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Sommaire
Volume 6, no 2
Éléments politiques et sociologiques de la transition énergétique en France

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Éléments politiques et sociologiques de la transition énergétique en France

 

Stéphane La Branche
asosan95@hotmail.com
Membre du GIÉCC, Rapport 2013
Titulaire de la Chaire Énergie-Climat
de l’Institut d’Études politiques de Grenoble
Chercheur associé Pacte (UMR CNRS)

Note : l’auteur a collaboré à un nouvel ouvrage édité par l’ADEME dans lequel ont été élaboré quatre grands scénarios prospectifs sociopolitiques de l'énergie, qui sont des futurs possibles de l'organisation énergétique.  

« Les limites de la survie sont déterminées par le climat, ces changements longs qu’une génération peut ne pas percevoir. Et ce sont les extrêmes du climat qui fixent la tendance. Les humains peuvent observer des climats courts, temporaires, sur une année. Ils peuvent même observer qu’une telle année est plus chaude ou plus froide que celle d’avant. Mais nous sommes rarement alertés aux changements de moyenne sur le long terme. Mais c’est précisément dans cette alerte que les humains peuvent apprendre à survivre dans des écosystèmes en changement. Ils doivent apprendre à parler climat. »

Children of Dune, Frank Herbert
Orion, 1976, p.350.


En septembre 2014, la nouvelle politique française en matière de transition énergétique est dévoilée par la ministre de l’Environnement et de l’Énergie, Ségolène Royale. Cette politique s’inscrit dans une mouvance de fond complexe liée à la fois à l’énergie en soi (raréfaction, dépendance sur des sources extérieures et augmentation des prix), aux politiques et stratégies énergétiques de l’Union européenne (dite de Lisbonne) et aux Grenelles de l’environnement français, un processus consultatif national sur l’environnement. Ce texte présente quelques-uns des facteurs principaux à l’œuvre dans les efforts de transition énergétique en France, d’un point de vue de la science politique et de la sociologie. Si le volet politique est inscrit dans un contexte national plutôt spécifique (la France est un pays centralisé politiquement et énergétiquement, avec une décentralisation en émergence), le lecteur remarquera que certains des facteurs sociologiques sont communs à la France et au Québec.

Contexte général


Nos sociétés font face à un double défi de taille : la lutte contre le changement climatique et la crise énergétique, les deux étant associés de très près, parfois en conflit et parfois de manière harmonieuse. Ceci est d’autant plus saillant que nous avançons l’hypothèse de l’émergence « d’une méta gouvernance climatique » [1], c’est-à-dire une gouvernance climatique qui tend à modifier les autres formes et types de gouvernance (mobilité, urbanisme, aménagement, processus et bien entendu, énergie…) pour les rendre climato-compatibles. Ce qui, malheureusement, n’exclut pas le recours croissant au charbon à court et à moyen terme, car à ces échelles de temps, il s’agit bien de faire de la diversification énergétique.

À l’échelle territoriale, les collectivités territoriales, pour leur part, expérimentent et mettent en place des politiques incitatives de report modal vers les formes de transports autres que la voiture, ainsi que le covoiturage, l’autopartage… Elles misent davantage sur le vélo et elles tendent à mettre de la pression sur le déplacement automobile par le biais d’actions sur le stationnement, la gestion des flux, les voies et le soutien aux transports en commun. Les villes européennes tentent également d’obtenir des fonds supplémentaires auprès de l’Union européenne (UE) pour la rénovation thermique de l’existant ou l’amélioration énergétique du neuf. On voit également des expérimentations de gestion de l’énergie par le biais des nouvelles technologies de réseau électrique intelligent (« smartgrids ») à grande échelle et interactives entre les consommateurs et le fournisseur d’énergie se mettre en place. À noter que ces expérimentations sont en grande partie issues d’acteurs privés, producteurs, fournisseurs et agrégateurs d’énergie. Les pouvoirs publics sont plutôt absents, mais c’est en soi important : le mouvement de la transition énergétique n’est pas l’apanage d’un seul type d’acteur, il n’a pas pour origine unique l’État (centralisé ou décentralisé).

La transition énergétique telle qu’elle émerge en France est intimement liée aux évolutions énergétiques et climatiques globales qui résultent de trois principaux facteurs :

• L’ouverture des marchés et les changements réglementaires sont liés à l’émergence d’une diversité plus importante d’acteurs dans le paysage énergétique (fournisseurs, distributeurs, producteurs, collectivités locales et consom’acteurs).
• Le changement climatique et les politiques de maîtrise de l’énergie.
• L’émergence graduelle de nouveaux usages et modes de consommation avec une augmentation à la fois de l’efficacité énergétique des appareils électroménagers, par exemple, mais aussi leur multiplication dans les ménages (multimédias, informatiques…).
• Ceci s’accompagne d’un nouveau système à la fois complexe et décentralisé associé à une réglementation thermique de plus en plus ambitieuse qui vise à la fois la diversification énergétique et la réduction de la consommation.

