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L’économie sociale et solidaire en Amérique latine depuis Rio+20
Yves Vaillancourt
Professeur émérite de l’UQAM
Membre du GESQ (Groupe d’économie solidaire du Québec)
Introduction
Ce texte s’appuie sur certaines données et idées tirées d’un livre en préparation portant sur les alternatives de gauche dans les pays de l’Amérique latine et des Caraïbes (ALC). L’originalité de la recherche qui le sous-tend provient de ce que les alternatives de gauche en émergence dans les pays de l’ALC y sont examinées à partir d’une perspective qui assume ses racines nordiques, c’est-à-dire une façon de voir que l’on retrouve souvent en Europe et au Nord des Amériques, au Québec notamment. Cette perspective s’intéresse à un renouvellement de la social-démocratie, ou à une configuration d’économie plurielle qui mise notamment sur l’essor et la reconnaissance des pratiques de l’économie sociale et solidaire (ESS). Ce texte, justement, se penche plus particulièrement sur les pratiques et les discours des acteurs de l’ESS en ALC depuis Rio+20. Il comprend deux parties, une première qui identifie certaines caractéristiques de l’ESS dans les pays de l’ALC. Une seconde qui permet de partager quelques pistes d’analyse critique, voire certaines interrogations « nordiques » – i.e. formulées à partir de la fenêtre des réseaux québécois d’ESS – concernant les réseaux de l’ESS dans la région de l’ALC.
Caractéristiques de l’ESS en ALC
Importance des pratiques de l’ESS dans l’agroalimentaire
L’ESS est présente dans tous les pays de l’ALC, sous des formes qui varient d’un pays à l’autre. Elle a des assises dans les coopératives financières qui ont surgi dans plusieurs pays au XIXe siècle. On la retrouve présentement sous des formes nouvelles dans la petite production agroalimentaire, les fonds communs autogérés et le microcrédit. Les acteurs de l’ESS, ce sont des hommes et des femmes qui s’associent pour produire, commercialiser, transporter et consommer la nourriture et autres biens et services dont ils ont besoin pour vivre et se reproduire, par exemple à travers le commerce équitable. C’est là une dynamique solidaire qui a pris de l’importance dans plusieurs pays de l’ALC. C’est le cas au Honduras où la Red Comal (Réseau de commercialisation communautaire alternative), depuis 15 ans, a permis à des dizaines de milliers de familles de petits producteurs de se regrouper pour collectiviser leurs pratiques de production, d’achat et de consommation en visant l’autonomie alimentaire. La Red Comal, lors du coup d’État de 2009, s’est révélée aussi être un lieu d’apprentissage et de défense de la démocratie qui inquiète l’oligarchie hondurienne, d’où la répression subie par ses dirigeants.
Divers réseaux d’acteurs de l’ESS
Dans la région de l’ALC, on trouve plusieurs réseaux et regroupements d’acteurs de l’ESS. Certains réseaux sont plus anciens, par exemple dans le domaine coopératif. D’autres sont plus récents et véhiculent les préoccupations des diverses composantes de l’ESS. Certaines organisations s’adressent aux praticiens, d’autres aux chercheurs ou encore aux deux catégories d’acteurs à la fois. Plusieurs personnes et organisations appartiennent à divers regroupements ou réseaux à la fois. Voici une liste incomplète de ces réseaux.
L’ACI-Americas est le bureau régional de l’Alliance coopérative internationale (ACI), organisation fondée à Londres en 1895 qui regroupe, représente et assiste les coopératives du monde entier. Le siège social de l’ACI-Americas est à Costa Rica depuis 1990. Sa 18e Conférence régionale aura lieu en octobre 2013 à Sao Paolo. Un des comités thématiques de l’ACI internationale, basé sur des activités de recherche, est présidé par Sonja Novkovic de Saint Mary’s University d’Halifax, Nouvelle-Écosse, Canada. Le réseau de chercheurs latino-américains, dépendant du comité, est représenté principalement par des chercheurs du Brésil et de Argentine, dont les liens avec l’ACI-Americas demeurent ténus. La Red latinoamericana de investigadores en cooperativismo (RLIC), coordonnée par Mirta Vuotto et Sigismundo Bialoskorski, a tenu sept conférences régionales au fil des années et impulsé grandement la recherche empirique et théorique sur les coopératives en ALC. Une sélection des travaux présentés dans les conférences de la RLIC est publiée dans un numéro spécial de la Revista de la Cooperación Internacional de l’ACI éditée en espagnol (Vuotto, 2012).
La COLACOT (Confédération latino-américaine de Coopératives et Mutuelles de Travailleurs) existe depuis 1975. Elle a présentement des enracinements dans une vingtaine de pays et se dédie à la promotion de l’ESS dans la région de l’ALC. Elle est présidée par Luis Francisco Verano Paez, figure emblématique du mouvement coopératif et de la promotion de la paix en Colombie.
