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Sommaire
Volume 4, no 2
Exploitation durable des ressources naturelles : notes de réflexion

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Exploitation durable  des ressources naturelles : notes de réflexion [1]


Robert Laplante
Directeur général de l’IREC


Il faut se méfier des généralités. Les débats des années récentes ont souvent porté sur les «  ressources naturelles » en général, en y accolant deux idées : la première, hélas trop familière, évoque la spoliation, la déprédation au profit de grandes multinationales; la seconde évoque surtout les biens collectifs qui devraient profiter à tous. Comme c’est la plupart du temps le cas, ces généralités ne sont pas sans fondement, mais leur usage ne permet guère de faire avancer les débats ni la connaissance. Il ne s’agit pas d’inverser les pôles pour penser un nouvel espace pour définir une problématique de l’exploitation durable des ressources naturelles. C’est un fait, les Québécois sont les propriétaires de ces ressources et c’est un fait également que leur gouvernement s’est, malheureusement, souvent comporté en fiduciaire indolent au point de laisser les grandes entreprises fixer les paramètres des modèles d’exploitation. Pour renverser le cours des choses, cependant, il ne suffira pas de s’orienter vers des formules où l’accroissement du rôle de l’État ou encore l’établissement de son monopole pour que puisse se mettre en place une autre façon de faire les choses. L’exploitation durable des ressources naturelles doit se faire en combinant les efforts de redéfinition aussi bien de l’intérêt national que de la transformation du productivisme dans un nouveau paradigme économique.

On peut identifier au moins trois avenues dans lesquelles doit s’engager  la recherche des alternatives : la redéfinition du rôle de l’État, la création de nouveaux outils d’intervention et de financement et enfin le développement d’une politique industrielle s’appuyant sur une stratégie d’occupation du territoire. Pour aborder ces questions, un préalable s’impose, il faut bien saisir l’hétérogénéité et la diversité des ressources naturelles pour y asseoir les fondements de la réflexion.

1. Ressources non renouvelables et richesse de remédiation

Réfléchissant à la mise en valeur et à l’utilisation responsable  des ressources, il importe de faire une distinction de base entre les éléments de la nature utilisés dans la production en distinguant les ressources renouvelables et les ressources non renouvelables. Cette distinction, en apparence triviale, joue cependant un rôle fondamental lorsqu’il question de concevoir et appliquer des politiques publiques. En effet, elle dresse  les obligations d’équité intergénérationnelle aussi bien que les exigences éthiques du modèle d’exploitation.

L’exploitation des ressources non renouvelables, en effet, pose  une exigence qui n’a pas toujours été prise en compte mais qu’il n’est plus question d’ignorer : exploiter une ressource non renouvelable constitue toujours une aliénation du patrimoine collectif. La ressource exploitée n’étant plus disponible pour les générations suivantes, il importe donc que son exploitation ou, du moins, les bénéfices de son exploitation, comportent une fonction de compensation. Il faut que le modèle d’exploitation permette la création d’une richesse de remédiation envisagée et conçue pour laisser aux générations futures des moyens sinon égaux, du moins équivalents pour se développer sans avoir à leur disposition les ressources aliénées. Cela suppose qu’un choix de société doit être clairement posé : il faut refuser ou, à tout le moins, réserver à la portion congrue la «  rente sociale » tirée de cette exploitation. Exploiter une ressource  non renouvelable pour se payer de meilleurs services ou pour réduire les impôts, c’est s’enfermer dans un présentisme qui, littéralement, rétrécit l’avenir de ceux qui viennent après.

Une exploitation responsable des ressources non renouvelables renvoie nécessairement au choix délibéré de conduire ce qu’Éric Pineault a qualifié récemment de « rente de transition » [2]. Dans son texte Pineault fait référence aux enjeux posés par l’exploitation du pétrole mais c’est à l’ensemble des ressources non renouvelables qu’il faut étendre les quatre conditions qu’il pose : 1) démontrer la rentabilité économique et la viabilité environnementale; 2) s’assurer de la prédominance de la propriété publique dans l’exploitation; 3) mettre en place des mesures de lutte à l’effet hollandais par la création d’un fonds souverain sur le modèle norvégien et par une stratégie de soutien à la diversité économique et 4) orienter les moyens vers le financement de la transition. La richesse produite peut être accumulée sous forme d’un fond souverain visant deux objectifs complémentaires : d’une part, l’accumulation d’un patrimoine financier, et d’autre part, l’utilisation de son usufruit (son rendement) pour financer le changement de base énergétique, la décarbonisation de l’économie, la seule voie de remplacement susceptible d’élargir les possibles pour les générations futures et préserver la santé globale de l’environnement.

