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Volume 3, no 1 |
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L'évolution des dépenses en médicaments au Québec : sous contrôle, à quelles conditions ? |
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Pour télécharger le fichier pdf, cliquez ici L’évolution des dépenses en médicaments au Québec : sous contrôle, à quelles conditions?Elisabeth Gibeau, Union des consommateurs
Le contrôle du coût des médicaments au Québec devrait être une cible prioritaire pour les finances publiques. Pourquoi?Les dépenses et le coût des médicaments explosent, au Québec. En effet, les chiffres sont éloquents : en 2005-2006, les dépenses en médicaments et en services pharmaceutiques de la Régie d’assurance maladie du Québec (RAMQ) représentaient le deuxième poste de dépenses le plus important après celui des services médicaux. Aussi, alors que, de 1996 à 2005, le taux de croissance annuel du produit intérieur brut (PIB) était de 4,9 %, le taux de croissance des dépenses du ministère de la Santé (MSSS) était plutôt, lui, de 5,5 % et celui du programme des services pharmaceutiques et des médicaments de la RAMQ de… 14,1 %. L’Institut de la statistique du Québec révèle, dans ses dernières Données sociales, que, parmi les provinces canadiennes, c’est au Québec que les dépenses des ménages en soins de santé sont les plus élevées. C’est le seul poste de dépenses dans cette situation, car pour le logement, l’alimentation et l’éducation, les dépenses des Québécois sont moindres que celles de leurs compatriotes canadiens. Ainsi, les soins de santé coûtent aux ménages québécois 18 % de plus qu’en Ontario et 2 % de plus que dans le reste du Canada. « En effet, les dépenses engagées par les ménages au titre des primes d’assurance maladie – comprenant les régimes d’assurance hospitalisation et frais de médicaments ainsi que les régimes privés d’assurance maladie – sont beaucoup plus élevés au Québec (715 $) en moyenne en 2005 comparativement à l’Ontario (404 $) ». Lorsqu’on se compare, au niveau international, on ne se console pas, au contraire : le Canada dépense 735 $ par habitant en médicaments, soit le montant le plus élevé après les États-Unis (988 $). À noter que la Nouvelle-Zélande et l’Australie, qui ont adopté des politiques d’achat de médicaments génériques, ne dépensent respectivement que 363 $ et 517 $ par habitant en médicaments. Toutes ces données pour arriver à ceci : les Canadiens paient les médicaments les plus chers du monde, avec la Suisse. En effet, ils déboursent, pour remplir leurs ordonnances, 30% de plus que les autres pays de l’OCDE! Et les Québécois paient 8% de plus que la moyenne des Canadiens. Triste palmarès. Et, comme l’écrit Steve Morgan dans Le privé dans la santé : les discours et les faits : il est ironique de constater que la composante du système de soins dans laquelle la part du financement privé (les médicaments) est la plus importante est aussi celle dont les coûts grimpent le plus rapidement – sans que les avantages augmentent au même rythme. Alors que quelque 6 milliards de dollars sont consacrés chaque année, au Québec, à l’achat de médicaments et que ceux-ci ne servent désormais plus seulement à guérir, mais bien aussi à prévenir les maladies et à remplacer des chirurgies, il apparaît donc clairement que le contrôle du coût et de nos dépenses en médicaments doit devenir une cible prioritaire pour nos finances publiques. Les raisons de cette explosion des dépensesNous explorerons ici cinq des causes de cette explosion du coût et des dépenses en médicaments au Québec : 1) les abus des compagnies pharmaceutiques; 2) la règle de 15 ans; 3) l’usage non optimal et le prix élevé des médicaments génériques; 4) la méthode de fixation des prix du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés et 5) le régime hybride d’assurance médicaments. Nous évoquerons aussi une menace réelle, celle de l’adoption de certaines clauses dans le futur Accord économique et commercial général entre le Canada et l’Union européenne. 1) Les abus des compagnies pharmaceutiques L’argument maintes fois entendu selon lequel les pharmaceutiques doivent hausser leurs prix afin de disposer des fonds nécessaires à la recherche et au développement (R&D) ne tient pas lorsqu’on y regarde de plus près. En effet, il appert que les neuf compagnies pharmaceutiques étudiées par Lauzon et Hasbani auraient versé, entre 1991 et 2000, 77% de leurs profits aux actionnaires. De plus, ces compagnies auraient, dans les mêmes années, dépensé « 316 milliards $ U.S en frais de marketing et d’administration contre 113 milliards $ en recherche et développement, soit 2,8 fois plus ». Ainsi, les hausses du prix des médicaments financent davantage le marketing et les actionnaires que la recherche de nouveaux