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Sommaire
Volume 2, no 3
AÉCG Canada-Union européenne : quelles conséquences pour le Québec ?

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Accord économique et commercial global Canada-Union européenne : quelles conséquences pour le Québec ?


Alexandre L. Maltais,
Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC).


Contrairement à un accord de libre-échange traditionnel, l’AÉCG canado-européen aura un champ d’application élargi comprenant, en plus du commerce des biens et des services, notamment, la question de l’investissement et des marchés publics ainsi que celle de la mobilité de la main-d’œuvre. En cas de mise en œuvre de l’accord, l'ambition des acteurs politiques de libéraliser un plus grand nombre de secteurs économiques ne serait pas sans conséquence sur l’économie québécoise.

Cet article est tiré d’un rapport de recherche de l’IRÉC dont l’analyse est basée sur un brouillon du texte de l’accord, datant de janvier 2010. L’objectif était d’analyser de manière pragmatique les effets d’un accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, en plus de mettre en lumière les dangers qu’il représente. Dans le présent article, nous ciblerons l’attention sur les conséquences de la libéralisation des marchés publics au Québec.

L’enjeu des marchés publics

Inévitablement, l’enjeu de l’accès aux divers marchés publics canadiens a été abordé dans le cadre des négociations sur l’AÉCG. Si déjà les marchés publics du gouvernement fédéral font l’objet d’une ouverture internationale en raison des accords signés antérieurement par le Canada à l’OMC, il n’en va pas ainsi pour les provinces et les municipalités, qui n’ont pas les mêmes obligations. C’est pour cette raison que les marchés publics constituent un des thèmes de négociation les pluslitigieux. En même temps, elle est déterminante quant à l’aboutissement de l’accord. Dans ce contexte, la question se pose : le Canada est-il prêt à céder sur l’accès à ses marchés publics subfédéraux pour mener à bien et conclure les négociations avec la signature du traité bilatéral ?

Selon les documents obtenus, l’accord aurait une portée et un champ d’application plutôt ambitieux. En fait, le chapitre sur les marchés publics couvrirait les contrats de tous les différents niveaux de gouvernement et de leurs entités « acheteuses ». Au deuxième article du chapitre relatif au champ d’application des dispositions sur les marchés publics, on trouve une liste d’annexes référant aux « entités gouvernementales, publiques et parapubliques » qui y seront assujetties. Bien que ces annexes ne soient pas disponibles, leurs titres sont évocateurs et laissent croire à une application très large, soit au gouvernement fédéral canadien,  aux provinces et territoires, aux municipalités et aux autres entités adjudicatrices subfédérales.

Le texte prévoit aussi que les dispositions du chapitre s’étendent pratiquement à tout type de contrats publics. En effet, le libellé de l’article 2 du chapitre se contente de dire que le présent accord s’applique aux marchés passés par tout moyen contractuel ayant pour but une acquisition à des fins gouvernementales, comprenant les biens et les services, à l’exception des exclusions inscrites à l’annexe par les parties à l’accord. La nature des contrats publics peut être très variable : les biens et les services et les services de construction spécifiés.

De plus, l’AÉCG reprend un des principes fondamentaux du libre-échange : la non-discrimination. Dans le cadre du chapitre portant sur les marchés publics, la règle s’applique aux fournisseurs de biens et services étrangers intéressés par les contrats publics. Le texte de l’accord interdit aux parties – et à leurs entités – d’accorder à un fournisseur établi sur le territoire national un traitement moins favorable que celui accordé à un autre, selon le degré de contrôle ou de participation étrangers. La discrimination envers un fournisseur établi sur le territoire national sur la base que les produits et services offerts par ce dernier ont été produits sur le territoire de l’autre partie est aussi proscrite. En bref, il est impossible, pour une province ou une municipalité, de favoriser les entreprises nationales, les entreprises dont les actionnaires sont des nationaux ou les entreprises faisant affaire localement de quelconque manière.

Théoriquement, dans un contexte de réciprocité, les entreprises issues du plus petit marché – le Canada – sont avantagées par l’inclusion de telles dispositions puisqu’elles obtiennent l’accès à un plus grand marché – l’Union européenne. Cependant, à cause des engagements pris à l’OMC, les États membres de l’Union européenne doivent déjà respecter le principe de non-discrimination envers les entreprises étrangères en matière de marchés publics. Les entreprises canadiennes ont donc déjà accès aux marchés publics subnationaux européens. Dans ces conditions, l’inclusion d’une telle clause n’aurait de conséquences que pour les provinces, les municipalités et les autres «entités subfédérales» canadiennes. En ce sens, elle constituerait une importante concession de la part du Canada.

