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Sommaire
Volume 3, no 4
Coopérer dans un nouvel environnement d'affaires

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Coopérer dans un nouvel environnement d’affaires


Vincent Cloutier
Directeur, Affaires agricoles, Coop Fédérée

Les marchés agroalimentaires affichent depuis peu une nouvelle folie. Une douce folie pour certains, une véritable menace pour d’autres (voir le graphique de l’indice prix alimentaires FAO). Suivant une période de calme relatif, qui s’éternisait, on semble avoir atteint un nouveau palier de prix. À noter aussi : la forte volatilité qui s’est emparée des marchés. Le changement observé est apparemment structurel, c’est-à-dire que cette nouvelle dynamique est là pour rester.

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D’abord, parce que la demande de produits alimentaires est en forte hausse. En particulier sous l’impulsion de l’augmentation de la population mondiale, qui a récemment franchi le cap des 7 milliards d’individus. La tendance à la hausse se poursuit : l’ONU estime que 9 milliards d’humains peupleront la Terre en 2050. Une classe moyenne se développe aussi à grande vitesse dans les économies émergentes que sont les pays du BRICA (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Il s’y trouve des centaines de millions de consommateurs qui aspirent à un niveau de vie supérieur, et qui se tournent graduellement vers une nouvelle diète. L’impact sur le marché des huiles végétales (incluant celles du soja et du canola) est très fort. Même chose pour la demande de viande à l’échelle mondiale, en forte augmentation.

Beaucoup sont préoccupés par la capacité de la planète à produire toute la nourriture nécessaire pour assurer la sécurité alimentaire. Chaque année, des quantités immenses de terres agricoles sont perdues au profit de l’urbanisation (plus de la moitié de la population mondiale habite maintenant les villes), et à cause de la désertification. Le potentiel de nouvelles terres arables s’amenuise, ce qui a fait passer le ratio d’hectares de terres arables disponibles par habitant de 0,4 à 0,25 au cours des 40 dernières années (voir le graphique suivant sur les terres arables par habitant). Une telle diminution est préoccupante, surtout dans un contexte où une bataille de l’eau se dessine. Dans plusieurs endroits du monde, les stress hydriques se multiplient. Déjà, 70% de l’eau douce disponible est utilisée à des fins agricoles. Cette proportion continue d’augmenter. Il en sera ainsi jusqu’à ce que les besoins pour les autres usages (industriels, municipaux et domestiques) n’aboutissent au déclenchement d’inévitables tensions.

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En parallèle, le développement continu des techniques de production agricole et l’amélioration génétique des cultivars poussent les rendements à la hausse, mais à un rythme moindre que celui de la population mondiale (voir le graphique croissance de la population vs rendement). C’est ce qu’on observe dans les cas du blé et du soja. L’effet de la loi des rendements décroissants est aussi observé dans la culture du riz. Ce n’est rien pour diminuer la pression sur les marchés. On observe aussi que malgré l’augmentation récente de la production de grains à l’échelle mondiale, les stocks demeurent bas, indiquant que l’offre supplémentaire est consommée.

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Les fondamentaux dictant l’offre et la demande de produits agroalimentaires à l’échelle mondiale se traduisent en un équilibre nouveau sur les marchés, plus fragile. C’est pourquoi les moindres soubresauts de Dame nature ont un effet si direct sur les marchés, qui affichent une volatilité déconcertante. L’agriculture a de tout temps été un secteur stratégique, mais des décennies de surplus et de faibles prix avaient relégué au second rang de nombreuses préoccupations. Le secteur reprend maintenant plus que jamais ses lettres de noblesse. Les marchés agroalimentaires sont porteurs d’avenir. Les occasions qu’il présente sont immenses. À nous d’en profiter.

Bien que le marché présente de nombreuses occasions, il faut s’attendre à ce que les marges générées par la production agricole demeurent serrées. L’une des principales raisons réside dans la très forte concentration des grands fournisseurs mondiaux d’intrants, qui a même interpellé l’ONU. En effet, l’organisation internationale a récemment rédigé un rapport faisant état de la très forte consolidation des grands fournisseurs mondiaux d’intrants (Potash Corp, Monsanto, Mosaic, pour ne donner que quelques exemples). La taille de ces entreprises et leur fort pouvoir de marché leur donnent certes des reins plus solides pour leurs activités de R&D, mais soulèvent en contrepartie de nombreuses questions sur l’équité dans les prix, pour les autres maillons de la filière.