médicaments... En 2007, au Canada, le ratio des dépenses de R&D par rapport à la valeur des ventes était au deuxième rang des ratios les moins élevés, juste après l’Italie. Les données plus récentes montrent que la tendance se poursuit alors que le rythme de découverte de nouvelles molécules ralentit et que l’industrie doit adapter ses stratégies (réorientation vers pharmacopée génomique et externalisation des activités de R&D). L’industrie pharmaceutique se plaît aussi à introduire sur le marché de nouveaux médicaments plus dispendieux et pas nécessairement de qualité supérieure à ceux déjà sur le marché. Ainsi, selon la revue Prescrire, entre 1996 et 2006, seulement 0,2 % des nouveaux médicaments mis sur le marché en France présentaient une « innovation majeure sur le plan thérapeutique dans un domaine où il n’y avait aucun traitement auparavant ». Cependant, c’est 100 % de ces «nouveaux» médicaments qui se vendent beaucoup plus cher que leurs versions équivalentes plus anciennes. Ils étaient, par exemple, quatre fois plus onéreux en Colombie-Britannique que les médicaments équivalents plus anciens et représentaient 80 % de l’augmentation des dépenses en médicaments entre 1996 et 2002 pour cette province. Les chercheurs Hasbani et Lauzon pointent enfin du doigt les profits exorbitants engrangés par les entreprises pharmaceutiques : celles-ci ont en effet des taux de rendement 2,7 fois plus importants que ceux de la moyenne des entreprises américaines. Comme ils l’écrivent : « Si ces entreprises pharmaceutiques se contentaient d’un taux de rendement après impôt sur le capital investi de 15 % (soit la moyenne réalisée en l’an 2000 par l’ensemble des compagnies américaines), on assisterait alors à une baisse de 17 % du prix des médicaments ce qui aurait un impact immédiat à la baisse sur les coûts de l’assurance-médicaments et du système de santé publique en général. » Depuis quelques années, les profits des pharmaceutiques ont diminué, avec la fin des brevets de certains blockbusters, mais elles s’efforcent tout de même de maintenir un haut taux de rendement pour leurs actionnaires, en adoptant d’autres stratégies (comme l’externalisation des activités de R&D). 2) La règle de 15 ans La révision des privilèges consentis par le gouvernement du Québec à l’industrie du médicament d’origine s’impose. Un des privilèges les plus évidents et les moins justifiés est la règle dite «de 15 ans». Cette règle est une exception à l’application de la politique du prix le plus bas normalement exigée par le gouvernement. Appliquée uniquement au Québec, elle fait en sorte que la RAMQ rembourse pleinement un médicament original pour une période de 15 ans à partir de la date d'inscription du médicament sur la liste des médicaments remboursés par la RAMQ, et ce, même si un médicament générique est disponible à la moitié du coût. Cette protection est accordée en sus de celle conférée par la loi fédérale sur les brevets. Au moment de l’introduction de cette règle, le gouvernement évaluait rortir gagnant puisque cette subvention lui permettait de conserver une industrie avec emplois à haute valeur ajoutée. Cela était vrai en 2005, où l’application de la règle de 15 ans a coûté 30 millions de dollars au gouvernement, pour des retombées fiscales de 42 millions. Mais, en 2009, les chiffres publiés par le Conseil du Trésor montraient que la règle de 15 ans lui a coûté 161,5 millions de dollars. En 2010, le coût était plutôt de 193 millions. Pour ajouter l’insulte à l’injure, il appert que, loin de profiter de cette règle unique au Canada, les compagnies pharmaceutiques déménagent en grand nombre en Ontario depuis quelques années, répondant avec enthousiasme à la campagne de charme du gouvernement McGuinty, désireux d’y attirer une plus grande part de la R&D effectuées au pays. Il est donc aisé de conclure que la règle de 15 ans n’a plus sa raison d’être. L’abolition de la règle de 15 ans permettrait en somme que la politique du prix le plus bas s’étende à tous les produits inscrits sur la liste de médicaments remboursés, permettant des économies de coûts substantielles. 