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Sommaire
Volume 3, no 4
Coopératives et communautés forestières au Québec : le virage écologique

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Coopératives forestières et communautés pour un développement forestier plus durable


Par Jocelyn Lessard [1]
Directeur général de la Fédération québécoise des coopératives forestières (FQCF)


Les coopératives de travailleurs forestiers existent depuis près de 75 ans. Leur histoire, fortement influencée par l’ensemble de la foresterie québécoise, a été parsemée d’embûches. Porteuses indirectes des aspirations des communautés, elles ont toujours fait preuve de résilience en s’adaptant aux politiques et aux acteurs socio-économiques du secteur. Les coopératives forestières offrent-elles une réponse au capitalisme en crise ? En cette Année internationale des coopératives, nous allons examiner leur histoire et leur récent cheminement autour d’un nouvel axe de développement pour répondre à cette question.

Pour le 25e anniversaire de la Fédération québécoise des coopératives forestières en 2011, Pascale Ryan, Ph. D. en histoire, a produit un rapport de recherche sur l’histoire de cette organisation. Son rapport s’intitule Un réseau à la défense des intérêts des coopératives forestières – Histoire de la Fédération québécoise des coopératives forestières. Afin d’en comprendre la dynamique, elle a remonté jusqu’aux origines du mouvement à la fin des années 1930. Sa recherche a permis d’obtenir les enseignements de l’histoire de ce réseau. La première partie de ce texte s’appuiera sur le rapport de madame Ryan.

Depuis 2007, la Fédération québécoise des coopératives forestières pilote un projet qui vise à soutenir l’implication des coopératives pour l’utilisation de la biomasse forestière. Ce processus servira d’exemple pour illustrer la contribution potentielle des coopératives forestières en faveur d’un virage, avec les communautés, vers le développement durable de l’activité forestière.

Les enseignements de l’histoire

Comme toutes les autres, les coopératives forestières sont nées d’un besoin. À la fin des années 1930, ce besoin était de se regrouper et d’organiser la force de travail des colons qui coupaient le bois pour le compte des compagnies forestières. Les colons à la recherche d’un revenu d’appoint pendant l’hiver sont devenus progressivement des bûcherons professionnels, puis des travailleurs spécialisés du secteur forestier, dont les activités de récolte sont aujourd’hui fortement mécanisées. Ces travailleurs sont devenus des entrepreneurs collectifs impliqués dans tous les segments de la foresterie, partant de la production de plants, la sylviculture, la voirie, la récolte, le transport de bois et les services techniques. Certaines coopératives font aussi de la transformation du bois.

« Solution originale permettant aux agriculteurs et travailleurs forestiers de tirer un revenu du travail forestier dans un contexte de quasi-monopole des grandes industries de pâtes et papiers, les coopératives forestières s’inscrivent dès leur naissance, à la fin des années 1930, dans la dynamique de ce qu’on viendra à nommer l’économie sociale et locale, axée sur la prise en charge par les travailleurs de leurs conditions de travail, sur la mise en valeur et sur le contrôle de la ressource forestière, contribuant ainsi au développement des collectivités locales. Au départ marginales au sein de l’industrie, les coopératives forestières ont su diversifier leurs activités et sont devenues, avec le temps, des partenaires du gouvernement dans la mise sur pied et l’application du régime forestier québécois actuel. Pour y parvenir, les coopératives ont dû faire face à de nombreuses difficultés : l’évolution du mouvement coopératif forestier est lente et son parcours semé d’embûches. Plusieurs facteurs expliquent leur parcours difficile : le régime des concessions forestières, longtemps en vigueur, qui rend difficile l’accès à la matière ligneuse, le peu de soutien du gouvernement envers d’autres formules possibles d’exploitation forestière, l’accès difficile aux capitaux et les lacunes dans la formation coopérative et technique, par exemple. En y regardant de plus près, on s’aperçoit rapidement qu’en fait les principales étapes de l’histoire des coopératives forestières sont intimement liées à l’évolution du régime forestier québécois. » (Ryan, 2011. Un réseau à la défense des intérêts des coopératives forestières, p. 3.)

