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Sommaire
Volume 1, no 3
Introduction

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Les politiques et les réalisations économiques des gouvernements de la gauche latino-américaine

Gilles L. Bourque
Coordonnateur, Éditions Vie Économique

 

Ce troisième numéro de la Revue vie économique a demandé un effort important de mobilisation humaine et financière pour aboutir. Outre le travail normal d’édition, ce numéro a en effet demandé un important travail de recherche ainsi qu’une lourde et dispendieuse tâche de traduction. C’est la raison pour laquelle je tiens, dès le départ, à remercier les collaborateurs à ce numéro, en particulier Paul Cliche, de Développement et Paix, les professeurs de l’UQAM Juan Luis Klein et Victor Armony, et le nouveau membre de notre coopérative, Victor Pelaez    . Je tiens également à remercier chaleureusement Fondaction, la CSN (le service à l’international) et le Conseil central du Montréal métropolitain (CSN) pour leur contribution financière qui ont rendu possible la réalisation de ce numéro.

Le thème des politiques et des réalisations économiques des gouvernements de gauche en Amérique latine a été choisi parce que, d’un point de vue économique, il se passe là des choses extrêmement intéressantes, qui méritent une attention particulière. Dans le contexte d’une crise mondiale qui démontre le caractère insoutenable du modèle ultralibéral, il nous apparaissait urgent de mieux connaître ces expériences socioéconomiques collectives qui se déroulent sur ce continent, qui en plus vote à gauche. Par politiques et réalisations économiques, nous entendons les mesures gouvernementales qui ont été mises en œuvre dans ces pays pour assurer le développement économique, social ou environnemental des populations visées. À ce propos, nous poursuivons dans notre volonté de repenser l’économie dans son sens le plus large.

À plusieurs égards, la résurgence de gouvernements de gauche ou de centre-gauche dans les pays de l’hémisphère Sud constitue un moment historique exceptionnel. Depuis une dizaine d’années, alors que les autres pays du monde sombraient partiellement ou en totalité sous la coupe de gouvernements de tendance ultralibérale, l’Amérique latine nous surprenait en choisissant une riche variété de gouvernements progressistes qui ont représenté autant de bâtons dans la roue folle des marchés. Pour mieux comprendre cette situation, le dossier du troisième numéro de la Revue vie économique vous offre deux analyses globales et sept analyses de cas de politiques suivies par autant de pays ou de régions gouvernés à gauche. De l’Argentine au Salvador, en passant pas le Brésil et la Bolivie, une large gamme de points de vue et de politiques analysées devrait permettre d’informer et d’inspirer les lecteurs les plus avides.

Le dossier s’ouvre sur un magistral survol de la situation sociopolitique réalisé par Paul Cliche. Pour lui, même s’il est indéniable que le modèle de développement ultralibéral a réussi à exercer une certaine emprise sur l’Amérique latine, il n’en demeure pas moins que la résistance face aux politiques ultralibérales s’est graduellement fait sentir un peu partout sur le continent. Paul Cliche parvient à nous faire saisir pourquoi et comment l’hémisphère Sud a été un terreau dans lequel s’est effectuée une quête d’alternatives économiques, dont le virage à gauche en est une manifestation sur la scène politique : depuis la victoire de Chavez en 1999 jusqu’à l’arrivée au pouvoir du FMLN au Salvador en juin 2009, en passant par celles d’Evo Morales en Bolivie en 2005 et de Rafael Correa en Équateur l’année suivante.

Dans le texte suivant, Juan Carlos Bossio Rotondo réalise lui aussi une analyse globale de la situation, mais sous un angle davantage quantitatif et comparatif. Selon lui, la situation socioéconomique des régimes « de gauche » de la région s’est substantiellement améliorée dans la foulée de l’expansion économique des années 2004-2007, qu’il compare - favorablement - à celle des régimes « de droite ». Il décrit les réalisations socioéconomiques des gouvernements de gauche, notamment à l’égard de la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales. Il présente également les principales tendances dans ces matières, ainsi que sur le plan de la production et de l’emploi.