Enfin, une des principales critiques formulées à l’endroit du texte préliminaire est que le chapitre sur les marchés publics interdit les « opérations de compensation », plus communément appelées, en anglais, « offsets ». Les opérations de compensation sont des moyens utilisés par les gouvernements pour planifier ou du moins diriger le développement économique de la société qu’ils représentent. En matière de marchés publics, elles peuvent prendre plusieurs formes : des politiques d’achat local, des lois favorisant les entreprises ayant leur siège sur le territoire national, critères d’attribution de contrats qui désavantagent, directement ou indirectement, les entreprises étrangères, etc. Il est d’ailleurs très courant que les municipalités ou les provinces se servent de ce genre de politiques.

Utilisées intelligemment, les opérations de compensation peuvent donner d’autres résultats que l’approvisionnement en biens et services au plus bas coût du marché. Par exemple, en 2008, pour relancer l’industrie québécoise du bois d’œuvre, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune mettait sur pied une stratégie d’utilisation de bois dans la construction au Québec. L’initiative visait à augmenter la consommation du bois produit au Québec et à inciter l’industrie du bois à se tourner vers la production de produits du bois à valeur ajoutée. Pour ce faire, le gouvernement prévoyait privilégier l’utilisation du bois dans la construction d’édifices gouvernementaux jusqu’à un coût supérieur de 5 %. En bref, le gouvernement faisait le choix de payer plus cher pour les contrats de construction pour privilégier une conception de l’intérêt de la collectivité qui comprenait le développement régional, l’occupation du territoire, la diversification économique, etc.

Les conséquences de la libéralisation des marchés publics

Au Canada et au Québec, les règles concernant les contrats publics bénéficient d’une certaine flexibilité afin de permettre aux provinces, municipalités et organismes parapublics d’accomplir différents objectifs. Si, de manière générale, les gouvernements cherchent à obtenir des biens et services au prix le plus bas, ils peuvent aussi poursuivre des objectifs secondaires selon leur conception de « l’intérêt de la collectivité ». En fait, les gouvernements poursuivent des objectifs certes économiques, mais aussi sociaux, environnementaux et de développement régional par le biais des marchés publics. D’ailleurs, la recherche de l’intérêt de la collectivité constitue un des principes directeurs des approches en matière de marchés publics dans toutes les juridictions. Pourtant, le texte de l’accord contient des dispositions tout à fait contraires à ce genre de pratiques.

Un accord qui nuit au développement local et régional

Comme le Québec dispose d’un immense territoire, mais d’une population réduite, sa densité démographique est faible. Cet état de fait, jumelé au phénomène de l’exode rural crée un problème d’occupation du territoire. Pour s’assurer de maintenir un certain équilibre démographique entre les régions du Québec, le gouvernement a mis en place des mesures pour aider à la rétention des travailleurs dans les régions ressources. Certaines d’entre elles se retrouvent sous forme de conditions d’obtention de contrats des sociétés d’État. Par exemple, dans le respect de son mandat, Hydro-Québec émet des prescriptions spéciales à l’obtention des contrats pour les soumissionnaires. En 2003, dans le cadre de projets d’énergie éolienne, Hydro-Québec avait fait inclure des clauses de production domestique très précises dans ses appels d’offres. En pratique, les fournisseurs devaient s’engager à réaliser 60 % des coûts globaux du projet au Québec, dont 30 % dans la seule MRC de Matane et la région de la Gaspésie. Évidemment, ce type de politiques de la part de sociétés d’État assujetties aux dispositions du chapitre sur les marchés publics pourrait être remis en question par la conclusion de l’AÉCG Canada-UE.