3) L’usage non optimal et le prix élevé des médicaments génériques L’abolition de la règle de 15 ans permettrait aussi d’encourager la fabrication de médicaments génériques dans la province, considérant qu’à l’heure actuelle au Québec, seulement 54% des ordonnances sont remplies par l’achat de médicaments génériques. C’est le pire taux d’utilisation au Canada (aux États-Unis, 75% des ordonnances contiennent des génériques). Pourtant, selon l’Association canadienne du médicament générique (ACMG), alors que les médicaments génériques comptent pour 57% de toutes les ordonnances, ils n’accaparent que 26% des coûts d’achat de médicaments. Ainsi, l’ACMG affirme que l’usage accru de versions génériques de certains médicaments permettrait des économies de l’ordre de plusieurs centaines de millions de dollars pour chaque point de pourcentage ajouté au taux de consommation. D’autres économies pourraient être faites en réduisant le prix des génériques : en effet, leur prix est particulièrement élevé au Canada. En 2008, le Bureau de la concurrence du Canada publiait une étude montrant que les contribuables, consommateurs et entreprises pourraient réaliser plus de 1 milliard de dollars d’économies par année si les régimes d’assurance médicaments apportaient des changements à leur mode de paiement. Ainsi, au Québec, depuis avril 2011, les prix des médicaments génériques est fixé à 30% de la valeur du médicament de marque équivalent. Cette façon de fixer le prix en fonction de l'équivalent de marque ne repose sur aucune logique de coûts : certains génériques coûtent en effet beaucoup moins cher à produire, alors que pour d’autres, c’est le contraire. Procéder par appels d’offre, comme le font les hôpitaux, serait beaucoup plus judicieux. Avec des résultats probants : des prix de 39% moins élevés que les prix payés en pharmacie pour les mêmes médicaments. 4) La méthode de fixation des prix du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés Au Canada, le prix des médicaments brevetés vendus aux grossistes, hôpitaux et pharmacies est encadré par le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB). Cet organisme est chargé de s’assurer que le prix de lancement des médicaments brevetés vendus au pays ne soit pas «excessif» (le prix de lancement n’est pas le prix de détail payé en bout de ligne par le patient lequel comprend les marges bénéficiaires, frais de grossistes ou honoraires des pharmaciens). Pour cela, l’organisme compare les prix pratiqués ici avec ceux d’autres pays. Or, on a choisit de se comparer sur la base du prix médian de sept pays de référence, dont les quatre pratiquant les prix les plus élevés au monde (États-Unis, Suisse, Suède, Allemagne). Dans son rapport annuel de 2009, le CEPMB déclare ainsi : « Si l’on tient compte des différences du coût de la vie dans les sept pays de comparaison, le Canada apparaît comme le pays où les coûts de consommation pour les produits médicamenteux brevetés sont les plus élevés. En effet, ils donnent à penser que les Canadiens ont dû sacrifier en 2009 un taux beaucoup plus élevé de leur pouvoir d’achat pour se procurer des médicaments brevetés que n’ont dû le faire les consommateurs des pays de comparaison… » Pourtant, une étude du CEPMB montre qu’en décidant plutôt de se comparer au prix médian de treize pays, dont les quatre les plus chers, cela ferait baisser les prix de 11%! 5) Le choix d’un régime hybride d’assurance médicaments Un régime d’assurance médicaments n’est pas uniquement un processus de compensation ou de remboursement de dépenses en médicaments : c’est aussi une manière de contrôler les coûts pour les acheteurs en se donnant un pouvoir de marchandage avec l’industrie pharmaceutique. Le choix d’un tel régime est influencé par les politiques sociales (assurer l’accès de la population aux médicaments), les politiques de santé (améliorer la santé de la population), les politiques industrielles (attirer les investissements étrangers) ou les politiques de propriété intellectuelle (protection des brevets). Bref, l’élaboration d’un tel régime se fait à la suite d’une série de choix. Par exemple, celui de favoriser l’industrie pharmaceutique (le 4e axe de la Politique du médicament est intitulé «Le maintien d’une industrie biopharmaceutique dynamique au Québec»). Au Québec, en 1997, on a choisi d’adopter un régime hybride, public et privé, faisant en sorte que 43% de la population est assurée par la partie publique du Régime général d’assurance médicaments (RGAM) et 57% par des régimes privés d’assurance collective. Du nombre de personnes assurées à la partie publique du régime, un peu plus de la moitié sont des travailleurs non couverts par assurance collective privée et le reste sont des personnes âgées de 65 ans et plus ou des personnes sans emploi. Bien que la mise en place de ce régime ait représenté un progrès incontestable pour les 1,5 million de personnes qui ne bénéficiaient auparavant d’aucune protection d’assurance, nous avons relevé de nombreuses iniquités liées au choix d’adopter un régime hybride public-privé [1]. Par exemple : le caractère peu progressif du régime en place fait en sorte qu’au public, une personne seule gagnant plus de 14 622$ devra assumer le montant de prime maximal (600$ par année), alors que dans les régimes privés d’assurance collective, la prime des assurés n’est pas fixée en fonction du revenu mais plutôt en fonction du risque représenté par l’état de santé de l’ensemble des employés d’un même bureau. Ou encore, le