Les autres textes du dossier abordent, chacun séparément, la situation d’un pays ou d’une région du continent. La première à être présentée concerne le plus « jeune » des gouvernements de gauche : El Salvador. L’analyse réalisée par César Sención Villalona nous permet de comprendre les enjeux politiques auxquels est confronté le gouvernement du Front Farabundo Martí pour la Libération Nationale (FMLN) s’il veut réellement prendre les mesures pour changer la structure productive et redistribuer la richesse du pays, comme il s’est engagé à le faire lors des élections. Même si l’état actuel de l’économie est précaire, nous dit Villalona, le gouvernement possède quelques cartes sur lesquelles il pourra miser, dont le contrôle de l'évasion fiscale ainsi que son affiliation à l'Alliance bolivarienne et la conclusion de pactes de coopération avec les autres économies progressistes de la région.

La Bolivie et le gouvernement d’Evo Morales se trouvent dans une conjoncture beaucoup plus favorable pour répondre à un agenda mondial en pleine transformation : une nouvelle constitution politique pour l’État, des autonomies autochtones et régionales, des relations internationales plus solides et le soutien de plus de 50 % de la population. Dans son texte, Andrea Urioste nous explique que le défi pour Evo Morales consiste à valoriser le potentiel de l’économie verte de la Bolivie, et à faire le pari d’une frontière alternative, après des siècles d’exploitation des ressources naturelles primaires. Pour Andrea Urioste, le deuxième mandat du gouvernement du Mouvement vers le socialisme (MAS) sera celui de la période d’« industrialisation » des ressources énergétiques sur la base d’un nouveau modèle de développement.

L’Équateur du président Rafael Correa est aussi, depuis deux ans et demi, la scène d’un important processus de transformation du système économique. Selon Fernando Buendia, depuis l’approbation de la nouvelle Constitution en octobre 2008, de profondes transformations se sont produites dans la planification et la gouvernance de la vie économique équatorienne. Le nouveau gouvernement incarne l’esprit transformateur revendiqué par les mouvements sociaux et politiques de l’Équateur. Les axes de revendications du mouvement Alianza País, lesquels furent diffusés pendant la campagne électorale présidentielle de 2007, ont débouché sur l’élaboration d’une nouvelle Constitution qui signale que le système économique est social et solidaire, qu’il est constitué par le secteur de l’économie populaire et solidaire, par le secteur privé et le secteur gouvernemental, et que ceux-ci bénéficient de garanties pour autant qu’ils remplissent leur fonction sociale et environnementale.

Le Paraguay est l’objet de l’article suivant. Après avoir gouverné 61 ans ce pays, le  parti Colorado a finalement été délogé du pouvoir, en avril 2008, par une alliance électorale - entre le Partido Liberal Radical Auténtico (PLRA) et de petits partis de gauche - conduite par Fernando Lugo, un évêque de l’Église catholique proche de la théologie de la libération. L’analyse que nous propose Lila Molinier permet de saisir la fragilité de ce gouvernement de centre-gauche, dont le programme de transformation est bloqué par les « alliés » du PLRA. Le principal défi du gouvernement Lugo est d’utiliser les quatre années de son mandat pour construire une nouvelle force politique de gauche.

La situation est tout aussi problématique dans le cas de l’Argentine. Selon Carlos La Serna, malgré certains résultats positifs, le néolibéralisme argentin a finalement succombé à son propre jeu mercantiliste, accélérant ainsi un processus d´illégitimation des normes et des règles sociales et politiques de la classe dirigeante argentine. C’est dans ce contexte politique que le nouveau gouvernement prétend construire une certaine institutionnalisation (pas toujours cohérente) suite à la destruction qui avait été mise en œuvre par la politique néolibérale des années 1990. Mais le Parlement, malgré sa légitimité constitutionnelle, ne semble malheureusement pas pouvoir répondre à la demande d’une pluralité de voix qui soit à la hauteur des complexités et urgences que pose le contexte.