Dernièrement, le gouvernement du Québec a pris la décision d’attribuer, sans appel d’offres, le contrat de fabrication de voitures pour le métro de Montréal au consortium Bombardier-Alstom. Au lieu de lancer un appel d’offres international en laissant les entreprises étrangères soumissionner afin de maximiser la concurrence et possiblement d'obtenir un meilleur prix, le gouvernement a choisi de garantir des emplois à La Pocatière, dans la région du Bas-Saint-Laurent. Cette décision a évidemment soulevé la colère de l’entreprise espagnole CAF, qui affirmait être en mesure de fournir les voitures de métro à un meilleur prix. Plusieurs observateurs se sont interrogés quant à la légalité d’une telle décision, mais comme l’Accord sur les marchés publics (AMP) ne s’applique pas aux provinces, le gouvernement du Québec n’avait pas l’obligation d’aller en appel d’offres. Par contre, si l’accord Canada-UE avait été en vigueur, avec des dispositions interdisant la discrimination dans l’octroi des contrats publics, le gouvernement n’aurait pas eu la même latitude. Au final, la question n’est pas de savoir si la décision du gouvernement, dans cette situation particulière, était la bonne, mais plutôt de se demander si les provinces sont prêtes à perdre le droit de choisir un modèle de développement adapté à leurs particularités.

En somme, l’élargissement des obligations de non-discrimination des fournisseurs, l’interdiction des opérations de compensation et les restrictions au niveau des conditions de participation dans l’attribution des contrats publics aux ordres de gouvernements inférieurs au Canada constitueraient une barrière au développement local et régional.

Une menace sérieuse aux politiques de protection de l’environnement

Évidemment, le texte de l’accord économique et commercial global n’interdit pas explicitement aux gouvernements de mettre en place des politiques de protection de l’environnement. Comme dans l’Accord multilatéral sur les marchés publics de l’OMC, les mesures ayant pour objectif la protection de l’environnement sont permises. En effet, l’article III portant sur la sécurité et les exceptions générales prévoit que « […] rien dans le présent accord ne sera interprété comme empêchant une Partie quelconque d’instituer ou d’appliquer des mesures nécessaires […] à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux [1]… ». Le libellé de cette disposition laisse croire à une grande latitude pour les gouvernements et les entités adjudicatrices. Néanmoins, une analyse plus poussée nous force à conclure qu’un tel accord règlementant les procédures en matière de marchés publics des entités subfédérales imposera aux provinces de nouvelles restrictions juridiques qui limiteront les possibilités d’inclure des critères environnementaux dans les contrats publics.

Tout d’abord, pour inclure des préoccupations environnementales dans les marchés publics, les autorités peuvent utiliser des prescriptions en matière de procédés et méthodes de productions (PMP), parce que la règle environnementale ne touche pas le produit final, mais la façon dont il a été produit. À cet égard, il faut distinguer les prescriptions en matière de PMP liées au produit, qui s’attaquent aux externalités de consommation, et celles qui sont non liées au produit, qui concernent les externalités de production. Une première lecture de l’article IX (Technical Specifications and Tenders Documentation) du chapitre sur les marchés publics laisse croire que les autorités pourraient imposer les prescriptions qui leur semblent nécessaires aux fins de protection de l’environnement : « Les spécifications techniques ainsi que les prescriptions relatives aux procédures d’évaluation de la conformité définies par les entités contractantes, ne seront pas établies, adoptées, ni appliquées en vue de créer des obstacles non nécessaires au commerce international, ni de telle façon qu’elles aient cet effet [2]. »

Pourtant, en raison de la règle du traitement national et de la nation la plus favorisée, la liberté des gouvernements s’en trouve extrêmement diminuée. Comme pour l’Accord multilatéral sur les marchés publics, nous partageons l’avis de Peter Kunzlik, pour qui :
« [i]l est clair que la règle prohibant les “obstacles non nécessaires au commerce international” et celles du traitement national et de la nation la plus favorisée seraient enfreintes par une spécification technique qui établirait des prescriptions en matière de procédés et méthodes de production […] pour les soumissionnaires de certains États, mais pas pour les soumissionnaires nationaux ou ceux des autres États [3]. »

En pratique, les prescriptions incluses dans les marchés publics concernant les méthodes de production ne pourraient être en conformité avec l’AÉCG puisqu’à tout moment, un État dont l’industrie ne pourrait répondre aux prescriptions plaiderait que celles-ci sont, de facto, des obstacles non nécessaires au commerce. Il est difficile de prévoir comment un organe de règlement des différends commerciaux jugerait de l’intention derrière de telles prescriptions. Dans le passé, le débat sur la controversée question des PMP a été abordé à l’OMC. Bien que l’ensemble des membres convienne que les États ont le droit d’imposer des critères relatifs aux méthodes de production si elles laissent des traces dans le produit final, il n’y a pas de consensus sur la légalité de la discrimination basée sur une production non durable d’un bien que constituent les prescriptions en matière de PMP non liées aux produits.