Le RIPESS-LAC (Réseau intercontinental de promotion de l’économie sociale et solidaire – Amérique latine et Caraïbes) est la composante continentale la plus dynamique du RIPESS international. C’est un regroupement continental dans lequel on retrouve présentement sept organisations nationales, trois organisations sectorielles de portée latino-américaine, dont la Mesa de Coordinacion Latinoamericana de Comercio Justo et une dizaine d’organisations de portée sous-régionale. Le RIPESS LAC s’intéresse à la promotion de l’ESS dans la grande majorité des pays de la région LAC. Parmi les organisations nationales actives dans le RIPESS-LAC depuis ses origines, il faut mentionner deux regroupements nationaux particulièrement vigoureux, le Forum brésilien d’économie solidaire (FBES) et le Groupe d’économie solidaire du Pérou (GRESP). La liste d’envoi de RIPESS LAC dans Internet rejoint plus de 350 personnes et organisations. Chaque semaine, plusieurs dizaines de messages sont envoyés, les uns plus informatifs, les autres plus analytiques. Au cours des dix dernières années, RIPESS LAC a organisé 5 conférences continentales et en organisera une 6e en Amérique centrale en 2014. Présentement, le comité de coordination du RIPESS LAC est présidé par le Colombien Luis Eduardo Salcedo.
La RILESS (Réseau des chercheurs latino-américains en économie sociale et solidaire) existe depuis 2007. Elle est animée par deux chercheurs reconnus, Jose Luis Coraggio de l’Université Nationale General Sarmiento (UNGS) en Argentine et Luiz Ignacio Gaiger de l’Université UNISINOS au Brésil. Elle édite la revue la Otra Economia et organise des congrès internationaux axés sur la recherche en ESS, tel le 2e Congrès international de la RILESS tenu à l’UNGS en décembre 2010. Depuis 2010, la RILESS s’est impliquée dans l’organisation des conférences du réseau européen EMES (réseau de chercheurs sur les entreprises sociales) comme en témoigne le programme du 4e congrès d’EMES en Belgique en juillet 2013. Elle s’est impliquée aussi, en novembre 2012, en partenariat avec l’Institut Karl Polanyi de l’Université Concordia de Montréal, dans l’organisation du 12e Congrès International Karl Polanyi tenu à Buenos Aires.
Le RULESCOOP (Red de Universidades Eurolatinoamericanas) qui se présente comme « un réseau d’universités européennes et latino-américaines qui intègrent des centres ou des groupes de recherche reconnus en économie sociale et solidaire ». Le 7e Congrès international RULESCOOP aura lieu du 3 au 7 décembre 2013 à l’Université UNISINOS au Brésil et portera sur le thème « Consolider l’économie coopérative et solidaire dans une société soutenable ».
Le CIRIEC (Centre International de Recherches et d'Information sur l'Économie Publique, Sociale et Coopérative) a des organisations nationales dans quelques pays de l’ALC, notamment au Brésil, au Venezuela, en Argentine, en Colombie et s’emploie à en développer une nouvelle présentement au Costa-Rica. Il faut mentionner la revue Coyapa. Revista Venezolana de Economia Social qui a été lancée en 2000 avec le soutien du CIRIEC du Venezuela, de même que la Revista cooperativismo y Desarrollo, qui est soutenue par le CIRIEC de Colombie et a célébré la publication de son 100e numéro en juin 2012.
Les RMB (Rencontres du Mont-Blanc) et le FIDESS (Forum international de dirigeants de l’économie sociale et solidaire) – qu’on appelle le FIDESS-RMB depuis des changements de statuts effectués en juillet 2012 – se présentent comme suit sur leur site Internet : « Depuis 2004, les RMB réunissent des dirigeants d'économie sociale et solidaire de tous les continents pour favoriser la visibilité et la reconnaissance internationale de l'économie sociale et solidaire. Elles entendent démontrer qu'il est possible d'entreprendre autrement pour concilier efficacité sociale, civique, environnementale et économique. »
Depuis 2011, le FIDESS-RMB a déployé des efforts pour se développer ailleurs qu’en Europe et pour élargir son membership dans la région de l’ALC, en priorisant le Brésil, l’Argentine, la République dominicaine et l’Amérique centrale. Il incite les organisations de l’ESS et les pouvoirs publics à s’engager à court et moyen terme dans la transition écologique de l’économie. Lors des événements de Rio+20, le FIDESS-RMB a non seulement participé aux activités parallèles du Sommet des Peuples, mais a aussi organisé un « Side-Event » très couru sur l’ESS dans le cadre du programme d’activités officiel de l’ONU. La 6e édition du FIDESS-RMB aura lieu à Chamonix en novembre 2013 et permettra de formuler des propositions et des engagements d’ESS pour les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) post-2015.