Les faits marquants tirés de l’histoire du réseau servent à mieux connaître ces coopératives. Cette connaissance permet d’imaginer comment elles peuvent offrir une réponse au capitalisme en crise, mais également les contraintes qu’elles subissent pour y parvenir.

Le premier élément qui ressort est la grande difficulté du réseau à se regrouper. La Fédération québécoise des coopératives forestières n’a été fondée officiellement qu’en 2005. Elle a été constituée en prenant le relais de la Conférence des coopératives forestières du Québec, une organisation bona fide créée en 1985, elle-même laborieusement mise au monde par les coopératives après un soutien prolongé de l’ensemble du mouvement coopératif.

La réticence des coopératives à se doter d’une organisation forte caractérise le réseau. Dans les années 1940, plusieurs fédérations régionales sont fondées, souvent sous l’égide de l’UCC (L'Union des cultivateurs catholiques). « En 1949, la Confédération des chantiers coopératifs du Québec est fondée. […] Mais elle ne survivra pas longtemps, emportée par des tiraillements idéologiques majeurs, aggravés par le refus du gouvernement du Québec de reconnaître les coopératives comme concessionnaires… » (ibid., p. 8). Plusieurs autres tentatives, généralement supportées par des acteurs externes au réseau, ont échoué pour regrouper provincialement les coopératives au fil des décennies.

La réticence des coopératives à se regrouper tient à plusieurs phénomènes. Elles estiment souvent qu’elles n’ont pas les moyens de s’offrir un regroupement efficace. Il existe aussi un certain antagonisme entre la logique de développement local et celle du développement en réseau, les deux étant perçus comme en opposition. «…les liens très forts qu’entretiennent les membres dans les régions où les coopératives sont composées de travailleurs forestiers provenant sinon du même village, du moins d’une même région, contribuent à créer et à maintenir un esprit de clocher qui se traduit par l’indépendance marquée des coopératives entre elles » (ibid., p. 19). Enfin, le besoin d’autonomie des gestionnaires y a toujours été fort. Malgré l’existence de la Fédération et la réalisation de plusieurs projets communs qui ont procuré des bénéfices aux coopératives, l’héritage du passé est toujours présent et les coopératives forestières n’utilisent pas toute la force que pourrait leur procurer leur réseau pour se positionner comme une alternative crédible et apte à résoudre les difficultés du secteur forestier.

Le deuxième élément est lié à la difficulté d’entretenir avec l’État des relations structurantes et durables. Le gouvernement a parfois joué un rôle très positif pour soutenir le réseau, dont particulièrement dans le milieu des années 1970, mais il a aussi souvent fait preuve d’une indifférence coûteuse pour son développement. À toutes les époques, les coopératives forestières auraient pu jouer un rôle pivot faisant en sorte que la forêt serve davantage les intérêts des communautés dans un secteur où les politiques gouvernementales sont déterminantes pour établir qui profitera de l’accès à la ressource. L’absence de clarification des rôles a aussi conduit à des affrontements et à des tensions avec le monde syndical, ce qui a souvent ralenti l’essor du réseau.

« Son évolution a été marquée par la difficulté à faire reconnaître le statut des coopératives de travail comme actrices de pleins droits dans le secteur industriel et celle de faire reconnaître les besoins spécifiques de la coopération dans le cadre des lois du Québec, en particulier dans le Code du travail, ce qui ne manque pas de donner une teinte particulière à ses relations avec les organisations syndicales. » (Ibid., p. 2.)

Le troisième élément, et certainement le plus marquant, est la continuelle revendication des coopératives forestières pour obtenir davantage de responsabilités dans la gestion des forêts publiques. Misant plutôt sur la disponibilité du capital pour soutenir l’activité forestière, le gouvernement a confié la gestion de la forêt publique aux industriels de la transformation. Le rôle des coopératives se limitant surtout à sous-traiter l’exécution des travaux en dépendant de la bonne volonté des industriels pour obtenir les contrats.