De telles dispositions reviendraient, au final, à favoriser les entreprises étrangères au détriment des entreprises nationales. En effet, si les entreprises québécoises devaient se conformer à des lois qui imposent des méthodes de production plus respectueuses de l’environnement sans que la concurrence étrangère n’ait à respecter des prescriptions semblables (qui ne pourraient plus être incluses dans les marchés publics), ces premières se retrouveraient grandement défavorisées. Encore une fois, une logique pareille entraîne un nivellement par le bas en matière de règlementation environnementale. En bref, même si l’accord canado-européen permet théoriquement aux gouvernements de mettre en place des mesures nécessaires à la protection de l’environnement, en pratique, il limite l’action gouvernementale en cette matière.

Normes en matière sociale : vers le plus petit dénominateur commun

Plusieurs syndicats des deux côtés de l’océan se sont dits préoccupés quant à l’impact de la mise en œuvre de l’accord canado-européen sur les droits des travailleurs et les standards en matière sociale. Il ne fait aucun doute que son application aurait des répercussions sur la législation québécoise. À bien des égards, elle aurait pour effet de niveler par le bas les standards en matière sociale.

D’abord, pour mettre en œuvre les dispositions du chapitre sur les marchés publics, le gouvernement devrait probablement modifier sa législation de manière à la rendre conforme au traité. Par exemple, il convient de citer la Loi sur les contrats publics des organismes publics ainsi que les trois règlements qui l’opérationnalisent. Deux d’entre eux obligent les entreprises de plus de 100 employés voulant soumissionner pour un contrat de 100 000 $ et plus à s’être préalablement engagées à implanter un programme d’accès à l’égalité conforme à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Une clause équivalente est prévue pour les entreprises canadiennes hors Québec, mais les règlements restent muets au sujet des entreprises étrangères.

Dans ce contexte, trois options sont possibles : soit la mise en œuvre impliquera l’abrogation de ces dispositions parce que les entreprises européennes ne peuvent évidemment pas s’y conformer, soit le gouvernement du Québec se retrouvera à favoriser les firmes européennes en imposant des standards plus élevés pour ses entreprises nationales, soit le gouvernement du Québec assouplira ses exigences en reconnaissant des attestations d’États européens qui indiquent que leurs entreprises se conforment à des standards plus ou moins équivalents. Pour ce qui est de la dernière option, il est probable que le Québec doive reconnaître des normes – par exemple des pays de l’Europe de l’Est – beaucoup moins exigeantes que les siennes, sous peine d’être accusé de protectionnisme. C’est un exemple de clause sociale qui pourrait être remise en question après la conclusion de l’AÉCG.

De plus, avec les dispositions interdisant de favoriser les entreprises nationales dans l’octroi de contrats publics, rien ne garantit que ces sommes considérables d’argent public ne soient pas redirigées vers l’extérieur. Pour les syndicats canadiens et européens, auteurs d’une analyse critique de l’AÉCG, accepter de telles dispositions reviendrait à favoriser les entreprises étrangères ayant leur siège dans des pays où les salaires sont bas, le taux de syndicalisation est faible et les droits des travailleurs ne sont pas respectés, et ce, avec l’argent des contribuables. Malheureusement, il semble que la promotion des droits sociaux et la libéralisation des marchés publics soient difficilement conciliables et, par conséquent, que le nivellement par le bas soit privilégié.

Une atteinte à la souveraineté économique des gouvernements

Pendant les crises économiques, la plupart des gouvernements mettent en place des politiques économiques contracycliques. De telles politiques consistent en d’importantes dépenses publiques visant à stimuler l’économie nationale à court terme afin de maintenir la demande en biens et services et limiter les pertes d’emplois. Dans ce cas, les marchés publics prennent toute leur importance puisqu’ils constituent la pierre angulaire de la politique budgétaire des gouvernements.