Applicable au cas de l’exploitation minière, cette exigence ouvre deux voies d’intervention : le financement de la restauration des sites et la constitution d’un fonds de soutien à la diversification économique. Par définition, une mine a une durée de vie limitée : limitée par la quantité forcément finie de minerai; limitée et ponctuée par les conditions de rentabilité de son exploitation. On le sait, le passif environnemental des sites orphelins est énorme : les coûts estimés de restauration sont estimés à plus d’un milliard. L’industrie refuse toujours de se reconnaître une quelconque responsabilité envers le passé. Il faut s’assurer que ses activités présentes ne ruineront pas l’avenir et prévoir immédiatement un mode de redevance qui va permettra d’accumuler les capitaux nécessaires pour effectuer la restauration à partir de la richesse tirée des mines et non pas d’un effort supplémentaire des contribuables, ce qui veut dire en comprimant le plus possible le détournement des redevances vers la  rente sociale et en rendant conditionnelle l’autorisation de tout nouveau projet à la constitution d’un fonds de restauration spécifique à  chaque mine.

2. Ressources stratégiques et occasions d’affaires

Ainsi donc au fondement de la réflexion se pose le principe de l’équité intergénérationnelle. Sur le plan opérationnel, la manière et les occasions de faire l’exploitation dans le respect de cette exigence éthique doit se définir en référence à un critère de discrimination déterminant. On pourra reconnaître que ce critère pourra bouger dans le temps et selon les priorités à établir, mais il faut pouvoir juger des orientations du développement en fonction du caractère stratégique ou spécifique de l’exploitation de telle ou telle  ressource pour l’économie du Québec. À cet égard, les ressources naturelles ne sont pas toutes d’égale valeur pour le développement et la pertinence de leur exploitation reste toujours relative.

Si tous les projets d’exploitation ont des retombées économiques, toutes les ressources n’ont pas nécessairement le même potentiel structurant pour l’économie nationale ou pour les économies régionales et locales. Nous proposons donc une grille d’analyse qui permettrait de tenir compte de deux séries de paramètres : d’une part un axe pour distinguer les projets selon qu’il s’agit de ressources renouvelables ou non-renouvelables; d’autre part un axe qui permet la prise en compte d’une série de paramètres empiriques (Faune, Forêt, Eau, Mines, Terres, Vent) ou évaluatifs (Stratégique, Spécifique). Cette grille, peut être déclinée ensuite pour chaque produit ou sous-produit et servir à l’évaluation des politiques, au niveau global, et à l’évaluation des projets au plan local. On comprendra qu’on peut évidemment y ajouter des paramètres, l’intérêt étant ici d’insister sur la nécessité de réfléchir simultanément sur les deux axes.

Déjà un consensus relativement large est formé au sujet de l’amiante. Disponible ou pas, le minerai n’est ni stratégique ni même une occasion d’affaires acceptable, les risques qu’il représente pour la santé le disqualifie. Le débat autour de l’exploitation de l’uranium n’est pas vraiment fait, il faudra pourtant rapidement se fixer des balises puisque déjà d’importants projets d’exploration sont en cours. Dans l’évaluation du caractère stratégique toute une série de critères peuvent être alignés et parmi ceux-ci, évidemment ceux de la santé humaine et du risque environnemental tiennent une place centrale, ce qui plaide en faveur du refus d’exploiter l’uranium.

On comprendra que le cœur de toute politique d’exploitation d’une ressource se situe du côté de sa pertinence du point de vue stratégique. Dans l’état actuel du développement du Québec, cela signifie des choix axés sur le renouvellement de la base énergétique afin d’élargir le potentiel entrepreneurial au service de la diversification de l’économie. Cela ne veut évidemment pas dire que certains projets, n’ayant pas ou peu de pertinence stratégique, ne devraient pas être considérés. Il faut cependant que dans leur évaluation ce soient les considérations stratégiques qui fournissent les valeurs de pondération. Un projet n’est donc pas seulement une occasion d’affaires et son acceptation renvoie à une délibération qui repose d’abord sur une vision du développement (local, régional ou national) qui détermine les conditions d’accueil de l’investissement et de l’initiative des promoteurs. Ce n’est pas seulement ici une question d’acceptabilité sociale, c’est une affaire de contrôle du développement.