« À la difficulté de fédérer les coopératives forestières s’ajoute, depuis la naissance du mouvement coopératif forestier, le manque de soutien du gouvernement qui tend à privilégier les grands de l’industrie forestière, et dont le cadre législatif ne fait pas de place ni au rôle ni aux besoins de la coopération du travail. À bien des égards, la reconnaissance des coopératives forestières apparaît comme une façon de satisfaire aux revendications pour l’emploi local, sans jamais reconnaître les coopératives comme des acteurs à part entière. Quant aux permissionnaires, ces industriels qui détiennent le droit de s’approvisionner en forêt pour leurs usines, et qui sous-traitent aux coopératives les opérations d’approvisionnement, ils ne tiennent pas non plus à voir élargir une reconnaissance qui donnerait à ces mêmes coopératives un meilleur pouvoir de négociation. Les coopératives forestières sont traitées comme des sous-traitants sans importance, et rien n’est fait pour faciliter les relations avec elles. » (Ibid., p. 9.)

À chaque époque, les coopératives se sont adaptées. Dans le régime forestier qui s’achève, certaines sont devenues industrielles pour obtenir toutes les responsabilités de l’aménagement forestier. D’autres sont devenues des partenaires financiers des industriels, pour obtenir, en échange des investissements, des responsabilités plus importantes et plus stables en forêt. D’autres sont aussi devenues des gestionnaires de forêt de proximité. Dans chaque cas, les coopératives ayant obtenu plus de responsabilités ont démontré qu’elles généraient une plus grande synergie entre les activités et que leur niveau de performance augmentait proportionnellement.

Leurs revendications pour l’obtention de plus de responsabilités ont été particulièrement intenses aux moments charnières des réformes des régimes forestiers. Elles ne veulent pas que leur rôle se limite à l’exécution des travaux. Elles veulent réduire leur précarité de sous-traitantes, utiliser leur connaissance intime du territoire et leur enracinement dans la communauté qui permet d’y optimiser les retombées, en gérant le territoire forestier.

Cette revendication existe depuis longtemps : « En soulignant que les entreprises coopératives d’exploitation forestières recherchent d’abord le bien-être du plus grand nombre possible de personnes, on y dénonce la mauvaise gestion des forêts et on y revendique, entre autres, une parfaite intégration de la forêt à l’économie rurale, l’attribution de réserve de territoire à proximité des lieux habités confié «aux syndicats forestiers et chantiers coopératifs qui en ont besoin et qui sont disposés à appliquer un contrôle convenable de la coupe et toute mesure apte à assurer le renouvellement indéfini de ces forêts. » (Ibid., p. 10.)

« Les coopératives forestières sont nées d’une volonté acharnée de s’arracher à une logique économique qui ne laissait que des miettes dans le milieu. Tout au long de leur histoire, elles ont tenté de territorialiser le développement sans jamais cesser de répéter que la forêt devait faire vivre les communautés. Elles ont eu du mal à faire valoir ce point de vue dans une période où le modèle d’exploitation forestière était essentiellement centré sur la grande entreprise et la production de masse. » (Ibid., p. 100.)

La prépondérance donnée à l’industrie forestière n’a pas seulement affecté le développement des coopératives. Il a aussi conduit à l’idée que les opérations forestières ne pouvaient être génératrices de valeur et de prospérité en supposant que plus les opérations forestières sont à faible coût, plus les entreprises de transformation sont profitables et plus le Québec est prospère. Cette hypothèse a toujours limité le développement de solutions qui auraient pu améliorer la compétitivité de l’ensemble du secteur.

Même si plusieurs accusations contre l’industrie n’étaient pas fondées en science, la configuration du régime forestier, en s’appuyant sur elles, a aussi nui à l’image de la foresterie québécoise auprès de l’opinion publique.