Pour maximiser l’effet de chaque dollar dépensé, les gouvernements peuvent spécifier que les programmes d’aide se limitent aux entreprises nationales. C’est justement ce que l’Administration américaine a fait en incluant les dispositions « Buy American » dans son important projet de relance économique. Malgré la controverse, la plupart des États ont plus ou moins imposé des dispositions semblables dans leur plan de relance.

Bien que le négociateur en chef du Québec se veuille rassurant, affirmant que l’entente « vise à diminuer le pouvoir discrétionnaire des émetteurs de contrats et non pas à y mettre fin », il est évident qu’une entente comme celle en négociations avec l’Europe viendrait contraindre substantiellement la marge de manœuvre des provinces en cas de récession économique. D’une part, le gouvernement du Québec ne pourrait plus mettre en place des politiques d’octroi des contrats publics favorisant les entreprises nationales, et ce, même si les fonds publics proviennent des impôts de ces mêmes entreprises et des contribuables québécois. D’autre part, de telles pratiques seraient contraires au principe de non-discrimination puisqu’elles viseraient à soustraire les entreprises étrangères des appels d’offres. En plus, toute politique contribuant à améliorer la balance des paiements serait considérée comme une opération de compensation.

Il convient de se demander si cette concession n’est pas trop importante. Normalement, lorsque deux parties à des négociations s’entendent pour supprimer les droits de douane sur certains produits, la décision ne touche que le commerce bilatéral entre les parties sans affecter la souveraineté économique des États. Dans ce cas, le traité affectera plus que le commerce entre le Canada et l’Europe, car il imposera des contraintes permanentes aux gouvernements subfédéraux dans l’octroi des contrats publics. Considérant la difficulté de renégocier des accords déjà signés – pensons notamment à l’ALENA – la conclusion de l’AÉCG aura un effet quasi irréversible. En fait, selon l’auteur du rapport du Centre for Civic Governance, la seule chose qui soit certaine dans ces négociations est que la souveraineté perdue en matière de marchés publics subfédéraux ne pourra plus jamais être récupérée [4].

Conclusion

L’étude du texte préliminaire de l’accord économique et commercial global entre le Canada et l’UE soulève beaucoup de questions. Si les textes du chapitre sur les marchés publics ne changent pas d’ici la signature de l’entente, l’accord risque d’avoir plusieurs conséquences néfastes sur l’économie québécoise.

Cela étant dit, notons au passage que plusieurs autres points auraient pu être abordés dans le rapport et, en premier lieu, la question de la culture. Des membres de la société civile et les partis d’opposition à Ottawa comme à Québec s’inquiètent de l’avenir de l’« exemption culturelle » à la suite de l’entrée en vigueur de l’AÉCG. Le problème est dû au fait que le Canada, le Québec et l’Union européenne ne partagent pas la même définition de ce qu’est un produit culturel, les Européens ayant une interprétation plus restreinte. Ces préoccupations ont été exacerbées par certaines déclarations faites par certains ministres du gouvernement fédéral, dont le ministre du Commerce international, qui affirment ne pas être préoccupés par la question culturelle.

En somme, si rien ne change, les Québécois et les Québécoises sortiront perdants de ces négociations. Le particularisme du Québec exige un modèle économique qui lui est propre, une stratégie qui n’est pas nécessairement la même que celle du Canada. Le gouvernement québécois ne peut compter sur Ottawa pour défendre ses intérêts et doit donc s’opposer à toutes les dispositions mettant en péril son modèle de développement, ses efforts pour protéger l’environnement, les travailleurs et la prospérité des régions. Il n’est pas trop tard pour corriger le tir et modifier le texte de l’accord canado-européen, mais une forte volonté politique s’impose.

______________________________________________

[1]  Canada-EU Comprehensive Economic and Trade Agreement: Draft consolidated text, as of January 13, 2010, p. 207.
[2]
  Notre traduction de : « 1. A procuring entity shall not prepare, adopt or apply any technical specification or prescribe any conformity assessment procedure with the purpose or the effect of creating unnecessary obstacles to international trade. »
[3]
 Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La performance environnementale des marchés publics: vers des politiques cohérentes. Paris : Organisation de coopération et de développement économiques, 2003, p. 172.
[4]
  Steven Shrybman, Municipal Procurement Implications of the Proposed Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) between Canada and the European Union. Vancouver : Centre for Civic Governance, mai 2010, p. 6.

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