fait que, dans les régimes privés, aucune catégorie d’assuré ne bénéficie de la gratuité des médicaments, pas même les enfants mineurs (contrairement au public); qu’une taxe de vente de 9 % soit appliquée sur les primes d’assurance collective et que les employés aient aussi à payer des impôts sur la contribution de leur employeur à leur régime d’assurance collective. Outre ces iniquités, le régime hybride actuel d’assurance médicaments provoque aussi un autre sérieux problème : une incapacité pour nos gouvernements de contrôler efficacement les coûts. Comment serait-ce possible quand on ne contrôle que 43% des achats ? La conséquence : les mesures entreprises par la RAMQ pour contrôler les coûts ne touchent que ses assurés, sans régler tous les problèmes, tandis que les dépenses explosent dans les régimes privés d’assurances. Ainsi, pour ne traiter que d’un exemple : si les régimes privés sont tenus de couvrir de façon minimale les médicaments inscrits à la liste des médicaments remboursables, ils ne sont pas assujettis à la méthode de fixation des prix utilisée dans le régime public. Ainsi, en 2008, La Presse Affaires a constaté des écarts de 14 % à 107 % en comparant les prix de sept médicaments dans différentes pharmacies de la région de Montréal. Il en est de même pour les honoraires des pharmaciens : en effet, à un assuré du RGAM, les pharmaciens ne peuvent exiger davantage que le prix coûtant du médicament (fixé par la RAMQ), plus la marge bénéficiaire du grossiste (6 % plafonné à 24 $), plus leurs propres honoraires (8,12 $ par prescription). Pour un assuré des régimes privés, la seule règle qui prévaut est celle de facturer tous les clients de la même façon. Les honoraires des pharmaciens peuvent donc varier entre 8 $ et 30 $. En outre, malgré ses tentatives de contrôle des coûts, la RAMQ enregistre année après année des déficits liés à son régime d’assurance médicaments. Ce déficit est inhérent à son mode de financement. En effet, comme les prestataires de l’assistance sociale et certaines personnes âgées ne contribuent pas au régime, ce sont en conséquence les adhérents ne profitant pas de la gratuité des médicaments qui se partagent le fardeau de son financement et subissent la hausse constante des cotisations (de 175$ en 1996 à 600$ en 2010 – une hausse de 243%!). Or, leur contribution n’est pas suffisante pour éponger les frais et l’ensemble des contribuables se retrouve bon an mal an à assumer un déficit de 2 milliards de dollars (alors que la majorité de ces contribuables paient aussi des primes d’assurances collectives pour leurs propres achats de médicaments). En somme, le choix d’adopter un régime hybride d’assurance médicaments au Québec, en 1997, a certes amélioré le sort de nombreux Québécois, mais provoqué, aussi, son lot d’iniquités et contribué à l’explosion des dépenses en médicaments. La menace de l’ajout de certaines clauses dans l’AECGLe Canada et les provinces négocient actuellement un accord économique et commercial avec l’Union européenne (AECG) portant sur la réduction des obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce des biens, sur un meilleur accès en matière de services et de contrats publics, sur la protection des investissements, sur la mobilité de la main-d’œuvre ou encore sur les droits de propriété intellectuelle. Les négociations ont cours dans le plus grand secret, sans qu’il n’y ait eu de consultations publiques. Le gouvernement Charest agit donc dans ce dossier sans mandat clair de la population. L’AECG aura pourtant des impacts majeurs, notamment en ce qui concerne le prix des médicaments. En effet, les compagnies pharmaceutiques demandent l’inclusion de clauses autorisant le renforcement de la protection des brevets sur les médicaments, avec pour conséquences de retarder la mise en marché de leurs versions génériques et d’entraîner des coûts supplémentaires pour les régimes d’assurance médicaments public et privés du Québec, estimés à 785 millions de dollars par l’ACMG. Dans l’état actuel des choses, alors que nous sommes déjà étranglés par la fulgurante explosion de nos dépenses en médicaments, il apparaît inconséquent de permettre l’ajout de telles clauses. Le gouvernement semble pourtant déterminé à ce que la propriété intellectuelle dans le secteur pharmaceutique soit renforcée, si l’on en croit la lettre qu’a envoyée le ministre Clément Gignac en juin 2010 à son homologue fédéral et reprenant mot pour mot les demandes de l’industrie pharmaceutique [2]. Comment reprendre le contrôleNous croyons que seul un régime d’assurance-médicaments géré, financé et intégré au système public de santé, et encadré par une politique du médicament améliorée, permettrait d’adopter des mesures de contrôle des coûts et des dépenses qui soient pleinement efficaces. Les pays qui ont