Le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) vient de compléter une profonde modification du régime forestier. Cela met un terme à l’hégémonie industrielle sur la gestion de la forêt publique, mais il n’est pas certain que cela soit pour le mieux. Plutôt que de miser sur des spécialistes de l’aménagement forestier sans lien industriel comme les coopératives forestières, le gouvernement a préféré s’approprier directement des responsabilités opérationnelles pour la gestion des forêts. Il n’est pas facile d’imaginer comment il sera possible dans ce nouvel environnement d’optimiser la chaîne de valeur entre la fibre en forêt et les clients sur les marchés des produits du bois.

Plutôt qu’un modèle qui confie toutes les responsabilités stratégiques à des fonctionnaires, la FQCF, en s’appuyant sur FORAC, un consortium de recherche de l’Université Laval, a déposé une proposition pour que les coopératives forestières, et éventuellement d’autres entrepreneurs forestiers, deviennent des fournisseurs-intégrateurs (FI) pour faciliter l’interface entre la planification forestière et les opérations. 

« Ce fournisseur-intégrateur serait devenu un maître d’œuvre de l’aménagement forestier et des opérations forestières. En respect des politiques gouvernementales nationales et régionales, il aurait mis à contribution ses services logistiques et ses compétences en intégration, en planification, en gestion et en optimisation pour que sa fonction puisse s’accomplir à la satisfaction de tous ses clients et qu’elle puisse lui générer suffisamment de bénéfices pour pouvoir investir dans le développement de ses compétences et l’amélioration de ses services toujours au profit de ses clients et partenaires [2]. »

Le développement d’une nouvelle filière

Grâce à l’implication initiale de la Coopérative forestière de La Matapédia, la FQCF soutient depuis 2007 le projet d’impliquer le réseau dans l’utilisation de la biomasse forestière. Au départ, les coopératives voulaient surtout remplacer les emplois perdus depuis le début de la crise du secteur forestier. Elles voulaient aussi améliorer la compétitivité de leurs activités traditionnelles, les revenus supplémentaires permettant d’amortir davantage les coûts d’accès à la ressource.

Les coopératives ont cependant découvert que ce dossier pouvait avoir une bien plus grande résonance. En utilisant, pour une fois, le plein potentiel du réseau, les coopératives forestières ont compris qu’elles pouvaient devenir des vendeuses d’énergie verte pour leur communauté plutôt que de simples cueilleuses de matière première. L’utilisation de la biomasse forestière constitue une occasion d’affaires exceptionnelle pour prendre le virage du développement durable avec les communautés, la vente d’énergie constituant un nouveau partenariat avec elles.

Contrairement à l’énergie éolienne, la biomasse constitue une source d’énergie utilisable sous plusieurs formes et avec des procédés très différents les uns des autres, partant de la combustion directe, à la pyrolyse et à la gazéification.

L’analyse de l’ensemble de la filière a permis aux coopératives de prioriser leur développement. La priorité a été accordée à la chauffe des bâtiments institutionnels et commerciaux en utilisant des copeaux de bois pour les projets de grande envergure et les granules de bois pour les plus petits.

Ce choix s’imposait pour plusieurs raisons. D'abord c’est le seul segment capable de payer un prix décent pour la ressource. Cela est dû à la fois à la maturité technologique et à la grande efficacité énergétique. Dans des circuits courts, c’est l’utilisation qui procure le meilleur bilan énergétique. Au niveau environnemental, c’est la seule filière que les groupes environnementaux acceptent parce que, lorsque ce sont des déchets d’usines ou des déchets de coupes qui constituent l’approvisionnement, c’est l’utilisation de la biomasse qui se rapproche le plus de la carboneutralité. Elle atteint ce statut lorsqu’on considère la notion de remboursement de la dette de carbone qui survient au cours des années qui suivent la combustion.

