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Sommaire
Volume 3, no 2
Changer de modèle pour que le Québec ait meilleure mine !

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Changer de modèle pour que le Québec ait meilleure mine


Ugo Lapointe,
porte-parole de Pour que le Québec ait meilleurs mine !


Je pense que c’est un moment historique dans l’histoire minière du Québec d’avoir un colloque comme celui que nous tenons aujourd’hui. À mon avis c’est quelque chose qui était fondamental et nécessaire dans le contexte actuel des débats autour des enjeux des ressources naturelles et énergétiques au Québec.

Je vous propose une présentation en cinq points : ’abord un mot sur ce qu’est la coalition ‘Pour que le Québec ait meilleure mine !’. Ensuite on va regarder le contexte des mines au Québec mais aussi au Canada et à l’international, en essayant de nous situer là-dedans. Troisième point, la réforme de la loi sur les mines, les enjeux des redevances et le Plan Nord, donc beaucoup des préoccupations amenées aujourd’hui dans ce colloque. Ensuite un regard sur des modèles possibles pour le Québec, notamment avec des propositions avancées par ‘Pour que le Québec ait meilleure mine !’. Finalement quelques conclusions en revenant sur les faits saillants de la présentation.

Donc qui est la coalition ‘Pour que le Québec ait meilleure mine’ ? Essentiellement nous sommes un regroupement d’une vingtaine d’organismes, des organismes syndicaux, environnementaux, citoyens, de la santé. J’en nomme quelques-uns, par exemple la Centrale des syndicats du Québec, le Conseil central de la CSN en Abitibi-Témiscamingue et Ungava, une région minière d’importance, des organismes comme Nature Québec, Éco justice, Mining watch Canada, l’Action boréale, des organismes citoyens comme le Comité d’urgence de Malartic, Sept-îles sans uranium. Bref collectivement l’ensemble de ces organismes-là représente aujourd’hui environ 200 ou 225 membres affiliés. On est passé d’une dizaine d’organismes au départ à autour de 22-23 organismes aujourd’hui.

Essentiellement la genèse de la coalition s’est faite dans la foulée de l’intention du gouvernement du Québec, en 2007, de formuler la première stratégie minérale de l’histoire du Québec. À ce moment-là on s’est rendu compte qu’on était plusieurs organismes au Québec à se préoccuper d’enjeux sociaux, environnementaux, économiques dans ce domaine. Donc on a décidé de se regrouper et de cibler les priorités de ce qui nous semblait les enjeux fondamentaux à régler. Comme le nom l’indique, nous ne sommes pas pour que le Québec n’ait plus de mines. Nous sommes généralement favorables au développement minier, seulement on pense qu’il y a des enjeux majeurs à régler. On s’est coalisés pour essayer de faire un front commun face à l’industrie, face au gouvernement, pour proposer des solutions.

D’abord le contexte. Le graphique suivant montre l’évolution des investissements en exploration minière au Québec de 1985 à nos jours. Dans le fond, ce qui est important de retenir avec ce graphique, c’est qu’à partir de 2004-2005, il y a un boom phénoménal dans les investissements d’exploration minière au Québec, qui n’est pas unique au Québec, qu’on voit aussi ailleurs au Canada et à l’échelle internationale. Il y a une forte demande pour des métaux, une forte demande pour les matières premières.

graphe1 

Bon an mal an au Québec, c’est 400 millions de dollars d’investissements en exploration qui est faite depuis 2005. C’est au-dessus de 400 projets d’exploration, 500 voire 600 projets d’exploration un peu partout sur le territoire du Québec à chaque année, principalement dans les régions de l’Abitibi-Témiscamingue, du Nord du Québec, de la Côte-Nord, mais également dans la partie Sud du Québec, en Estrie, Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, Hautes-Laurentides, Outaouais, en fait il y a de l’exploration un peu partout. La majorité de ces investissements servent à l’exploration de l’or, à peu près 50 % chaque année. Ensuite ce sont les métaux usuels : cuivre, nickel, zinc et fer. Et de plus en plus aussi, mais ça reste encore marginal par rapport à ceux que je viens de nommer, l’uranium, le diamant, les terres rares, le lithium. Les chiffres que vous voyez sont en millions de dollars, donc on est passé de 200 millions de dollars en 2005 à tout près de 600 millions de dollars en 2010.Les investissements en exploration minière ont triplé en l’espace de 5 ou 6 ans.

