouvernement prêt à assumer ses responsabilités d’État national, il revient aux acteurs du développement de la société civile de relancer rapidement la réflexion, d’entreprendre l’exploration des nouveaux modèles. En forme de conclusion, l’auteur suggère cinq grandes corvées pour répondre aux défis les plus pressants des enjeux de développement.
L’avant-dernière contribution de cette section est signée par Vincent Van Schendel et Geneviève Huot (TIESS). Ils proposent de discuter la place de l’économie sociale dans la reconfiguration d’un modèle de développement et les conditions de son déploiement. Le nouveau pacte fiscal, affirment-ils, a non seulement amputé le budget des municipalités et des organismes de soutien au développement territorial, mais surtout a transformé le rôle des pouvoirs locaux dans le développement et a pratiquement supprimé le palier régional de concertation. Dans ce contexte, comment développer les territoires au Québec, autour de quelles visions et avec quels acteurs? Pour eux, il est clair que l’économie sociale, fortement en expansion depuis une trentaine d’années, peut jouer un rôle important dans cette transition vers un nouveau modèle de développement parce qu’elle est porteuse d’une autre vision du développement, ancrée dans les besoins des communautés, intégrant davantage les préoccupations économiques, sociales, politiques, culturelles, environnementales, etc. Dans ce texte, ils en analysent les impacts concrets et les défis majeurs.
Cette section se termine sur une contribution d’Émilien Gruet (TIESS), qui se penche sur les nouvelles pratiques de financement en économie sociale. Selon l’auteur, en parallèle aux tendances actuelles de financiarisation de l’économie et de centralisation des lieux décisionnels, on assiste en même temps à l’apparition de nouveaux modes d’interactions économiques et financières (consommation et production collaborative, financement participatif, etc.). Ces pratiques s’inscrivent dans une dynamique de désintermédiation qui, d’une certaine manière, redonne aux citoyens et aux usagers plus de pouvoir et de contrôle au sein de leur environnement économique. Parmi ces pratiques, les nouveaux modes de financement offrent des perspectives intéressantes pour le développement territorial et la démocratisation de l’économie en permettant de nouvelles formes d’implication de la société civile. Dans ce texte, l’auteur présente certaines de ces nouvelles avenues de financement et ouvre une réflexion sur leur potentiel et les enjeux qu’elles présentent pour le développement territorial et la démocratisation de l’économie.
Développement territorial autour des ressources naturelles
La dernière section de ce numéro de la revue présente des initiatives de développement territorial autour des ressources naturelles. Elle s’ouvre sur une contribution conjointe de Mélanie Doyon, Maude Desrosiers-Côté et Fabien Loyer (tous de l’UQAM). Leur texte porte sur le plan de développement de la zone agricole (PDZA), récemment adopté par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Selon les auteurs et les auteures, les PDZA introduisent trois modifications majeures à la gouvernance des territoires agricoles. Dans un premier temps, la réalisation d’un tel plan opère un changement d’échelle, en octroyant de nouvelles responsabilités au niveau supramunicipal. Ensuite, il commande une participation élargie des acteurs locaux issus de secteurs divers et présentant des intérêts variés. Enfin, il implique un renouvellement dans le mode d’intervention, passant d’une logique de protection à une logique de développement et de mise en valeur. Dans cette contribution, les auteurs et les auteures désirent rendre compte plus en détail de ces transformations de la gouvernance des territoires agricoles induites par l’arrivée du dispositif PDZA dans un contexte de reterritorialisation de l’activité agricole.
La deuxième initiative est présentée par un collectif d’auteurs comprenant les chercheurs Fernande Abanda, Jacques L. Boucher et Guy Chiasson (de l’UQO) ainsi que Luc Bouthillier (Université Laval). Selon eux, l’hégémonie du consortium composé de l’État et de l’industrie sur la gouvernance du territoire forestier semble s’être en bonne partie maintenue dans les arrangements post-concessions des dernières décennies. Cependant, les nouvelles politiques qui ont suivi la commission Coulombe semblent ouvrir sur une participation des acteurs locaux à l’utilisation de la forêt située sur leur territoire et à sa gestion. Mais les auteurs se demandent s’il ne s’agit pas d’une approche de consultation plutôt que de participation réellement partenariale : quels sont les mécanismes ou infrastructures qui assureraient cette participation à la gouvernance? Voilà la question sur laquelle ils se penchent en s’appuyant sur différentes recherches menées précédemment et sur une autre présentement en cours portant sur la gouvernance territoriale de la forêt.
Finalement, le numéro se clôt sur une contribution d’un autre collectif, composé de chercheurs de diverses affiliations (Louis-Étienne Boudreault, Simon-Philippe Breton, Évariste Feurtey, Danielle Lafontaine, Carol Saucier, Lucie Sauvé) et de citoyens (Réal Reid, Bernard Saulnier), qui s’intéressent plus particulièrement au développement de la filière éolienne. Dans la foulée de la nouvelle Politique énergétique du Québec 2030 (PÉQ2030), présentant les orientations du gouvernement en matière d’énergie et abordant plusieurs thématiques, dont celle des changements climatiques et de la nécessaire transition énergétique vers une économie décarbonisée, les auteurs de ce texte s’interrogent sur les choix énergétiques proposés par le gouvernement. À leur avis, la PÉQ2030 sous-estime les nombreux avantages (économiques, industriels, développementaux) que le Québec peut tirer de la production d’énergie éolienne, risquant ainsi de mettre en péril le développement actuel et futur d’une filière qui constitue pourtant un vecteur stratégique de la transition énergétique au Québec. Dans cette optique, les auteurs réclament que le Québec entreprenne urgemment une étude de différents scénarios d’affranchissement massif des hydrocarbures aux horizons 2030 et 2050 puis, sur cette base, planifie un débat public transparent et éclairé sur les alternatives capables de compléter efficacement les actifs hydrauliques actuellement en exploitation au Québec.