Reconnaissance inégale de l’ESS d’un pays à l’autre
Dans certains pays, les pratiques d’ESS existent, mais elles ne sont pas vues, ni conceptualisées ni analysées. En somme, on peut affirmer que l’ESS, sous une forme ou l’autre, existe dans tous les pays de l’ALC. Par contre, son degré de reconnaissance varie d’un pays à l’autre. Dans la majorité des pays il y a, depuis des décennies, des segments de textes législatifs, constitutionnels et administratifs qui concernent le développement des coopératives. C’est le cas même en Haïti et au Paraguay. Toutefois, depuis une dizaine d’années, dans certains pays de l’ALC, les autorités publiques ont pris des initiatives pour reconnaître et soutenir non seulement les coopératives, mais l’ESS dans son ensemble. Ces initiatives proviennent de gouvernements nationaux, provinciaux et municipaux.
La reconnaissance de l’ESS par les pouvoirs publics prend plusieurs formes. Dans certains cas, les pouvoirs publics se contentent tout simplement de conférer une visibilité à l’ESS en la nommant dans les documents et les projets gouvernementaux. C’est ainsi que l’ESS occupe une place dans des documents législatifs et constitutionnels au Brésil, au Venezuela, en Équateur, en Bolivie, en Colombie, en Argentine, en Uruguay etc. Dans d’autres cas, la reconnaissance va plus loin, lorsque les politiques incitent les institutions publiques, par exemple dans la santé et l’éducation, à adopter des politiques d’achat qui démontrent une préférence pour les produits de l’ESS. C’est ce qui se passe au Venezuela, en Bolivie et en Équateur. Dans un article récent, Pablo Guerra (2012) établit une liste de quatre pays de l’ALC qui ont adopté une loi pour reconnaître officiellement l’ESS tout en attirant l’attention sur les orientations différentes de ces législations. Il fait référence au Honduras en 1985, à la Colombie en 1998, à l’Équateur en 2011 et au Mexique en 2011, en nous faisant comprendre que les pays qui ont fait le plus pour soutenir le développement de l’ESS ne sont pas nécessairement ceux qui ont adopté une législation spécifique sur l’ESS.
Centralité de la question écologique
On a pu le constater lors des événements entourant Rio+20, les acteurs de l’ESS en ALC sont très sensibilisés à la question écologique telle qu’elle est vécue par les communautés indigènes et paysannes dans les zones rurales affectées par des projets de développement des ressources naturelles (exploitations pétrolières, gazières et minières, aménagement de barrages hydro-électriques, constructions d’autoroutes en Amazonie, etc.). Les réseaux de l’ESS en ALC sont très attachés aux cosmologies ancestrales des communautés indigènes qui valorisent les droits de la Mère-Terre – PACHAMAMA – et recherchent le Buen Vivir, un concept central dans la Constitution de 2008 de l’Équateur maintenant repris dans plusieurs réseaux de l’ESS en ALC.
Comme le dit René Ramirez, ministre du gouvernement de Correa, le Buen Vivir est « un concept mobile en construction, un chemin dont la destination n’a pas encore été atteinte, […] un nouveau paradigme de développement ». Il convie à une harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature. Dans ce contexte, l’harmonie avec la nature est comprise comme une incitation à respecter les droits de la nature, c’est-à-dire à protéger et conserver la nature telle qu’elle est. D’où l’omniprésence dans les débats publics des positions favorables au « non-extractivisme » et la fragilité politique des projets d’extraction des ressources naturelles qui risquent d’avoir des retombées environnementales et sociales négatives pour les communautés des territoires concernés. D’où l’importance cardinale dans les mouvements sociaux indigènes, paysans, écologiques, et dans plusieurs réseaux d’ESS, des mobilisations en faveur de la protection de l’eau, de la terre et de la vie. C’est ainsi que la Déclaration de Rio de Janeiro, lors de la 5e Rencontre de RIPESS-LAC en juin 2012, insiste sur le devoir « d’appuyer la défense du droit à l’alimentation et à l’eau qui implique repousser l’extractivisme et les agro-commerces nationaux et transnationaux ».
Par exemple, sur la liste RIPESS-LAC, au cours des trois dernières années, plusieurs messages ont circulé pour inviter les acteurs de l’ESS à appuyer et faire connaître les résistances à des projets de développement coordonnées par des organisations indigènes, paysannes et écologiques en Bolivie (une nouvelle autoroute dans la région de TIPNIS), au Pérou (le projet minier Conga dans la région de Cajamarca), en Équateur (un projet méga minier dans la région d’Azuay), au Brésil (un projet de barrage Belo Monte qui menace la communauté Kayapo). On peut le soupçonner, certaines des mobilisations lancées pour résister à des projets de développement mentionnés ci-dessus entraînent des polarisations au sein même de la gauche dans la mesure où elles touchent des gouvernements progressistes comme ceux qui se retrouvent présentement au Brésil, en Équateur et en Bolivie.