Pour ceux qui sont peu familiers avec le secteur minier, on peut diviser le développement minier en trois grandes étapes : à l’exploration, on cherche les nouveaux gisements, on cherche de nouvelles mines. Une fois qu’on les trouve on passe à l’exploitation, qui est la deuxième étape. Une fois qu’on les a exploitées, il faut ensuite restaurer le site, faire la fermeture du site.

Le prochain graphique montre les grandes tendances de l’exploitation minière (la deuxième étape) depuis 1985. Ce qui est important de retenir ici, c’est l’existence, depuis 2004, d’un boom important dans la valeur de la production minérale au Québec. On est passés de près de 4 milliards en 2004 à près de 7 milliards $ l’année passée et probablement 8 milliards cette année, donc on a doublé en l’espace de 5-6 ans la valeur brute produite en matière minérale au Québec. En 2010, le ministère des Ressources naturelles et de la faune répertoriait environ 25 projets de développement ou de mise en valeur un peu partout sur le territoire du Québec. On peut penser que d’ici l’horizon 2020 on va retourner à environ une trentaine de mines actives, ce qu’on n’avait pas connu depuis les années 1980. J’attire votre attention sur les deux lignes du bas : la première c’est l’évolution des emplois directs. Il y a eu un creux à partir des années 1990, les prix des métaux n'étaient pas très favorables. Cela a commencé à remonter vers 2005 et aujourd’hui on ne serait pas loin de 14 000-15 000 emplois directs en moyenne, qui vont sûrement continuer d’augmenter dans les années à venir. La dernière ligne du bas représente les mines actives, donc les mines en opération à chacune des années identifiées.

graphe2 

Maintenant, quelques grandes tendances mondiales sur lesquelles j’aimerais attirer votre attention. Bien entendu il y en a plusieurs, c’est complexe, mais le boom qu’on voit actuellement est en grande partie lié à la croissance phénoménale de la demande des dernières années. La planète est assoiffée de matières premières, avec une demande de la consommation provenant principalement des grands marchés asiatiques, dont la Chine, l’Inde mais également du Brésil.

Quand on regarde la production au Québec, les principales productions, les vaches à lait si on veut du secteur minier au Québec actuellement c’est le fer et le titane, donc beaucoup la région de la Côte-Nord. C’est aussi le nickel, avec la mine Raglan qui est dans la péninsule d’Ungava. C’est aussi l’or. Ce sont ces grandes filières qui sont vraiment les vaches à lait actuelles de l’exploitation minière au Québec, elles l’ont été depuis plusieurs décennies et elles vont continuer de l’être. On va probablement voir de nouvelles mines, par exemple de lithium, peut-être aussi dans les terres rares, mais il reste que leur valeur ajoutée va être marginale par rapport à ces vaches à lait. C’est important de comprendre ce phénomène dans la dynamique actuelle et dans l’orientation des politiques publiques pour les prochaines années. Quand on regarde à quoi sert le fer, le nickel, le zinc qui sont produits en quantité assez importante au Québec, c’est principalement la construction des infrastructures, les infrastructures immobilières (résidentielles et commerciales), les infrastructures de transport, les autobus, avion, autos, etc. À peu près 80 % de la consommation de ces métaux vont vers ça.

Et qu’est-ce qui se passe quand on regarde par exemple la Chine, l’Inde et les grands marchés émergents : bien ils sont en mode d’industrialisation, d’urbanisation. Partout sur la planète, c’est une tendance lourde, donc le fer, le zinc et le nickel c’est un peu le pain et le beurre de cette urbanisation, de cette industrialisation. Donc oui il risque d’y avoir des cycles baissiers dans les années à venir, mais il reste qu’à moyen et long terme la tendance risque de se maintenir, à moins que soudainement le monde change de modèle dans la façon de s’urbaniser et de s’industrialiser, ce qui serait peut-être souhaitable d’un point de vue environnemental, mais peu réaliste dans le contexte actuel.

Autre grande tendance, plus difficile à discerner, mais on commence à la voir. Il est de plus en plus difficile de trouver des ressources de qualité. On connaît bien ce phénomène dans le gaz et le pétrole, quand on parle du pic pétrolier et des réserves qu’on ne réussit plus à renouveler autant qu’on les exploite. C’est plus difficile à voir dans les métaux, mais on commence à constater le même phénomène dans certaines filières, notamment le cuivre, c’est peut-être la filière la plus éloquente. Mais au-delà du concept de pic des ressources, il y a la notion de qualité de la ressource. Je prends l’exemple du gaz et du pétrole encore une fois : on a exploité les grands gisements conventionnels qu’on a trouvés au départ et maintenant on s’en va vers ce qu’on appelle l’exploitation non conventionnelle. Les sables bitumineux en sont un exemple : petite quantité de pétrole dans d’immenses volumes de sable. Les gaz de schistes sont un autre exemple, petites bulles de gaz dans les grands massifs rocheux. Mais pour aller chercher cette ressource-là, qui est moins concentrée, moins riche, il faut plus d’énergie, plus d’eau, cela génère plus d’impacts à la fois environnementaux mais aussi sociaux, lorsque l’exploitation se fait à côté des collectivités, comme on l’a vu notamment avec les gaz de schistes au Québec.

