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Volume 4, no 2 |
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Les services publics au Québec |
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Pour télécharger le fichier pdf, cliquez ici Les services publics au QuébecGabriel Ste-Marie Professeur au Cégep de Joliette et chargé de cours à l'UQÀM Chercheur à l’IREC
Les individus et les entreprises paient des taxes et impôts, et reçoivent en échange des services. Notre étude évalue l’ampleur des services reçus. Elle calcule ensuite qui reçoit ces services pour, enfin, détailler cette évolution au cours de la dernière décennie. L’ampleur des services publics est considérable. En 2007-2008, les Québécois ont reçu 128,1 milliards de dollars en services publics. C’est 37 312 $ par ménage ou 16 668 $ par individu, enfants compris. Si, d’un côté, nous payons des impôts et des taxes, nous recevons en retour des services. La valeur de ces services publics représente l’équivalent de 68% des revenus gagnés par les Québécois. Comme l’indique le tableau 1, les services sociaux forment la première catégorie. Ils représentent un montant de 5 492 $ par personne. Dans cette catégorie, on retrouve, entre autres, les prestations de retraite, l’assurance-emploi, les mesures de soutien aux personnes âgées et autres, les CPE, la CSST et la SAAQ.
La santé constitue la deuxième catégorie avec une moyenne de 3 095 $ par individu. L’éducation est la troisième catégorie, avec 2 649 $ per capita. Contrairement à l’idée reçue, les services de santé n’accaparent pas la moitié des dépenses du gouvernement. En fait, ils représentent seulement 17% de la valeur des services publics. Nous prenons en compte l’ensemble des niveaux d’administrations, pas seulement le niveau provincial. De plus, notre méthode exclut la double comptabilisation. Par exemple, une part des dépenses en santé du provincial est financée par un transfert provenant du gouvernement fédéral. Les deux niveaux d’administration affichent des dépenses en santé qui, dans les faits, se recoupent. Une autre catégorie, la protection, inclut la police, le système judiciaire et la défense nationale. Un montant de 1 389 $ par personne y est alloué. Dans la catégorie transports et communication, la somme est de 810 $. Enfin, la valeur de l’ensemble des autres services s’élève à 3 232 $ par personne. On y retrouve la culture, l’environnement, la recherche et développement, l’aide au logement, l’immigration, l’aménagement des régions et l’aide aux entreprises. Notre recherche ne tient pas compte de l’effet multiplicateur keynésien et n’évalue pas ce que le même service aurait coûté dans le secteur privé. Toutes nos données proviennent de Statistique Canada et portent sur l’année 2007-2008, la plus récente pour les données révisées. La méthode retenue est celle des économistes chercheurs Hugh Mackenzie et Richard Shillington utilisée dans leur étude. Pour obtenir la valeur totale des services, nous avons additionné les dépenses locales, provinciales et la part dépensée par le fédéral au Québec. Nous ne calculons pas les intérêts payés sur la dette, mais le reste des dépenses est comptabilisé comme services publics. Le poste le plus controversé est l’aide aux entreprises. Bien allouée, elle peut augmenter l’emploi et représenter un service pour les ménages. Si elle a seulement pour effet d’accroître les profits, ce n’est plus alors un service aux ménages. Réduire les écarts de richesse par la distribution des services publics Une fois l’ampleur des services publics établie, nous avons évalué à qui ils bénéficient. Nous avons classé les ménages, selon leurs revenus, dans cinq quintiles. Premier constat. Comme l’indique le tableau 2, les services publics profitent à tous. Par exemple, un individu du cinquième quintile, le plus riche, reçoit en moyenne 14 732 $ en services.
Deuxième constat. Les services publics permettent une redistribution de la richesse, dont bénéficie particulièrement le premier quintile, le plus pauvre. Un individu de ce quintile reçoit en moyenne 27 483 $ en services, soit 10 050 $ de plus que celui du deuxième quintile et qui s’établit à 17 433 $. L’individu du troisième quintile reçoit en moyenne 16 179 $ et pour le quatrième quintile, le montant est de 14 261 $, soit un peu moins que le cinquième. Les quintiles inférieurs reçoivent davantage de services sociaux et de santé, notamment parce qu’on y retrouve plus de retraités. Les deux tiers (66,2%) des revenus des ménages du premier quintile proviennent de revenus de transferts, comme les rentes de retraite. Pour le deuxième quintile, c’est 37,7%, et pour l’ensemble de la population, c’est 14,3%. Lorsqu’un tel recoupement n’était pas disponible, nous avons pris la variable la plus corrélée possible. Par exemple, nous retenons le nombre de visites à l’hôpital pour ventiler les soins hospitaliers. L’éducation primaire et secondaire est ventilée en fonction du nombre d’enfants de cinq à dix-sept ans dans le ménage. Enfin, lorsqu’il n’est pas possible d’attribuer la dépense à des individus en particulier, comme dans la catégorie protection, nous l’avons distribuée au prorata de la population. L’aspect redistributif des services publics s’observe aussi lorsqu’on examine la fiscalité. La Base de données du Modèle de simulation de politiques sociales (BD/MSPS) de Statistique Canada donne le taux global de taxation de chaque ménage. Cette statistique calcule l’ensemble des impôts, et les diverses cotisations et taxes que les ménages versent aux