Une diversité d’approches conceptuelles
Dans la région de l’ALC, comme ailleurs dans le monde, on assiste depuis 5 ans à une popularité croissante de l’expression économie sociale et solidaire (ESS). En fait, l’expression économie solidaire demeure davantage utilisée que celle d’économie sociale. Dans la littérature théorique développée depuis 20 ans par plusieurs intellectuels organiques des réseaux d’ESS en ALC –pensons aux écrits de Paul Singer, Antonio David Cattani, José Luis Coraggio, Euclide Mance, Miguel Alonzo Macias, Boris Marañón, Humberto Ortiz, etc. – le concept d’économie solidaire renvoie à la fois à secteur de l’économie (comprenant des coopératives, des associations, des mutuelles, etc.) et à une perspective théorique et politique qui mise énormément sur l’autogestion, en l’associant principalement à la participation des travailleurs à la démocratisation et à la maîtrise des lieux de travail. Conséquemment, l’économie solidaire ne vise pas seulement à élargir un secteur de l’économie, mais aussi à influencer l’ensemble de l’économie et de la société à partir de ses principes autogestionnaires. C’est l’ensemble de l’économie et de la société qui doit devenir « autre », c’est-à-dire solidaire.
Par contre, l’expression « économie populaire », que l’on caractérise parfois comme pouvant être « solidaire » ou « non solidaire », semble présentement en train de s’imposer dans certains milieux. La signification du concept d’économie populaire, qualifiée de solidaire ou pas, doit beaucoup à des efforts de conceptualisation faits depuis les années 1980 au Chili par Luis Raceto (Larraechea et Nyssens, 1994; Guerra, 2012) et depuis les années 1990 en Argentine par Jose Luis Coraggio. Les travaux pionniers de ces chercheurs ont été repris dans des documents officiels en Équateur depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement de Rafael Correa en 2007. En effet, plusieurs documents gouvernementaux et la Constitution de 2008 adoptent cette terminologie. L’économie populaire dans le Sud renvoie à ce qu’on appelle souvent économie informelle dans le Nord. Elle représente 20 à 40% de l’économie et des emplois dans les pays de l’ALC. Elle renvoie à une part importante de la production d’aliments pour la consommation domestique; à la construction et rénovation de maisons populaires relevant de l’autoconstruction; à des milliers de petits artisans et commerçants qui vendent leurs produits et services dans les rues et les marchés; à des milliers de banques communales, de caisses d’épargne, d’initiatives de microcrédit gérées très majoritairement par des femmes; à des tâches de surveillance dans les unités domestiques, les édifices et les lieux privés et publics, etc. Ces pratiques d’économie populaire ne sont pas spontanément solidaires. Elles le deviennent lorsque les acteurs acceptent de s’associer pour produire, commercer et consommer autrement, c’est-à-dire de façon moins individuelle et compétitive et davantage collective et coopérative. Cette transformation de l’économie populaire non solidaire en économie populaire solidaire exige entre autres le support de politiques publiques pertinentes.
Interrogations « nordiques »
Trois remarques en guise d’introduction de cette deuxième partie : 1) Je m’exprime sur un mode plus interrogatif qu’affirmatif, d’une part parce que je n’ai pas les réponses à toutes les questions que je soulève et, d’autre part, parce que je souhaite aménager un espace propice au débat Nord-Sud, Sud-Sud et Nord-Nord. 2) Je compte me pencher davantage sur certaines différences qui ressortent quand on essaie de mettre en dialogue le courant dominant de l’ESS au Québec et un courant important – pour ne pas dire dominant – de l’ESS en ALC, ce qui laisse entendre qu’il y a plus d’un courant idéologique et politique au sein des mouvances d’ESS tant au Québec qu’en ALC. 3) Je m’intéresse particulièrement à certaines différences qui ont trait à la manière de conceptualiser le lien entre les pratiques d’ESS aujourd’hui et la construction de l’économie et de la société alternatives de demain.
Est-ce que l’ESS constitue l’alternative ?