En ce qui concerne le Brésil, ce pays connaît une situation économique assez exceptionnelle. Aujourd’hui la dixième économie mondiale, avec un taux de croissance de 4,5 % et un taux d’inflation de 3 %, cette situation donne au gouvernement Lula une capacité d’agir qu’aucun autre gouvernement avait eue avant lui. Mais, comme le signale Ana Dubeux, dans la société brésilienne coexiste les extrêmes, entre ceux qui peuvent être considérés économiquement inclus et les exclus, qui vivent dans une condition de marginalité et de misère sociale. Dans son texte, Ana Dubeux nous présente le mouvement organisé autour de l’économie solidaire qui a été capable, sous le gouvernement de Lula, de cristalliser un ensemble impressionnant de politiques publiques pour le développement d’une économie au service des exclus.

Le dossier se termine sur un texte de José Jorge Santiago Santiago, du Chiapas. Au contraire des autres textes, celui-ci n’aborde pas les politiques économiques d’un gouvernement de gauche, mais plutôt les pratiques de résistance et d´autonomie des peuples Zapatistas. Ce texte traite des éléments de la sixième déclaration de La Selva Lacandona, qui synthétisent les propositions de l’EZLN. Il présente les efforts des communautés indigènes pour la mise en place d’une autre économie, comme le chemin de la transformation des relations d’injustice et d’oppression vécues dans le passé. Il permet de clore ce dossier sur un message fort : il n’y a pas une seule logique, un seul discours, sur ce qu’est la vie économique actuelle. C’est au contraire cette pluralité qui fait la « richesse » de la vie économique réelle.

Ce numéro comprend aussi trois textes hors-thèmes. Dans le premier, Haykel Najlaoui aborde le thème de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE). Depuis une dizaine d’années, ce concept est omniprésent non seulement dans le milieu académique, mais aussi dans le milieu des affaires. Mais cette omniprésence dissimule un profond différend entre les approches de responsabilisation mises de l’avant par les différents acteurs de la société. Pour faire un peu plus de lumière sur la construction sociale du concept de la RSE, Najlaoui a procédé à une analyse de huit mémoires déposés dans le cadre de la Commission sur la démocratie canadienne et la responsabilisation des entreprises, qui s’est déroulée en 2001, et présente les trois limites de la représentation patronale.

Dans le texte suivant, François Lamarche revient sur un évènement qui a marqué l’histoire du Québec : la grève de l’amiante, dont 2009 marquait le 60e anniversaire. La grève de l’amiante est importante parce qu’elle a donné lieu à une mobilisation syndicale et populaire considérable à travers le Québec. Elle a mis aux prises 5 000 mineurs, membres de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) – qui deviendra par la suite la CSN – et des compagnies anglo-états-uniennes particulièrement dures et intransigeantes sur le plan des relations de travail. Mais surtout, nous dit Lamarche, cette grève a été vue et analysée comme le début d’un mouvement d’affranchissement social qui annonçait les changements qui bouleverseront le Québec une décennie plus tard avec la Révolution tranquille.

Finalement, nous poursuivons dans ce numéro la seconde partie de l’article de Bernard Billaudot portant sur « Qu’est-ce que la vie économique ? ». Les deux problématiques classiques de définition de la vie économique ont été présentées dans le numéro 2 de la Revue vie économique. La première, dite formelle, parce qu’elle s’attache à la forme et la seconde, dite substantielle, parce qu’elle s’attache à la substance des activités humaines économiques. Cette substance, nous dit Billaudot, est commune à toute activité économique : une transformation de la nature destinée à la satisfaction des besoins humains. Cette problématique pose cependant une difficulté puisque la vie économique « en général » ne peut être qu’un aspect présent dans toute activité plutôt qu’un domaine spécifique. Une problématique surmontant cette difficulté s’avère nécessaire. C’est ce que fait Billaudot dans cette deuxième partie. Sa réponse : retenir une problématique à la fois historique - comme l’est celle de Marx - et institutionnelle - comme l’est celle de Polanyi – tout en étant pragmatique, c'est-à-dire qui permet de faire une place aux justifications que les humains expriment dans le cadre de leurs relations aux autres.

 

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Politiques socioéconomiques de la gauche en Amérique latine
janvier 2010
Dossier sur le thème des politiques et des réalisations socioéconomiques latino-américaines : onze textes couvrant l'ensemble des enjeux des gouvernements de gauche en Amérique latine.
     
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