Dans les mines c’est un peu la même chose. Je suis originaire de l’Abitibi-Témiscamingue, région minière d’importance au Québec avec à peu près 100-150 mines, on ne sait pas le chiffre exact, souterraines pour la plupart. On a exploité des filons d’or, de cuivre, zinc, souvent avec des teneurs moyennes historiques autour de 3 à 5 grammes par tonne, en ce qui concerne l’or. Mais maintenant on s’en va dans le modèle mine à ciel ouvert à faible teneur. Le cas de Malartic en est un bon exemple, avec un gramme par tonne, donc c’est un facteur de 4-5 fois réduit en qualité de la ressource, beaucoup plus de résidus générés, beaucoup plus d’eau pour exploiter la mine, beaucoup plus d’énergie, un plus grand impact sur le territoire.

Autre grande tendance, on ira vers des régions plus éloignées où on n’allait pas avant. Le Plan Nord est un parfait exemple. L’activité minière se fait en Abitibi maintenant depuis une centaine d’années et il reste encore plusieurs bonnes années, voire bonnes décennies de mines en Abitibi, mais il reste que ce sont des ressources non renouvelables et à un moment donné il faut changer de camp minier. Et c’est ce qu’on voit actuellement. On s’en va dans le nord, avec des investissements importants, ce n’est pas unique au Québec, c’est une tendance aussi au Canada. Ailleurs sur la planète, on se rend dans des régions où on n’allait pas avant, on entend parler par exemple dans certains cas de pays africains ou latino-américains. Tout ça fait en sorte que l’augmentation de la consommation, la croissance phénoménale de la demande en métaux et aussi le fait que c’est plus difficile de trouver des ressources de qualité, très riches, oblige à aller dans des régions plus éloignées, généralement plus risquées à plusieurs points de vue. Tout ça contribue à une augmentation phénoménale du prix des métaux, qu’on constate depuis quelques années. La plupart des métaux ont augmenté de 200-300 % au cours de la même période mentionnée plus tôt, de 2004-2005 à aujourd’hui. Ce sont aussi des revenus et des profits records pour les entreprises minières. Pricewaterhouse-Coopers identifie une hausse des revenus de plusieurs centaines de pourcent au cours des dernières années et des profits, depuis 2003, en hausse de 1000 pourcent pour les 40 plus grandes sociétés minières sur la planète.

En même temps ça génère plus d’impacts environnementaux, une intensification environnementale des exploitations, une augmentation des tensions et des conflits sociaux, comme on l’a vu avec les gaz de schistes. C’est une tendance qu’on peut observer aussi avec les mines à ciel ouvert qui s’en viennent en Abitibi-Témiscamingue, près des collectivités. Ce sont aussi les Premières Nations, on l’a vu récemment avec les Innus, et des enjeux de revendications territoriales qui ne sont pas réglés et qui seront à régler si on veut avoir une certaine stabilité. Tout ça aussi dans le contexte que ce sont des ressources non renouvelables, principes fondamentaux pour orienter les politiques publiques du Québec.

Maintenant que j’ai brossé les éléments de contexte, j’aimerais mettre la table sur des enjeux majeurs, urgents, pour lesquels la coalition ‘Pour que le Québec ait meilleure mine’ s’est engagée depuis trois ans. Je vous invite à consulter le site Web de la coalition (www.quebecmeilleuremine.org), vous y trouverez notre rapport de novembre 2009 qui contient 25 recommandations pour améliorer, changer, réformer les cadres actuels au niveau de l’exploitation minière, des cadres environnementaux ainsi que de la loi sur les mines. Bien entendu je n’ai pas le temps d’aborder toutes ces recommandations ici, mais si j’avais à les résumer, ça ressemblerait peut-être à quelque chose comme quatre grands points.

