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Sommaire
Volume 3, no 2
Développement minier : un virage s'impose

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Développement minier : un virage s’impose


Denis L’Homme
économiste et ingénieur, ancien sous-ministre à l’Énergie, MCN21


S'il est une chose qui semble faire consensus dans les présentations des conférenciers précédents, c'est que le modèle de développement du secteur minier en vigueur au Québec est dépassé et qu'un virage important s’impose. Qu'il s'agisse des règles d'attribution des «claims», des droits obtenus par les entreprises aux termes de ces «claims», des redevances perçues par le gouvernement au stade de l’exploration ou de l'exploitation, des modèles de propriété et de gouvernance, des conditions d'abandon de sites miniers, les attentes de larges segments de la population se sont considérablement accrues, en proportion de la sensibilisation de plus en plus grande aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux que représente l'industrie des ressources naturelles au Québec.

Je crois que les Québécois sont redevables au dossier des gaz de schiste et à son industrie brouillonne pour cet éveil. La tentative de l'industrie, appuyée sans réserve par le gouvernement, de prendre la population des basses terres du Saint-Laurent de vitesse s'est, au final, révélée positive pour la population en général puisqu’elle a généré un niveau de mobilisation citoyenne sans précédent. Qui, dans les régions urbanisées du Québec se serait soucié et indigné des pouvoirs exorbitants de la loi sur les mines, la deuxième loi en importance au Québec après la loi divine comme l'a déjà dit Hugo Lapointe, si les forages, les fuites de gaz, l'utilisation de recettes secrètes de produits chimiques et de quantités phénoménales d'eau douce s'étaient déroulés dans les régions traditionnelles de l'activité minière ? Qui se serait indigné du 0,10$ l'hectare obtenu par le Québec en échange des droits d'exploration comparé aux 1000$ et plus ailleurs au Canada ?

Les Québécois s'attendent maintenant à plus que les promesses de création d'emplois reliés à la mise en valeur des ressources du territoire québécois. Ils veulent participer à la création de la richesse qui y est associée. Ils ont pris conscience également de la signification de ressources non renouvelables et veulent que leur mise en valeur laissent des traces, non seulement environnementales, comme c'est le cas avec les sites orphelins, mais surtout économiques pour les générations futures.

On a été impressionné par la prise de position des Métallos la semaine dernière qui s'opposent désormais au modèle de développement basé sur la production et l'exportation des ressources à l'état brut, sans transformation locale et à l'importation de main-d’œuvre étrangère temporaire. Il serait tout à fait inacceptable que les grandes multinationales étrangères débarquent avec leur main-d’œuvre et repartent avec minerais brut et main-d’œuvre, une fois le sous-sol dépouillé de ses ressources. Peut-on imaginer un instant une société américaine, par exemple, débarquer chez nous avec son personnel pour aménager une rivière et construire une ligne pour transport d'électricité jusqu'à chez eux. C'est un peu ce qui risque d'arriver dans certains projets du Plan Nord si le Québec ne se montre pas plus exigeant.

Le commerce international du Québec

Un des angles sous lequel on peut juger de la vigueur et de la santé d'une économie est son commerce extérieur. C'est ce que j'ai fait en analysant les données des années 2001 à 2010 produites par l'Institut de la statistique du Québec.

Globalement, on apprend que le Québec, qui affichait un solde positif d'environ 7 milliards $ au début de la décennie, est passé au rouge à partir de 2004 et la situation s'est continuellement aggravée depuis, au point où en 2010, le Québec importait pour 17  milliards $ de plus qu'il n'exportait (76,6 milliards $ d'importations pour 59,2 milliards $ d'exportations).

 

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Les importations

Et qui est au premier rang de nos importations ? Le pétrole. De 7,8 milliards $ en 2001, elles sont passées à 12 milliards $ en 2010 après avoir atteint un pic de 17,2 milliards $ en 2008. Il s'en trouvera peu, j'en ai la conviction, pour soutenir que les importations de pétrole vont coûter moins cher dans l'avenir.

Si l'on ajoute les 2 milliards $ que nous coûtent les importations de gaz naturel de l'Alberta, on n’est pas loin d'égaler notre déficit commercial. La deuxième catégorie en importance, je ne vous étonnerai pas, ce sont les voitures et véhicules automobiles légers: 8,6 milliards $ en 2010.

 

tableau1

Les exportations

Regardons maintenant ce que le Québec exporte.

tableau2

Lorsqu'on prend les 25 plus importants produits exportés, en valeur, 6 sont des produits sous forme brute, en commençant par l'aluminium qui arrive au tout premier rang. On trouve aussi parmi les 25 principaux produits, le cuivre, l'argent et le minerai de fer sous forme brute ou à peu près. En fait, dans ces 25 produits qui représentent 41% des exportations totales, je ne retrouve qu'un domaine, celui de l'aéronautique, où l'on peut dire que les produits possèdent une importante valeur ajoutée. En effet, les avions, moteurs d'avion, simulateurs de vol occupent le deuxième rang en importance dans la valeur de nos exportations. Mais ce n'est que quelque 5,5 milliards $ sur les 24 milliards $ que représentent les 25 produits en question.

Que tirer de ces chiffres ?

D'abord, que nos importations d'hydrocarbures non seulement nous empoisonnent mais nous ruinent. Ensuite, qu'ils ajoutent à l'importance, pour ne pas dire à l'urgence, d'insister pour que nos ressources naturelles soient transformées ici. Déjà, avec l'octroi récent de 825MW (la moitié de la production finale de La Romaine, c'est pas rien. En fait, c'est encore pire puisque les alumineries fonctionnant à près de 100% de la puissance maximale, c'est plutôt 70% de l'énergie produite par La Romaine qu'on vient de leur consentir pour 25, 30 ans) à bas tarif aux alumineries, sans engagement ferme de transformer le métal ici, c'est 800 000 tonnes d'aluminium brute que l'on risque d'ajouter à nos exportations. Et que dire des projets qui font partie du Plan Nord ? On avance des chiffres de 100 à 200 milliards $ de production de minerai de toutes sortes au cours des 25 prochaines années. Allons-nous permettre que cela soit tout simplement chargé sur des bateaux pour être transformé à l'étranger ? On ne produit pas de bananes au Québec mais l'épithète de république de bananes pourrait fort bien s'appliquer à nous si on laisse « le libre marché des multinationales » décider de ce qui est bon pour nous.

Les ressources sont ici, ce qui devrait vouloir dire que nous avons le gros bout du bâton. Un peu de courage politique et de vision, c'est ce qu'il faut. Plutôt que de subventionner la production et l'exploitation de nos ressources à l'état brut en accordant des tarifs préférentiels, en construisant routes, ports et aéroports, pourquoi ne pas mettre tous nos efforts techniques et financiers à l'électrification tous azimuts des transports. Nous travaillerions ainsi sur les deux volets de notre déficit commercial : réduction de nos importations d'énergie fossiles et création de produits à valeur ajoutée dans la colonne exportations. Sans compter que l'électrification des transports est un passage obligé pour la réduction de nos gaz à effet de serre.

Le Québec est riche en ressources naturelles. Assurons-nous de ne pas manquer le bateau.
 

Vous lisez présentement:

 
Développement minier : vers un nouveau modèle pour le Québec
novembre 2011
Ce numéro constitue les actes du colloque Développement minier : vers un nouveau modèle pour le Québec, organisé par l'Institut de recherche en économie contemporaine (IREC) et HEC Montréal.
     
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