Quand on examine les dynamiques d’ESS à partir de nos appartenances nordiques, il y a une question qui surgit souvent. L’ESS est-elle elle-même l’alternative pour la construction d’une nouvelle économie et d’une nouvelle société? Les têtes de réseaux de l’ESS dans la région de l’ALC sont portées à répondre par l’affirmative à cette question. Cela m’avait frappé à Montevideo en novembre 2008 lors du débat en assemblée plénière sur le contenu de la déclaration finale, dans le cadre de la 3e Rencontre continentale du RIPESS LAC. Spontanément, plusieurs intervenants voulaient qu’il soit dit simplement que l’ESS était l’alternative à la crise. À ce moment-là, je me disais qu’au Québec on préférerait dire que l’ESS faisait partie de l’alternative, mais ne la constitue pas à elle seule. Depuis ce temps, je me suis souvent demandé si nos différences étaient une affaire de mots ou de contenus. Je m’interroge toujours à ce sujet.
Pourquoi préférons-nous dire au Québec et en Europe que l’ESS contribue à faire surgir l’alternative, qu’elle est un morceau de l’alternative, qu’elle fait partie de la solution, qu’elle peut apporter beaucoup dans l’élaboration et la réalisation de projets de transformation alternatifs; qu’elle est un mouvement social qui doit travailler en partenariat avec d’autres mouvements sociaux (syndical, paysan, féministe, indigène, pacifiste etc.) pour élaborer et réaliser l’alternative à court, moyen et long terme? Autrement dit, pourquoi soutenons-nous que l’ESS, toute seule, n’est pas LA solution? Il me semble que cette interrogation mérite réflexion et débat à la veille de la 6e Rencontre intercontinentale du RIPESS à Manille à l’automne 2013 puisque le thème central de cette rencontre est : « BÂTIR L’ECONOMIE SOCIALE SOLIDAIRE COMME UN MODÈLE ALTERNATIF DE DÉVELOPPEMENT ».
Si ce libellé était soumis au débat, je proposerais un amendement pour que le fait de « bâtir l’ESS » soit vu et fait comme une contribution importante certes, mais une parmi d’autres, dans la construction d’un « modèle alternatif de développement ».
Une alternative pour 2050 ou pour 2020 ?
Quand on parle du projet alternatif d’économie et de société dans lequel s’inscrivent les pratiques d’ESS d’aujourd’hui, se projette-t-on sur un horizon à long terme, en 2050 par exemple, ou bien sur un horizon à moyen terme, en 2020 par exemple? Cette question peut paraître bizarre et terre à terre. Je la trouve néanmoins incontournable. Il me semble que dans les réseaux d’ESS au Nord, on se réfère ces années-ci plus spontanément à une alternative moins achevée et à moyen terme, tandis que dans les réseaux d’ESS en ALC, on se réfère plus spontanément à une alternative plus achevée – ou « révolutionnaire » diraient certains – et à long terme. Par exemple, c’est ce que fait Alain Lipietz (2012) dans son Green Deal, en fixant à 2020 l’horizon qui guide ses propositions de réforme. La même perspective temporelle se retrouve dans le document sur les 20 propositions faites aux Chefs d’État des Rencontres du Mont-Blanc (RMB, 2011), à l’occasion des activités de Rio+20 en juin 2012.
Or, dans les mouvances québécoises d’ESS, au GESQ par exemple, on se retrouve facilement dans cette façon de placer l’horizon alternatif à moyen terme. Par contre, dans les réseaux latino-américains d’ESS, du moins dans les écrits et les discours sur le sujet, on se projette plus facilement dans un calendrier à plus long terme. Cette tendance est bien illustrée par l’invitation lancée par Boris Marañón sur la liste RIPESS LAC, le 5 juillet 2012, pour proposer une réflexion sur l’ESS. Ce chercheur péruvien ancré à l’UNAM au Mexique écrit:
« Ce qui nous intéresse, c’est l’étude de l’économie populaire /solidaire parce que nous la comprenons comme étant une expression de résistance, de formulation et cristallisation de projets alternatifs au capitalisme fondés non seulement sur une autre manière de faire l’économie “otra economia”, mais aussi sur une autre manière de vivre (en solidarité) et de gouverner […]. En résumé, nous voyons l’économie solidaire comme un projet alternatif de société en termes non seulement économiques, mais aussi politiques et idéologiques. »
Dans d’autres écrits, Marañón et d’autres intervenants souscrivant à la même approche – laquelle doit beaucoup au grand sociologue marxiste péruvien Anibal Quijano – insistent sur le fait que l’alternative visée par les réseaux d’ESS doit rompre avec le colonialisme du savoir et du pouvoir, miser sur « l’éradication de l’exploitation, de la domination et de la discrimination » (Marañón et López, 2010) et être faite dans une perspective « non-extractiviste », respectueuse du Buen Vivir ainsi que des droits de la nature et de la Pachamama. Cette façon de voir l’alternative se retrouve aussi dans les déclarations finales de plusieurs rencontres continentales du RIPESS-LAC, dont celle de Rio de Janeiro en juin 2012.