Dans le cas des ressources non renouvelables, il faut privilégier celles qui ont le plus fort potentiel structurant. Du côté minier cela pointe du côté du fer, du nickel et du cuivre, pour lesquels il est possible et souhaitable d’allier l’exploitation à des exigences de transformation. L’exploitation de l’or, par exemple, n’a que très peu de potentiel structurant, c’est d’abord une occasion d’affaires fluctuant au gré du marché, la chaîne de valeur de la transformation étant courte et déjà structurée d’une manière qui laisse peu de place à de nouveaux acteurs. Les choses sont différentes pour les minerais essentiels au déploiement des technologies de point : lithium, terres rares etc., où les chaînes de valeur sont en train de se former.

L’effort le plus prometteur à court terme est à porter du côté des ressources renouvelables. Le concept qui rend le mieux compte des fondements sur lesquels il faut l’asseoir est celui de gestion patrimoniale que j’ai élaboré ailleurs [3]. Il s’agit, dans ce cas, de placer au fondement de ces politiques l’objectif de maintenir – ou dans certains cas, d’élargir le patrimoine naturel – en s’assurant de modes d’exploitation qui ne prélèvent qu’une partie du rendement naturel de manière à s’assurer d’une reproduction pérenne. Qu’il s’agisse de la forêt, de la faune, de la terre ou de l’eau potable, la gestion patrimoniale signifie la conception de politiques dont le centre de gravité se situe du côté de l’offre et non pas du côté de la demande. Ainsi, par exemple, une politique forestière doit-elle être conçue pour sortir de la seule logique d’approvisionnement des usines et de rentabilisation des investissements. La gestion patrimoniale de la forêt suppose d’inverser le rapport traditionnel de l’évaluation : au lieu de se demander ce que vaut la forêt pour un éventuel promoteur, il s’agit de se demander quelles sont les conditions à réunir pour obtenir une valeur optimale de la forêt disponible selon ses caractéristiques et les objectifs économiques poursuivis.

On se demandera, par exemple, quelle est la meilleure captation de valeur pour un boisé d’érable : le considérer et l’entretenir d’abord pour l’acériculture ou pour le sciage d’un bois noble ? On comprend évidement que les termes ne sont pas nécessairement antinomique et qu’il est possible d’envisager des usages mixtes permettant d’optimiser la valeur produite en tenant compte d’autres aspects comme la création d’emploi, le maintien du paysage et de la biodiversité. Cette façon de voir est forcément ancrée dans une connaissance fine du territoire et elle implique un mode de gestion décentralisée. Un mode de gestion qui associe également l’ensemble des parties prenantes et pas seulement les industriels, les usagers consommateurs de la ressource. Cela se distingue des approches conventionnelles de l’approche des usages multiples qui reste centrée sur la conciliation et l’arbitrage des usages plutôt que sur la production globale de la valeur optimale, sans que ne prédomine un seul acteur dont la présence hégémonique induit de l’asymétrie dans le processus de mise en valeur.

Toujours dans le domaine forestier, il est peu probable que le nouveau Régime forestier qui doit rentrer en vigueur l’an prochain puisse satisfaire aux exigences d’une telle approche. Ce régime est resté prisonnier de l’ancien paradigme. Le gouvernement libéral n’est pas parvenu à faire un choix clair en faveur des voies de l’avenir. Il a plutôt cherché à préserver les conditions de prolongation du statu quo et il est demeuré à la remorque des plans d’affaires des industriels existants.  Sa philosophie générale reste celle de l’approvisionnement des industriels existants et il n’y a peu de place pour l’innovation, même si la mise aux enchères de 25% de l’approvisionnement veut servir cet objectif.

 En effet, il est peu probable que cela permette l’entrée massive de nouveaux acteurs dans le domaine, l’enchère risquant plutôt d’accroître la concurrence entre les joueurs existants et ne servant, à toutes fins utiles, qu’à redistribuer les volumes et à changer les parts de marché. Le nouveau régime ne fait pas seulement que rendre possible la délocalisation du bois d’une région à l’autre, il renforce la concurrence pour l’approvisionnement plutôt que de stimuler l’émulation pour la meilleure optimisation du potentiel des territoires où les volumes seront prélevés, condamnant, à coup sûr, des communautés à voir se réduire leur capacité d’utiliser la forêt pour se donner ou élargir leur base entrepreneuriale. Dans ce cas, malgré les attentes, le projet de Forêt de proximité ne sera qu’une mesure de mitigation et non pas un levier de développement.