Cette filière a aussi été choisie parce que les projets se réalisent avec un capital accessible pour les coopératives et leurs partenaires locaux. Les projets de chaufferies sont ceux qui procurent le plus de retombées dans les communautés au niveau de la création d’emplois et de la sécurité énergétique que la biomasse procure. Il s’agit aussi d’une énergie très compétitive qui permettra aux collectivités de réaliser des économies substantielles à long terme sur leurs factures de chauffage.

Dans ses efforts pour faire la promotion de la filière de la biomasse pour la chauffe, la FQCF vient d’obtenir un précieux coup de pouce. En lien avec sa mission de soutien économique, la Caisse de dépôt et placement du Québec vient de commanditer une étude macroéconomique pilotée par la Fédération et réalisée par la firme ÉcoRessources pour évaluer les retombées potentielles de la biomasse utilisée pour la chauffe. Les résultats de l’étude (voir « Évaluation économique de la filière de la biomasse forestière destinée aux projets de chaufferies ») confirment la compétitivité de la biomasse pour cette utilisation, l’existence d’un marché potentiel très important, même en excluant l’île de Montréal, et surtout une répartition de retombées majeures dans toutes les régions du Québec.

La FQCF a constitué une filiale, Service Forêt-Énergie(SFE), qui offre aux coopératives des services complets, partant des études d’approvisionnements, de potentiels de conversion par territoires (MRC) et de faisabilité pour les projets les plus intéressants. Le SFE va encadrer les implantations des chaufferies et procurer des économies d’échelle pour les acquisitions de leurs équipements. Toutes les étapes de ces projets seront standardisées pour développer une marque de commerce forte et crédible.

Alors que plusieurs projets sont en cours de réalisation dans toutes les régions, les derniers morceaux manquants du casse-tête pour qu’un déploiement accéléré s’instaure sont liés à leur financement. L’énergie provenant de la biomasse forestière est peu coûteuse, mais il faut investir pour acquérir les équipements de chauffage performants et adaptés.

Les projets ont besoin de financement privé pour se réaliser. Parce que la rentabilité est à long terme et que la filière est encore très jeune au Québec, les institutions financières financent ces projets avec prudence. Des pourparlers récents avec des acteurs financiers sensibles aux mêmes valeurs que les coopératives forestières sont cependant très encourageants pour standardiser cette partie du financement.

Tous les pays qui ont développé cette filière ont mis en place des programmes gouvernementaux pour soutenir la filière. Jusqu’à maintenant, le gouvernement du Québec a été avant-gardiste au Canada avec les programmes du Bureau d’efficacité et d’innovation énergétique pour favoriser la substitution du mazout. Le gouvernement pourrait en plus jouer un rôle exemplaire en priorisant cette forme d’énergie pour chauffer ses propres bâtiments.

Le budget que le ministre Raymond Bachand a rendu public le 20 mars 2012 permet aux coopératives d’être optimistes quant à la continuité du soutien qui sera offert à la filière, notamment avec le Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques.

Cependant, d’autres éléments suscitent des inquiétudes quant aux arbitrages énergétiques gouvernementaux qui se préparent. On l’a dit, l’utilisation de la biomasse pour la chauffe est concurrentielle et ce segment pourra se défendre dans la compétition qui s’annonce, notamment contre le développement de l’éthanol cellulosique. Au-delà du principe de la bonne énergie au bon endroit, il faut considérer le portrait d’ensemble pour effectuer les choix. Lorsque Hydro-Québec a décidé de se prémunir contre la pointe hivernale, elle a accepté de payer annuellement une somme de 200 millions de dollars pour entretenir la centrale au gaz naturel de Trans Canada Énergie. Quand le gouvernement se propose d’investir des sommes très importantes pour faire en sorte que Gaz Métro amène le gaz naturel sur la Côte-Nord, cela anesthésiera certainement plusieurs projets d’utilisation de la biomasse. Serait-il préférable d’utiliser une ressource locale ?