L’alternative visée par l’ESS est-elle anticapitaliste ?
Dans un courant important qui traverse les écrits et les discours concernant les alternatives visées en ALC dans les réseaux d’ESS, les positions anticapitalistes sont plus clairement et fréquemment affirmées, comparativement à ce qui se passe dans les réseaux nordiques d’ESS, du moins au Québec. Je donne trois exemples :
1) Dans le courant de la littérature latino-américaine sur l’économie solidaire qui la relie à l’autogestion en milieu de travail à partir d’une perspective marxienne, l’anticapitalisme est une dimension centrale (Cattani, 2004; Coraggio, 2007).
2) Le 7 juin 2012, Boris Marañón intervient une autre fois sur la liste RIPESS LAC et plaide « pour ouvrir une discussion urgente, vitale, relative aux nouvelles options de vie qui signifient une rupture définitive avec le capitalisme ».
3) La Déclaration de Rio de Janeiro rendue publique à la fin de la 5e Rencontre de l’économie solidaire et du commerce équitable, le 13 juin 2012, « l’objectif du dépassement du capitalisme » est présenté comme la finalité de l’ESS.
Certains pourraient dire qu’il faut prendre avec un grain de sel des mots comme « anticapitalisme », « dépassement du capitalisme » et autres expressions semblables. Je les prends au sérieux et considère qu’il est bel et bien question d’éradication du secteur des entreprises privées capitalistes ou encore, comme le dit Marañón, de « rupture définitive avec le capitalisme ». Si ce n’est pas cela, j'aimerais connaître d’autres explications.
Dans l’intervalle, dans nos réseaux d’ESS au Québec, par exemple, le courant de pensée dominant – que ce soit dans les réseaux plus proches du Chantier de l’économie sociale ou plus proches du GESQ – se définit plus spontanément comme antinéolibéral, mais pas comme anticapitaliste. C’est ce qui explique l’intérêt que nous avons dans les mouvances québécoises de l’ESS pour réfléchir sur l’apport de l’ESS au développement de ce que nous appelons « l’économie plurielle », en concertation avec des contributions de chercheurs de certains réseaux « nordiques » tels le CIRIEC international, EMES, les RMB, l’ACI, l’Institut Polanyi, etc.
Dans la vision de l’économie plurielle, ou de ce qu’Hugues Sibille (2012 : 22) appelle « biodiversité économique » ou « biodiversité entrepreneuriale », un coup de barre est donné en direction de l’élargissement et de la reconnaissance de l’ESS et de ses principes (réciprocité et solidarité), avec l’argument que le poids politique de l’ESS demeure jusqu’à présent trop inférieur à son poids économique (10% des emplois, etc.). Ensuite, une importance clé est accordée à la réaffirmation et à la démocratisation de l’économie publique et de ses principes (redistribution, équité territoriale, souci de l’intérêt général). Toutefois, dans l’économie plurielle, le secteur privé capitaliste et ses principes (profitabilité, concurrence) ne disparaissent pas. Le secteur privé doit cependant se contenter d’un périmètre plus restreint et se soumettre à un environnement régulateur exigeant sur le plan des normes sociales et environnementales. Donc, dans l’économie plurielle, le capitalisme est mis au pas, mais ne disparaît pas. L’alternative visée à moyen terme se présente alors comme antinéolibérale, mais pas comme anticapitaliste. C’est néanmoins une « grande transformation » analogue à celle proposée par Polanyi et reprise par Lipietz (2012).
Il y a peut-être un lien à faire ici entre ce que j’ai dit plus haut sur l’alternative à long terme et à moyen terme, et ce qu’Immanuel Wallerstein (2013) écrivait récemment sur la façon de voir l’histoire en privilégiant les longues périodes plutôt que les courtes périodes. En s’intéressant aux longues périodes, Wallerstein avance l’idée que « nous sommes au milieu d’une transition structurelle qui [depuis 1968] part d’une économie-monde capitaliste appelée à s’effacer en faveur d’un nouveau type de système, meilleur ou pire », qui pourrait émerger d’ici 20 ou 40 ans, c’est-à-dire d’ici 2030 ou 2050. Si l’ESS s’inscrit dans cette histoire de longue durée dont parle Wallerstein, il devient éventuellement plus facile d’affirmer que l’alternative visée à long terme devra être à la fois anticapitaliste et post-néolibérale.
Les réseaux d’ESS en ALC s’intéressent-ils à l’économie plurielle ?