Premièrement, il faut que le Québec se dote d’outils politiques, d’outils légaux pour faire des choix stratégiques au niveau de l’orientation du développement minier dans les prochaines années, dans les prochaines décennies. Des choix stratégiques en intégrant des critères écologiques, sociaux, économiques, démocratiques. Ce que cela veut dire c’est d’être capable de choisir des filières, des filières qui sont peut-être plus stratégiques, plus payantes, permettant d’amener de la deuxième ou troisième transformation. Dans d’autres filières, par exemple dans les mines d’uranium et d’amiante, nous avons des positions beaucoup plus sévères. On souhaiterait que dans les mines d’uranium il y ait un moratoire, étant donné les risques que ça suppose, et que le Québec se retire de l’exploitation de l’amiante. Nous proposons plutôt de mettre nos billes et nos énergies ailleurs.

Deuxième point : maximiser la richesse collective. Donc ici on parle de redevances, du rôle de l’État, mais je vais y revenir plus loin. Troisièmement il faut mieux protéger les droits des citoyens et des collectivités. Ce qui signifie réformer la loi sur les mines. Actuellement on est en processus d’étude d’un projet de loi article par article à l’Assemblée nationale, mais il y a encore des enjeux importants pour mieux protéger les droits des citoyens et des collectivités face aux entreprises minières, face aux entreprises gazières et pétrolières. Comme on dit en Abitibi : après la loi divine, y a la loi sur les mines. C’est une loi très forte, qui donne encore beaucoup de pouvoir aux entreprises par rapport aux droits des citoyens et des collectivités. Il y a lieu de rééquilibrer ces forces-là pour assurer un meilleur développement, un meilleur aménagement intégré du territoire.

Enfin, cinquièmement, une plus grande protection de l’environnement. Les sites miniers abandonnés, on en a entendu parler, on a collectivement hérité d’une dette d’environ un milliard de dollars actuellement, dette qui va probablement augmenter. Autre enjeu important, il faut renflouer les ministères responsables, ministère des Ressources naturelles, ministère de l’Environnement, il faut leur donner les outils, les ressources humaines, des moyens d’encadrer cette industrie-là. On vit un boom minier majeur, est-ce que les budgets de ces ministères-là suivent le boom minier? La réponse c’est non. Et ça, ce n’est pas juste nous qui le disons, c’est le vérificateur général en 2009 et en 2011. Dans le rapport du BAP sur les gaz de schistes il y avait aussi des recommandations sur cet enjeu, et même dans le rapport du BAP de Malartic en 2009, on mentionnait des enjeux au niveau des relations avec les citoyens qui sont à régler.

Très rapidement, je reviens maintenant sur la question de la maximisation de la richesse collective : où en sommes-nous? En 2009, le vérificateur général avait dit: écoutez, on a un problème avec les redevances au Québec. Entre 2002 et 2008 on a produit 18 milliards $ en richesse minérale, on est allé chercher 1,7 % de cette richesse en redevances, mais en contrepartie on a donné 3 fois plus en aide fiscale (subventions à l’industrie). Ça crée un débat, on a commencé à voir le débat. Le gouvernement avait alors promis un projet de loi de réforme sur les mines et un projet de loi sur la réforme des redevances (la loi sur les droits miniers). On n’a toujours pas vu la couleur de celui sur les redevances, il n’y a pas eu de débat à l’Assemblée nationale. Cela dit, le ministre Bachand a pris des mesures unilatérales en 2010 dans son budget. Il a décidé d’augmenter les redevances de 12 à 16% sur les profits et de les appliquer mine par mine plutôt que par entreprise. C’est une avancée, c’est une amélioration oui, mais c’est nettement insuffisant à notre avis.

Si on regarde ce que ça fait concrètement en 2010, le nouveau régime de M. Bachand : on est allé chercher 300 millions $ en redevances en 2010, ce qui équivaut à environ 4,5 % de la valeur brute produite qui était autour de 7 milliards $. Au même moment, 9 des 19 sociétés minières qui ont déclaré des profits en 2010 ont généré plus de 2 milliards de profits. Donc il y a encore une bonne marge de manœuvre. Les lacunes, les choses urgentes qu’il faut faire, selon nous, c’est d’appliquer un taux de redevance sur la valeur brute produite plutôt que sur les profits (à cause de toutes les déductions et allocations possibles, c’est un problème de déterminer le profit réel et en plus 10 des 19 sociétés minières n’ont pas déclaré de profits). Le manque de transparence est aussi un enjeu fondamental important. On n’a pas le portrait complet des revenus et des profits mine par mine au Québec. Sans cette information-là, c’est difficile d’avoir un débat éclairé et intelligent.