Conclusion

Les coopératives ont fait la preuve de leur résilience, de leur capacité de s’adapter, de leur attribut pour optimiser les retombées de leurs activités dans la communauté, de leur expertise en matière de gestion des forêts publiques et de leur intérêt, soutenue par une vision claire, pour obtenir plus de responsabilité pour réduire leur précarité et pour exploiter leur plein potentiel d’experts en aménagement forestier. Elles peuvent aussi ajouter à leur offre traditionnelle de nouvelles activités liées à la forêt, dont la fourniture d’une énergie verte pour le bénéfice des collectivités.

Par ailleurs, bien qu’elles semblent progresser à cet égard, elles devront continuer à renforcer leur réseau, pour utiliser son plein potentiel. Cela sera nécessaire pour qu’elles fassent mieux connaître leur plan pour compléter le rôle des entreprises capitalistes et ainsi amenuiser les difficultés qui en découlent. Elles devront aussi être entendues par l’État pour parvenir à jouer ce rôle.

Puisque la forêt québécoise est publique, les politiques forestières ont un impact déterminant sur les acteurs du secteur. Les choix gouvernementaux influencent beaucoup leur avenir. Malgré l’adoption récente de la Politique pour assurer l’occupation dynamique des territoires, le gouvernement a toujours tendance à privilégier les grands projets nécessitant beaucoup de capitaux pour soutenir le développement territorial, plutôt que de miser sur les forces sociales présentes dans les territoires.

Après la traversée de six ans de crise du secteur lié à l’effondrement des marchés des produits du bois et l’héritage de décennies de sous-traitance, il ne faut pas imaginer que les coopératives forestières seront prêtes demain matin à assumer la gestion complète des forêts publiques. Ni que ce transfert assurerait un sauvetage providentiel et immédiat du secteur. Au fil des décennies, elles ont aussi connu leurs lots de difficultés internes au niveau de la gouvernance et de la gestion et même parfois de l’authenticité coopérative.

Pourtant, elles ont aussi fait la preuve de leur immense potentiel. Les coopératives forestières estiment qu’il est possible de faire en sorte que la fabuleuse ressource qu'est la forêt serve mieux le développement des collectivités. Les coopératives forestières comprennent très bien les besoins de leurs partenaires industriels, notamment parce que leur avenir est intimement lié, qui ont besoin d’un approvisionnement compétitif à tous les points de vue, c’est-à-dire la bonne fibre, au moment où ils en ont besoin et au prix qui leur permettra de créer de la richesse.

Même si la nouvelle loi n’est même pas encore pleinement en vigueur, les coopératives forestières ne désespèrent pas quant à la possibilité de l’amender. Une nouvelle industrie forestière émerge lentement des décombres de l’ancienne et le matériau bois apparaît de plus en plus comme une option incontournable pour lutter contre les changements climatiques.

Elles veulent jouer un rôle actif de fournisseur-intégrateur en forêt et de gestionnaire de projets de foresterie communautaire en forêt de proximité. Elles veulent aussi, dans un cadre d’aménagement forestier durable, utiliser de manière intégrée toutes les ressources provenant de la forêt, dont la biomasse. Elles se préparent au nouveau régime, notamment en investissant dans la mise en œuvre d’un plan de main-d’œuvre en réseau et en y renforçant les communications internes. Si la suite de cette histoire vous intéresse, vous pouvez la suivre en devenant ami de notre page Facebook.

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[1]  Jocelyn Lessard est ingénieur forestier de profession, il est directeur général de la Fédération québécoise des coopératives forestières (FQCF) depuis 1999. Il représente le réseau des coopératives forestières au sein du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM), de la Société de coopération pour le développement international (SOCODEVI) et des organisations du secteur forestier.
[2]
  Fédération québécoise des coopératives forestières et FORAC. Mars 2011. Le concept de « Fournisseur-Intégrateur » pour la chaîne forestière québécoise; document de définition, 35 pages. 

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