Au-delà de l’espoir – plutôt vain, malheureusement – de voir les règles de la concurrence revisitées, pour assurer une meilleure équité dans le partage des profits, les autres maillons de la chaîne doivent s’adapter, afin de se donner à leur tour un certain pouvoir de marché auprès de ces géants. Le regroupement des producteurs au sein de coopératives agricoles est certes une solution porteuse. Qui plus est, La Coop fédérée a récemment procédé à des acquisitions ciblées, afin d’augmenter son pouvoir de marché dans un marché ultra-compétitif. Le pouvoir collectif de la coopération constitue sans nul doute un rempart contre un environnement d’affaires sans merci.

Un fort appétit pour les terres agricoles

L’amélioration de la rentabilité de la production de grains augmente l’attrait pour les terres agricoles. En plus des producteurs agricoles eux-mêmes, des investisseurs corporatifs s’y intéressent, mais aussi des États, depuis la crise alimentaire de 2008. Très fort dans les pays en émergence et sous-développés, le phénomène d’intéressement aux terres agricoles a atteint les pays développés. Heureusement, le Québec dispose d’outils législatifs qui protègent ce patrimoine d’une grande richesse d’un accaparement malvenu. La Loi sur la protection du territoire agricole et la Loi sur l’acquisition de terres agricoles par des non-résidants prennent un tout nouveau sens dans le contexte où le caractère stratégique des actifs agricoles est plus fort que jamais.

Pour La Coop fédérée, enracinée dans son milieu et répondant aux besoins des producteurs agricoles d’ici, l’enjeu de la propriété foncière est crucial. Nous devons coûte que coûte nous assurer que ce patrimoine inestimable demeure la propriété des producteurs agricoles québécois. Il est plus que temps d’enclencher une réflexion collective sur le sujet.

D’autres outils de politique agricole pressurisés

La nouvelle dynamique qui prévaut sur les marchés mondiaux rattrape tous les acteurs de la filière agroalimentaire, de tous les secteurs de production. Pour nos producteurs de porcs et de bœuf, par exemple, cette nouvelle dynamique impose de nouveaux efforts de gestion. Le coussin nécessaire pour faire face aux imprévus est plus élevé qu’auparavant.

Dans ce contexte, le fort endettement de nos entreprises est une importante épine à nos pieds (voir le graphique sur le niveau d’endettement des fermes). Dans les secteurs sous gestion de l’offre (le lait, la volaille et les œufs), les barrières tarifaires dressent un rempart qui nous protège des soubresauts de l’environnement d’affaires mondial. Malgré l’efficacité du système, on ne peut se dissocier totalement de ce qui se passe hors de nos frontières.

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Pour assurer la pérennité de l’outil, il nous faut prendre conscience de ce qui se passe ailleurs, et des forces qui ont un impact sur nous. Un prix à la production supérieur peut prévaloir sur nos marchés, mais l’écart avec nos compétiteurs ne peut dépasser un certain seuil, au risque de disloquer le système (voir graphique de l’évolution du prix du beurre). La prise en compte des frais de transport, du taux de change et des tarifs douaniers permet de calculer un prix d’importation. Tant que celui-ci se retrouve au-dessus du prix domestique, le marché en protégé des importations malvenues. On comprendra que toute baisse de tarif, ou alors une augmentation trop importante du prix domestique, diminuent la protection qu’offre la barrière tarifaire. Les écarts de productivité avec l’extérieur, la compétitivité de nos structures de production et les prix à la consommation sont des enjeux à considérer très sérieusement, dans l’optique d’assurer l’avenir de la gestion de l’offre, que nous chérissons tant.

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Intimement attachée à l’agriculture, et surtout à l’agriculture québécoise, La Coop fédérée voit d’un œil enthousiaste les prochaines années en agriculture et en agroalimentaire. Les fondamentaux du marché sont porteurs. Mais pour préserver notre identité, à la fois coopérative et agricole, la pérennité de nos outils de politique agricole doit demeurer au cœur de nos priorités. L’agriculture québécoise a fait ses choix, en privilégiant une agriculture de métier, dans des structures de production plus petites qu’ailleurs, mieux réparties sur l’immensité du territoire québécois. Pour maintenir ce tissu, notre coffre d’outils prend tout son sens. La gestion de l’offre figure parmi un arsenal d’une efficacité redoutable, qu’il faut protéger et faire évoluer avec son temps. En renforcissant ses membres, la gestion de l’offre renforce par le fait même leurs structures coopératives. Notre réseau coopératif compte sur le maintien de cette touche toute québécoise.

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