Nous pensons qu’il faut une stratégie au niveau de l’industrie globale, c’est-à-dire en regardant le cycle minier dans son ensemble. Donc partir de l’extraction c’est une chose, mais au niveau de la première, deuxième, troisième transformations, le marché interne du Québec, l’optimisation des ressources, le recyclage, qu’est-ce qu’on peut faire ? Encore là le Plan Nord est muet là-dessus, ou presque. Pourtant c’est fondamental. Ce qu’on a proposé à la fin de l’été, durant la commission parlementaire, c’est l’idée suivante : pour faire un peu rêver les Québécois et leur montrer ce qu’on peut faire, si on mettait l’équivalent d’environ 400 millions de dollars par année dans un fonds souverain de type norvégien, on pourrait aller chercher 25 milliards en 25 ans à partir de nos ressources minières non renouvelables. Et ça c’est très réaliste et très réalisable. Le graphique suivant montre un comparatif peu reluisant pour le Québec : au cours des 8-9 dernières années, des manques à gagner de 2 à 4 milliards par rapport aux meilleures provinces minières au pays.

graphe3 

Le dernier point que je veux aborder, c’est la peur que nous avons d’avoir peur, j’insiste là-dessus. Faut arrêter d’avoir peur d’avoir peur, puisqu’il y a encore une bonne marge de manœuvre. Le Québec est très bien positionné, la demande est là, on a les leviers, alors allons-y, n’ayons pas peur, faisons-nous confiance.

Mais quel modèle pouvons-nous proposer pour le Québec? Voici, je mets la table pour la suite du colloque. Essentiellement, on pourrait résumer les options qui s’offrent à nous en quatre options. Premièrement y a le statu quo : on ne fait rien, on reste tel quel, la majorité des profits s’en vont dans des poches d’actionnaires privés, en bonne partie à l’extérieur du Québec. Deuxième modèle : on bonifie les redevances, mais des redevances sur la valeur brute comme ça se fait ailleurs, notamment en Australie, dans une fourchette de 3 à 8 % sur la valeur brute combinée à une redevance sur les profits qui peut aller jusqu’à 30 % dans le cas du fer. Avec ce modèle on pourrait aussi avoir le concept de redevance sur les surprofits, donc à partir d’un certain seuil de rendement des minières, où on va en chercher davantage.

Troisième modèle : Le Québec devient copropriétaire de mines. Le Québec choisit des filières stratégiques, des mines de fer payantes qui durent des décennies par exemple, et il devient actionnaire ou propriétaire majoritaire ou minoritaire, le débat est à faire. Ça peut aussi être conditionnel à des aides publiques. On voit actuellement beaucoup d’aide publique pour l’industrie, que ce soit en route, en tarifs préférentiels pour l’électricité, en aide fiscale directe aux entreprises. On estime cette aide-là autour de 25 % pour l’exploration minière. Bien pourquoi le Québec n’a pas automatiquement 25 % des parts s'ils trouvent une mine?

Quatrième option: la nationalisation complète ou partielle? C’est une coche plus élevée. Mais est-ce qu’on nationalise toutes les mines, est-ce qu’on nationalise certaines filières? Comment on va le faire aussi? Ça c’est une autre question.

Je pense que vous avez saisi les positions de ‘Pour que le Québec ait meilleure mine’. Nous on dit au minimum il faut une redevance sur la valeur brute. Rapidement, allons aussi chercher des parts comme copropriétaire dans certains projets stratégiques et payants, mais ne faisons pas l'économie d’un vaste débat, d’un large débat sur la nationalisation potentielle de certaines filières ou de certaines mines. Donc cela implique peut-être une société d’État ou une société mixte ou de renforcer les institutions existantes, par exemple Investissements Québec ou la Caisse de dépôt. Stratégie industrielle globale, deuxième-troisième transformation, encore là, il y a des enjeux majeurs. Et le fonds souverain pour compenser l’épuisement de ces ressources non renouvelables, c’est fondamental, comme dans le modèle norvégien pour les ressources non renouvelables que sont le pétrole et le gaz dans leur cas, nous on pourrait adapter quelque chose pour les mines.

En conclusion, tout ça nous amène à une nécessité de repenser le Plan Nord parce qu’actuellement il y a encore beaucoup de ficelles qui ne sont pas attachées. De façon urgente, concrète, à court terme, changeons la loi sur les mines, protégeons mieux les citoyens, les collectivités et l’environnement et troisièmement, assurons-nous une plus grande part de la richesse collective.
 

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Développement minier : vers un nouveau modèle pour le Québec
novembre 2011
Ce numéro constitue les actes du colloque Développement minier : vers un nouveau modèle pour le Québec, organisé par l'Institut de recherche en économie contemporaine (IREC) et HEC Montréal.
     
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