adopté un tel régime entièrement public, la France, le Royaume-Uni, la Suède, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, ont des prix de 24% à 48% moindres qu’au Québec et une croissance annuelle des coûts de 2 à 3 fois inférieure à la nôtre. Un argumentaire économique paru en septembre 2010 confirme les économies potentielles permises par l’adoption de ce régime entièrement public : « Simplement en éliminant le gaspillage lié à l’assurance privée et par l’amélioration des choix thérapeutiques, un régime public universel permettrait aux Canadiens d’économiser 2,9 milliards (environ 12% du total). À lui seul, le Québec économiserait près de 1 milliard de dollars (soit 14% de ses dépenses) [3]. » En profitant de l’occasion pour réviser aussi les politiques industrielles qui accroissent le prix des médicaments, tel que le choix du CEPMB d’utiliser comme référence quatre pays pratiquant les prix plus chers ou la règle de 15 ans, le Québec économiserait plus de 3 milliards par an, soit 45% de ses dépenses, selon les mêmes chercheurs. Une étude de Morgan, Hanley, McMahon et Barer démontre que le Canada aurait tout avantage à imiter la Nouvelle-Zélande. En prenant pour exemple quatre sortes de médicaments, les chercheurs ont montré que les prix néo-zélandais étaient en moyenne 45% moins élevés que ceux prévalant en Colombie-Britannique. Pour les versions génériques de ces médicaments, les prix étaient 58 % moins élevés. L’adoption de politiques d’achat au plus bas prix a l’avantage de réduire les coûts, mais aussi de limiter la prolifération des « me-too drugs », ces médicaments ne présentant aucune réelle innovation mais se détaillant néanmoins beaucoup plus cher que la version précédente. L’Office of Fair-Trade, au Royaume-Uni, a démontré que ces politiques d’achat encouragent l’innovation en réorientant les fonds vers la recherche innovatrice plutôt qu’« imitatrice ». Morgan et al. évoquent les différents obstacles à la mise en place d’une telle politique : manque de volonté politique, lobby d’une industrie pharmaceutique bien implantée au pays et faible rapport de force des acheteurs publics de médicaments. Un régime d’assurance médicament entièrement public appuyé par des politiques d’achat de médicaments permettrait au gouvernement d’acquérir ce rapport de force face aux compagnies pharmaceutiques. ConclusionL’explosion des dépenses en médicaments au Québec commande des mesures immédiates de contrôle. Le remède le plus efficace serait d’adopter un régime entièrement public d’assurance médicaments. À l’échelle internationale, les pays qui l’ont adopté ont vu leurs dépenses en médicaments grandement réduites. Un tel régime permettrait en outre d’accorder à tous un accès raisonnable et équitable aux médicaments, peu importe la condition financière, l’âge ou l’état de santé. Il serait bénéfique pour le gouvernement (qui y trouverait les moyens de réduire l’augmentation de ses dépenses en médicaments), les assurés des actuels régimes publics et privés (qui profiteraient d’une réduction de leur contribution financière au régime) et les employeurs (qui n’auraient plus à gérer les hausses continuelles des primes de leur assurance collective et à subir les conséquences de la condition physique de leurs employés). Les seuls qui y perdraient sont les compagnies pharmaceutiques qui devraient vendre leurs médicaments à meilleur coût, les compagnies d’assurance qui perdraient la partie médicaments du marché de l’assurance collective et les employeurs n’offrant actuellement pas de régime d’assurance collective à leurs employés et qui seraient dorénavant forcés de contribuer au régime public. Leurs objections à la mise en place d’un RGAM public sont donc prévisibles et attendues. La forme de financement proposée permettrait un partage des coûts par l’ensemble de la population et donnerait au gouvernement québécois, qui deviendrait le seul acheteur de médicaments de la province, un meilleur rapport de force pour le contrôle des dépenses en médicaments. La mise en place d’un régime universel d’assurance-médicament doit impérativement s’accompagner de mesures assurant sa pérennité : parmi celles-ci, notons l’abolition de la règle de 15 ans et l’adoption urgente de politiques d’achat de médicaments, à l’instar de ce qu’a fait la Nouvelle-Zélande. L’actuelle crise des finances publiques devrait être un incitatif à l’action et non un frein. ________________________________________________________________________ [1] Pour les détails, consulter le mémoire « Pour un régime public universel d’assurance médicaments au Québec », juin 2009, Union des consommateurs. [3] Marc-André Gagnon, « Médicaments : un régime universel public pour tous les Québécois », Cyberpresse, 17 septembre 2010. |
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