Lors d’un colloque tenu au dernier congrès de l’ACFAS, j’ai évoqué la possibilité de pallier, du moins temporairement, aux lacunes du projet actuel de Forêt de proximité. Elle reposait sur le scénario d’une Politique de l’artisanat forestier qui viserait à soutenir et encourager le développement de projets qui auraient pour effet de diversifier et d’élargir la base entrepreneuriale des communautés. Cette politique impliquait par contre, premièrement, d’offrir les moyens aux projets d’exploitation des boisés, visés par le programme de Forêt de proximité, et deuxièmement de les définir sur une autre échelle et dans une autre approche que dans celle qui sous-tend le régime, à savoir la logique d’approvisionnement et de volumes requise par la structure industrielle existante. Une telle loi permettrait, au moins à court terme, d’expérimenter de nouvelles approches, le temps de réviser un Régime forestier qui donne, avant même son entrée en vigueur, des signaux de plus en plus inquiétants  sur son potentiel de renouvellement de la structure industrielle actuelle centrée sur le modèle d’intégration sciage-papetière.

Il ne faudrait pas que le Québec manque le prochain rendez-vous forestier, celui qui vise désormais à concevoir la forêt dans un espace entrepreneurial beaucoup plus riche et complexe que celui dans lequel l’industrie papetière l’a figé. Les avenues de la xylochimie, de la sylviculture intensive, de l’exploitation énergétique de la biomasse, ne sont que quelques-unes des possibilités sur lesquelles il est d’ores et déjà possible de miser pour développer des chaînes complètes de captation de valeur. Mais ces avenues, pour l’instant, restent plus virtuelles que possibles, puisque les choix de fonder la réforme forestière sur les besoins d’approvisionnement des industriels existants soumettent le développement à leur seul choix  d’investissement.

3. Le rôle de l’État

C’est devenu un lieu commun : il faut rebâtir l’expertise de l’État. Dix ans de compression budgétaire et de préférence pour le laisser-faire ont fait d’énormes dégâts. Le cas du pétrole et du gaz a bien été illustré par la crise du gaz de schiste mais il est bien peu probable que cela soit le seul. Il faut espérer que la nouvelle ministre établisse le diagnostic rigoureux et prenne les mesures appropriées.

En matière de développement industriel, il faut impérativement que l’intervention de l’État soit structurée autour de l’accroissement de la capacité de recherche et d’innovation. Le soutien au transfert technologique en ces matières est absolument essentiel. Les discours sur la deuxième transformation sont devenus de véritables incantations. D’un côté on sait que plusieurs joueurs actuels, dans le cas des forêts, refusent d’investir et que des promoteurs ont d’énormes difficultés à entrer dans leurs secteurs de prédilection en raison des biais du régime forestier qui donne une dangereuse rigidité à la gestion des approvisionnements et à l’accès à la matière première. Pour ce qui est du secteur minier, les modèles d’affaires des industriels existants posent des contraintes qui ne sont pas faciles à surmonter, mais dont une politique rigoureuse et exigeante pourrait venir à bout.

Il faudrait faire une distinction nette entre les interventions portant sur les ressources jugées stratégiques et les projets spécifiques renvoyant à des occasions d’affaires ponctuelles. L’État devrait être un partenaire majeur dans tous les dossiers portant sur l’exploitation de ressources stratégiques. Plus clairement, il faut que dans tous les cas de ressources non renouvelables, l’intervention de l’État soit le meilleur moyen de s’assurer que la plus grande part de la richesse produite le soit au bénéfice des véritables propriétaires, les Québécois d’aujourd’hui et de demain. Ainsi, il faudrait concevoir une répartition des moyens entre la création d’un Fonds de mise en valeur et les programmes de soutien à l’industrie. Les premiers ne serviraient qu’aux interventions stratégiques et les programmes seraient réservés aux projets spécifiques. Il faut évidemment rappeler que leur évaluation devrait néanmoins être faite de manière à s’assurer que ces projets n’interfèrent pas ou ne créent pas de distorsions dans la réalisation des objectifs stratégiques.

4. De nouveaux outils d’intervention

L’intervention de l’État ne doit pas obligatoirement signifier sa participation financière exclusive. Il faut redéfinir le rôle des réservoirs de capitaux dans la poursuite des objectifs économiques. À cet égard, les formules de participation mixte ouvrent très certainement des perspectives intéressantes. D’énormes capitaux – on pense en particulier à ceux des compagnies d’assurance ou encore aux diverses caisses de retraite – pourraient en partie être consacrées aux investissements stratégiques dans les divers secteurs des ressources naturelles. Comme cela ne se fait pas spontanément, en partie parce que la gestion est confiée à l’extérieur du Québec, en partie parce que les modèles d’investissement restent prisonniers des logiques de la financiarisation, il faut envisager des interventions législatives établissant des paramètres de placement. On pourrait aussi penser à des mécanismes d’appels d’offres pour tous les acteurs des secteur publics et parapublics qui pourraient associer exigence de placement orienté et condition d’admissibilité comme soumissionnaires. Les accords de libre-échange et les normes du commerce international rendent compliquées ces approches, mais elles ne sont pas impossibles. N’auraient-elles qu’une efficacité partielle, qu’on pourrait néanmoins compter sur des centaines de millions de dollars qui pourraient être injectés dans des projets structurants.