En suivant ces dernières années les débats dans les réseaux de l’ALC et en y participant occasionnellement, il m’est arrivé souvent de me demander et de demander à mes amis de l’ALC s'ils s’intéressaient comme nous à l’économie plurielle. (Voir http://www4.uqo.ca/crdc-geris/crdc/publications/CahierGESQVaillancourt.pdf). Je l’ai fait parfois en leur disant : si vous vous intéressez de plus en plus à la pensée de Polanyi comme vous le dites (exemple au RILESS), ou encore aux propositions des RMB, comment conjuguez-vous cela avec le paradigme alternatif à long terme qui continue à proclamer la rupture avec le capitalisme? Certains m’ont répondu que c’était pour des raisons tactiques. D’autres ne m’ont pas encore répondu.
Dans l’intervalle, j’ai fait deux observations en suivant attentivement depuis 2008 les débats en cours sur la liste RIPESS-LAC et en portant attention aux liens entre l’ESS et la transition écologique de l’économie.
1) J’ai observé, si on pense au mot d’ordre « RÉSISTER ET CONSTRUIRE » qui était sorti de la Rencontre intercontinentale du RIPESS au Québec en 2001 et auquel nous sommes demeurés très attachés au GESQ, que les courriels et écrits qui circulaient sur la liste du RIPESS-LAC illustraient plus fréquemment la dimension « résister » que la dimension « construire ». Par exemple, comme je l’ai évoqué dans la première partie de l’article, un très grand nombre d’interventions ont été faites pour inviter les réseaux de l’ESS à appuyer les résistances à des projets de développement impulsés par des transnationales et des gouvernements (parfois progressistes), en Amazonie par exemple, et qui comportent des risques sociaux et environnementaux pour les communautés locales indigènes et paysannes. Par contre, j’ai relevé moins d’interventions pour attirer l’attention sur des pratiques novatrices de l’ESS en cours dans divers pays de l’ALC – je sais pourtant qu’elles sont nombreuses comme en témoigne un bel article d’Humberto Ortiz (2012) –, pratiques qui témoignent du fait que l’ESS, dès maintenant en ALC, participe à la transformation de la société. « S’il est un autre monde, il est dans celui-ci », dit Éluard (cité par Sibille, 2012).
Le lien entre l’ESS et l’écologie ne ressort pas uniquement dans la résistance des communautés locales aux projets des multinationales et des gouvernements, y compris progressistes (en Bolivie, en Équateur et au Brésil), qui promeuvent l’exploitation des ressources naturelles et le développement des infrastructures routières en causant des préjudices sociaux et environnementaux aux communautés locales. Ce lien ressort aussi, sur un registre moins dénonciateur et plus constructif, dans des initiatives des acteurs de l’ESS, notamment de coopératives, pour relever des défis liés à la crise alimentaire et à la crise climatique. Je pense à des projets pour faire la « transition écologique de l’agriculture » en contrant la déforestation, en traitant les eaux usées et en triant les déchets, en choisissant de « cultiver en terrasse pour éviter l’érosion » et d’« utiliser des engrais organiques », etc. (Voir Louis Favreau et André Beaudoin, 14 mai 2013). J’ajoute que je ne pense pas qu’il faille se mettre à construire sans résister. Ce qui importe, c’est de conjuguer les deux : résister et construire ; dénoncer et proposer.
2) J’ai observé, à l’occasion du débat sur « l’économie verte » dans les réseaux de l’ESS du Sud et du Nord, déclenché par la publication d’un document officiel des Nations Unies dans le cadre des activités de Rio+20, que la critique du document onusien et de l’économie verte était beaucoup plus radicale et virulente en ALC qu’au Québec. Je reconnais facilement qu’au Nord des Amériques et en Europe, il y a aussi une mouvance de gauche, présente dans le mouvement de l’ESS ou dans d’autres mouvements sociaux, qui a critiqué le document officiel de l’ONU et l’expression économie verte de la même manière que le courant dominant de l’ESS dans les réseaux de l’ALC. Mais je parle ici des différences entre les positions des courants dominants de l’ESS au Québec et en ALC.
Pour se rendre compte de ces différences, il suffit de noter les nombreuses références positives faites dans les réseaux d’ESS en ALC à un texte de Leonardo Boff (2012), une figure brésilienne de la théologie de la libération. Le titre du texte est déjà significatif : « L’économie verte contre l’économie solidaire ». Il s’agit d’une charge intempestive contre le document de l’ONU dont le défaut principal serait d’être « définitivement anthropocentrique », c’est-à-dire pas assez attentif aux droits de la nature. Dans une même envolée, Boff associe l’économie verte, de même que le « développement durable » du Rapport Brundland de l’ONU en 1987, à une « économie de dévastation », à laquelle il oppose « un autre paradigme de l’économie de préservation, conservation et soutien de toute la vie ». On se retrouve à nouveau ici avec un registre d’argumentation qui fait référence à l’alternative à long terme et maximaliste dont j’ai parlé plus haut. Ce registre a été repris fréquemment dans les réseaux de l’ESS en ALC.
