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Entrevue avec Michel Angers, maire de Shawinigan
Devant la politique du gouvernement du Québec visant à faire disparaître les diverses institutions locales et régionales de concertation qui avaient été laborieusement mises en place depuis quelques décennies, on ne peut rester indifférent. Dans tous les domaines, du développement économique à celui de la santé, en passant par le marché du travail, le gouvernement Couillard démonte systématiquement les lieux de gouvernance où les acteurs de la société civile pouvaient contribuer, en collaboration avec les élus des divers niveaux de gouvernement, à la conception ou à la mise en œuvre des politiques publiques. Y a-t-il vraiment un consensus dans les municipalités concernant cette politique de déconstruction du modèle de développement local et régional ? Comment les rapports de force entre les divers acteurs sociaux au niveau local vont-ils évoluer ?
Entrevue avec Michel Angers, maire de Shawinigan.
Revue vie économique:
Quelle était l’implication de la ville de Shawinigan dans les divers lieux de concertation locaux et régionaux (par exemple, les CRÉ et les CLD) avant la mise en place des mesures de dissolution de ces organismes ?
Michel Angers:
J’étais présent à la CRÉ, autant au comité exécutif qu’au conseil d’administration. J’assumais également la 2e vice-présidence de la Conférence régionale des élus. J’étais aussi présent au CLD et au Pôle régional d’économie sociale comme vice-président pour les deux organisations.
Concrètement, nous avons piloté plusieurs dossiers à caractère régionaux. Par exemple, le Centre d’entrepreneuriat Alphonse-Desjardins Shawinigan qui sert aujourd’hui à tous les territoires de la MRC.
Revue vie économique:
D’un point de vue strictement financier, est-ce que vous prévoyez que l’abolition de ces organismes va représenter une perte importante pour appuyer et financer d’éventuels projets de développement au sein de la municipalité ?
Michel Angers:
Très certainement. La réduction de près de 60 % des montants investis par le gouvernement dans le développement régional et local va se faire sentir. La création du fonds de développement des territoires est l’endroit où le résiduel des montants d’argent a été versés.
Revue vie économique:
L’abolition de ces organismes devrait changer de façon substantielle les modes de fonctionnement de la municipalité et de la MRC dans le domaine du développement socioéconomique. Quels sont les avenues envisagées par la municipalité et ses partenaires pour les remplacer ?
Michel Angers:
À Shawinigan, nous avons intégré la partie « développement économique » du CLD dans notre structure administrative ce qui fait que nous avons maintenant une division de développement économique qui relève de la direction générale. Les postes administratifs ont par contre tous été supprimés, ce qui engendre un surplus de travail pour le personnel de la ville.
Pour ce qui est de la concertation régionale, jusqu’à maintenant peu de choses sont envisagées. Il y a des suggestions et des possibilités théoriques qu’à travers la Table des préfets, on puisse recréer une forme de concertation. Mais, quand vient le temps d’injecter de l’argent pour la réalisation de cette concertation, c’est là que le bât blesse. Tout est à redéfinir, mais j’ai peu d’espoir qu’on retrouve le niveau de concertation qu’on avait auparavant. Qu’on le veuille ou non, l’argent permet de regrouper les gens. La CRÉ forçait les acteurs régionaux à se concerter. Quand il y a de l’argent, on se déplace même si on est occupé. On se déplace, on travaille en équipe et on est créatif. Quand il n’y a plus d’argent, les gens ne sont plus là.
Les organismes à caractère régional permettaient donc une meilleure synergie entre les municipalités. Et c’est compréhensible : quand des montants d’argents sont alloués à des projets touchant deux ou trois territoires, ça nous pousse à être plus créatifs et à travailler ensemble. Par exemple, lorsque la Cité de l’énergie préparait des nouveaux projets à caractère régional, elle pouvait s’adresser à des organismes régionaux. Maintenant, les représentants de la Cité vont se tourner vers la Ville de Shawinigan et non plus vers le régional.
Dans l’avenir, il faudra tenir compte d’un élément important : les MRC de la Mauricie ne doivent pas être en compétition les unes avec les autres. La Mauricie doit faire front commun pour être en compétition avec les autres régions du Québec, du Canada et même des États-Unis. Mais comme les institutions régionales sont disloquées, c’est beaucoup plus difficile.
Shawinigan va s’en tirer parce que nous avons une masse critique de population et que nous sommes une ville MRC (moins de divisions). Par contre, j’anticipe que ce sera beaucoup plus difficile pour les petites municipalités et les petits territoires.
Revue vie économique:
Dans ce cadre, est-ce que vous vous attendez à rencontrer plus de compétition entre les municipalités et les MRC de la région de la Mauricie afin d’obtenir des ressources financières de moins en moins importantes du gouvernement du Québec ?
Michel Angers:
Évidemment. Compte tenu du fait que maintenant, les montants d’argent sont décentralisés dans chacun des territoires de MRC, chacune des MRC va probablement se refermer sur elle-même et tenter d’arbitrer l’argent reçu entre les différentes municipalités qui la composent. À Shawinigan, nous avons la chance d’être une ville MRC donc ce sera plus facile de répartir les montants. Toutefois, selon le 2e Pacte fiscal, le gouvernement du Québec avait annoncé qu’il allait nous redonner nos vivres dans le développement économique… Ça reste à voir. Mais dans ce nouveau contexte, où le développement économique régional et local se fait dans les municipalités, il faut que le gouvernement nous donne les moyens de nos ambitions.