5. Politique industrielle et occupation du territoire

Par définition, les ressources naturelles sont des ressources territorialisées. Les interventions stratégiques dans les divers secteurs  ne peuvent être dans la seule logique sectorielle. Les modes d'exploitation, le rythme de développement des projets doivent intégrer les paramètres touchant l’occupation du territoire.  Cela a été évoqué dans le cas des mesures touchant la Forêt de proximité. Il est de première importante que les investissements et le développement se fassent en accordant une importance primordiale – ce qui ne veut pas dire exclusive – au développement local, à l’élargissement ou au renforcement de leur base entrepreneuriale et de leur structure économique. L’exploitation forestière s’inscrivant dans un modèle de gestion patrimoniale place cette conciliation des logiques sectorielles et territoriales au cœur de ses processus décisionnels.

Il devrait en être de même pour le secteur minier. Les impacts des cycles, on le sait, peuvent être dévastateurs sur la vie des collectivités. Murdochville, Shefferville, Asbestos et tant d’autres Malartic devraient suffire à nous le rappeler. Les choix annoncés dans le cadre du Plan Nord de développer les projets miniers sur le modèle du navettage (fly in/fly out) et du camp de travailleurs sont à cet égard à réévaluer radicalement. On ne peut traiter de projets stratégiques en laissant la réalité territoriale et du peuplement comme une simple variable de contexte. On ne peut laisser le développement faire voler des avions remplis de travailleurs étrangers survoler des villages et petites villes déclinantes et s’imaginer construire une prospérité durable.

Les débats sur les redevances ont porté, pour l’essentiel, sur le niveau jugé adéquat. Pourtant, l’allocation de ces redevances est aussi une question cruciale. Orientées en partie vers le soutien à la diversification économique des communautés riveraines, ces redevances doivent aussi en partie servir à accroître l’autonomie des instances locales et régionales. Un modèle de péréquation s’impose ici dont les contours restent à déterminer.

Conclusion

Les développements esquissés ici suffisent sans doute à le démontrer, le travail à faire est considérable avant d’arriver à une politique des ressources naturelles en phase avec les défis du 21e siècle. Il est essentiel de rappeler en terminant que cette politique ne réussira qu’à la condition d’être placée sous le signe de la connaissance. C’est par le développement de la recherche, par l’optimisation des moyens de transfert technologique et par la formation de la main-d’œuvre à tous les postes de travail que réussira cette politique.

Tous les secteurs des ressources naturelles n’ont pas le même potentiel et certains ont des effets structurants plus importants, mais tous doivent être soumis aux mêmes impératifs d’action sur les déterminants de la productivité, à commencer, bien sûr, par ceux de la compétence. Les effets structurants d’une filière minérale, par exemple, peuvent se faire sentir bien loin des lieux d’extraction et s’ils se réalisent c’est parce que les boucles de rétroaction opèrent sur des échanges riches entre les divers acteurs. La qualité d’une bonne politique reposera sur sa capacité à susciter l’émergence de cercles vertueux qui passeront de la métropole aux régions, d’un secteur d’exploitation à toutes les composantes de la chaîne de valeur. Ces cercles vertueux ne sont possibles qu’à la condition que tous les acteurs puissent réaliser leur potentiel en tant que partie prenantes d’une prospérité qui doit profiter à tous les propriétaires de ces ressources, à tous les citoyens du Québec d’aujourd’hui et de demain.

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[1]  Le présent texte n’est qu’un matériau destiné à soutenir la discussion dans un travail en cours. Il est forcément incomplet et à plusieurs égards trop approximatif. Il est difficile de tirer des lignes générales alors que les approches doivent être différenciées et adaptées à la diversité des exigences de chaque secteur. Il est ici soumis afin de nourrir les échanges en vue de bonifier un éventuel travail de rédaction plus achevé.
[2]  Éric Pinault, Pétro-économie québécoise : les risques. Le Devoir 23 novembre 2012
[3]  Robert Laplante, L’expérience de Guyenne. Guyenne Corporation de développement de Guyenne, 1994.

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