Comparativement, dans les milieux québécois et européens de l’ESS, le document de l’ONU a été fortement critiqué. Mais l’expression « économie verte » n’a pas été jetée avec l’eau du bain. Des chercheurs proches de nos réseaux comme Alain Lipietz, Louis Favreau et Jean Gadrey ont fait ressortir que l’économie verte pouvait être intéressante ou détestable, mais que tout dépendait du mode d’emploi qui en était fait. C’est la raison pour laquelle nous nous intéressons aussi au livre Green Deal de Lipietz (2012), non pas en raison de l’expression utilisée, mais en raison du mode d’emploi conféré à l’expression dans l’ensemble du livre. C’est pour des raisons semblables que je m’intéresse avec d’autres à l’orientation stratégique du FIDESS-RMB qui est résumée dans le mot d’ordre « Changer de cap, de méthode, d’échelle avec l’ESS ». Ce changement de cap doit surgir non pas d’ici 2050, mais d’ici 2020.
En fin de compte, une part de l’explication concernant les différences entre nos réseaux nordiques d’ESS et les réseaux de l’ALC ne serait-elle pas liée au fait qu’en ALC on ferait l’analyse de certains enjeux actuels de l’ESS en partant d’un paradigme à long terme, tandis que, dans les réseaux nordiques, on part davantage de projets de transformation à moyen terme.
Conclusion
Pour résumer, je dirais que mon article propose deux lectures de l’évolution récente du mouvement de l’ESS dans la région de l’ALC. La première lecture, plus descriptive, se penche sur les pratiques de l’ESS en ALC telles que je les vois, ce qui fait ressortir leur exceptionnelle vitalité ainsi que leur contribution novatrice dans les transformations sociales. La seconde lecture, plus analytique, porte davantage sur le discours des acteurs et réseaux de l’ESS en ALC. Elle se concentre sur ce que les acteurs disent qu’ils font ou encore sur certaines conceptualisations –qualifiées d’importantes plutôt que de dominantes – qui émergent dans les recherches et réflexions menées en ALC sur l’ESS. Au terme d’un tel exercice, on pourrait se demander s’il est possible de réconcilier les deux lectures, puisque la première donne une image plus optimiste et la seconde une image plus pessimiste.
Cette image plus pessimiste de ce que l’on pourrait appeler la théorisation de l’ESS en ALC se fonde à mon sens sur trois éléments:
1) Le discours sur l’ESS en ALC auquel nous avons conféré de l’importance, se caractérise par la référence à un projet d’économie et de société alternatif très lointain, très à long terme, très maximaliste, très utopique, telle une « nouvelle civilisation » s’apparentant à une sorte de « grand soir » ou d’horizon quasi eschatologique.
2) L’alternative à très long terme (d’ici 50 ans ou plus) souffre de ne pas être médiatisée par des alternatives ou des objectifs stratégiques à moyen terme (d’ici 5 à 15 ans comme c’est le cas dans les propositions des RMB et de Lipietz) moins utopiques, mais plus atteignables.
3) À partir de la définition de l’alternative à long terme qui met la barre très haute (exemple : il faut arriver tout de suite à une société non extractiviste, post-capitaliste, non raciste, féministe, sans classes, post-développement, etc.) et de l’absence d’alternatives médiatrices à moyen terme, le discours des acteurs et réseaux de l’ESS en ALC risque de rencontrer trois difficultés :
a) le risque, en évaluant les gouvernements à l’aune de l’alternative à long terme – y compris les plus progressistes comme ceux de la Bolivie et de l’Équateur –, de finir par les voir et les traiter comme s’ils étaient des cancres par rapport à la société idéale visée comme alternative à long terme ;
b) la difficulté de mettre en valeur les bons coups que les acteurs de l’ESS accomplissent et les brèches qu’ils font dès maintenant;
c) la difficulté de proposer aux pouvoirs publics des objectifs de transformation et des politiques concrètes qui relèvent non pas uniquement de l’utopie à long terme, mais aussi des objectifs stratégiques de transformation à moyen terme.
En un mot, le défi que pose le dialogue Nord/Sud entre réseaux d’ALC et plus largement entre mouvements sociaux, c’est de développer l’art d’aménager et de faire des transitions entre le long terme, le moyen terme et le court terme, et d’arriver à le faire dans un territoire concret – une communauté locale, une région, un pays, un continent ou la planète. Un exemple parmi d’autres et pas le moindre a trait à la transition écologique de l’économie : comment faire une transition entre l’extractivisme d’aujourd’hui et le non-extractivisme de demain? Comment les acteurs et réseaux de l’ESS peuvent-ils faire leur part pour contribuer à ces transitions?
Bibliographie
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