niveaux provincial et fédéral. Le taux global est de 29,7% et est progressif. Il varie entre 17,3% pour le premier quintile à 34,1% pour le cinquième. Pour les 10% des ménages les plus riches, soit le dernier décile, il est de 36,8%. Pour le 1% le plus riche de la population, il s’établit à 37,4%, un pourcentage pas très éloigné du taux moyen. On est donc loin du mythe selon lequel la moitié de nos revenus iraient à l’État! Si les revenus élevés paient davantage d’impôt, c’est que leur taux d’imposition est plus élevé, mais aussi parce que la richesse se concentre entre leurs mains. Par exemple, 1% de la population verse 11,0% des impôts et des taxes, mais s’accapare 8,7% des revenus. Le dernier décile contribue à hauteur de 37,1%, mais encaisse 31,3% des revenus. On peut affirmer que le taux global d’imposition est progressif parce que la part d’impôt payée par les quatrième et cinquième quintiles dépasse leur part de l’ensemble des revenus, alors que, pour les trois premiers quintiles, c’est l’inverse. Les baisses d’impôts de la dernière décennie ont réduit l’effet redistributif de l’État Au cours de la dernière décennie, les différents gouvernements, tant au fédéral qu’au provincial, ont procédé à des baisses d’impôts et réduit les prestations de services publics. Ils justifient ces compressions par les économies réalisées par chaque ménage, mais ils passent sous silence la diminution des dépenses publiques qui en résulte. Le problème est que les baisses d’impôts et de taxes profitent davantage aux mieux nantis, alors que les réductions de services touchent davantage les ménages à faibles revenus. L’effet net est une réduction importante du rôle de redistribution de l’État. C’est ce que montre le tableau 3.
Par exemple, un ménage du premier quintile verse 226 $ de moins en impôts et taxes, mais reçoit 2 659 $ de moins en services. L’impact net représente une perte de 2 433 $. Les ménages du deuxième quintile perdent en moyenne 1 515 $ et l’impact pour ceux du troisième est une perte de 841 $. Les baisses d’impôts et taxes des ménages du quatrième quintile sont supérieures aux réductions de services qui les affectent, pour un gain de 473 $. Les véritables gagnants sont les ménages du quintile le plus riche. Ils perdent une valeur de 2 577 $ en services, mais sont largement compensés par les gains réalisés par la baisse globale de taxation, qui s’élève à 7 015 $. Au net, ils sortent gagnants avec 4 438 $ de plus dans leurs poches. Les femmes et les services publics La recherche a aussi permis de ventiler l’ampleur des services publics en fonction du genre. Les services publics permettent aussi de réduire l’écart de revenus entre les sexes. C’est une bonne chose puisque encore aujourd’hui, le revenu total avant impôt des femmes ne représente que 71,6% de celui des hommes. En moyenne, chaque femme reçoit 17 132 $ en services publics, soit 1 215 $ de plus que les hommes. Elles reçoivent plus en services sociaux et en santé. L’écart dans cette dernière catégorie s’explique notamment par les soins entourant la natalité. Les entreprises et les services publics Il est évident que les entreprises tirent aussi avantage des services fournis par l’État. Contentons-nous de mentionner le réseau routier, les forces policières, le système judiciaire et, évidemment, les subventions. En ayant accès à une main-d’œuvre productive parce que bien formée, les entreprises bénéficient aussi des services en éducation. Il en va de même pour la santé. En plus de profiter d’une main-d’œuvre en santé, elles font l’économie, par exemple, des cotisations aux assurances privées que les entreprises situées aux États-Unis doivent verser. C’est le genre d’indicateurs que retient la firme KPMG dans sa publication Choix concurrentiels. En mesurant 26 facteurs-coûts, le document évalue chaque année dans quels pays et dans quelles villes les entreprises ont les coûts de démarrage et d’exploitation les plus intéressants. Encore en 2010, trois villes québécoises arrivent premières pour la région nord-est des États-Unis et du Canada. La Banque mondiale publiait récemment une étude préparée avec la firme PricewaterhouseCoopers (Doing Business, 2011) qui montre que le régime fiscal canadien est le plus favorable aux PME des pays du G8 et l’un des plus généreux du monde. Dans une autre brochure, cette firme vante les crédits d’impôt qu’offrent les administrations canadiennes aux entreprises qui ont des projets en recherche et développement. C’est au Québec qu’ils sont les plus élevés. Pour chaque tranche de 100 $, une entreprise peut se voir rembourser plus de 70 $. Il est certes important de stimuler la recherche. Le problème est que, souvent, les entreprises inscrivent des dépenses ordinaires dans ce créneau. Il n’est donc pas étonnant de constater qu’au Québec, les subventions versées aux entreprises dépassent les impôts directs qu’elles versent à l’État. Les entreprises québécoises jouissent d’un régime fiscal pour le moins généreux et, comme pour les ménages, profitent des services publics. L’objectif de notre recherche a été de mettre des chiffres sur la valeur des services publics que la population du Québec reçoit, qui contribuent à son bien-être et qui sont trop souvent ignorés. L’étude a également illustré la redistribution de la richesse opérée par ces services. Enfin, nous avons pu constater comment les baisses d’impôts et de services publics de la dernière décennie ont grandement affecté le rôle de redistribution de l’État. |
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