Quoi qu’il en soit, la transition énergétique en France est un processus qui intègre une vaste panoplie de mesures et de moyens et qui s’attaque à un nombre très important de secteurs de nos sociétés. Elle apparaît comme la stratégie nécessaire au double problème climatique et énergétique, par plusieurs biais. Tout d’abord, celui de la diversification des sources (géographiques, pour réduire la dépendance extérieure) et des types (EnR, charbon, gaz, nucléaire, etc.) d’énergie. Puis, la sobriété (liée aux comportements) et l’efficacité (la technique) énergétiques apparaissent de manière forte dans ces efforts même si on comprend mieux l’efficacité énergétique que la sobriété...

Faisant le lien entre les deux, on retrouve la gestion de l’énergie dans la production, la distribution et la consommation. Cette maîtrise de l’énergie (MDE) dans les comportements des ménages ou dans les entreprises acquière dès lors d’autant plus importance dans un contexte de hausses des prix de l’énergie, car elle contribuerait à la stabilité des réseaux et des prix tout en contribuant à diminuer la précarité énergétique des ménages. Le développement des réseaux électriques intelligents « smartgrids » et des technologies de maîtrise et de gestion de l’énergie à domicile apparaît comme un moteur particulièrement intéressant de la MDE dans la transition, car ils peuvent potentiellement (en fait, il reste de nombreuses incertitudes) allier à la fois la sobriété et l’efficacité. Mais rien ne garantit que les technologies qui permettent une diminution de la consommation y mènent. Les premières observations tendent à indiquer, au contraire, qu’elles entraînent un déplacement de la consommation de l’énergie vers des créneaux horaires moins chers, mais pas en une diminution. Confort égal à coût moindre semble la règle de base des ménages...

Le facteur sociologique ici est simple : pour atteindre leur optimum, en sus des questions techniques et économiques que les technologies de l’énergie posent, leur appropriation et leur utilisation efficaces par les consommateurs sont essentielles. Sans celles-ci, l’efficacité et la rentabilité attendues peuvent être diminuées, voire annulées. Ainsi, nos études en sociologie de l’énergie [2] visent à comprendre les moteurs, les freins, les motivations et les représentations jouant un rôle dans ce qui émerge comme une réelle problématique sociale et politique locale autant que géopolitique internationale – le nexus climato-énergétique. 

C’est la manière même de voir et de comprendre l’énergie qui se transforme. Si classiquement, l’énergie était d’abord et avant tout une question économique et technique, les enjeux du climat et de la MDE font émerger les dimensions environnementales, politiques et sociales de l’énergie. Globalement, on assiste de fait à l’émergence de l’énergie comme un enjeu socioécotechnique et environnemental à part entière; l’énergie, l’humain, la technique et le climat se rencontrant dans un faisceau d’interrelations complexes, parfois de manière harmonieuse et parfois, conflictuelle. On voit donc apparaître une variété de mesures, de politiques publiques et de réglementations, mais aussi, et plus subtilement, une nouvelle relation entre le consommateur et son énergie, plus impliquée, plus informée et plus « intelligente »... et plus complexe. Ce faisceau n’est pas simplifié par les différentes échelles de la décision qui s’entrecroisent, à commencer, sur le vieux continent par l’Union européenne.

Le rôle de l’Europe


En effet, les pays membres originaux de l’Union européenne doivent suivre les cibles communautaires de lutte aux changements climatiques. Pour 2020, il s’agit du 20-20-20, c’est-à-dire 20 % de réduction de GES, 20 % d’énergies renouvelables et 20 % de réduction de consommation énergétique par le biais de l’efficacité et de la sobriété. Mais l’Europe voit également des occasions économiques dans les efforts de transition : développement de nouvelles technologies, amélioration de l’efficacité des EnR, prises de la part du marché international sur ces énergies, etc., nouveau secteur pour de nouveaux emplois, réduction de la vulnérabilité aux fluctuations des prix de l’énergie sur le marché, réduction de la dépendance aux sources extérieures... Pour 2030, la communauté européenne vise plutôt le 40-30-25. Mais chaque pays conserve néanmoins une marge de manœuvre dans la mise en œuvre de sa politique en fonction de sa structure énergétique, son bilan carbone, son niveau de richesse, son degré de développement et d’industrialisation.

Pour la France, la nouvelle politique de Ségolène Royale se traduit par les objectifs suivants :

• Réduire les GES de 40 % d’ici 2030 et les diviser par quatre à l’horizon 2050, en particulier en réduisant la consommation d’énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à 2012.
• Porter la part des énergies renouvelables à 32 % de la consommation énergétique finale brute d’énergie en 2030.
• Par ailleurs, grand producteur d’énergie nucléaire, la France s’engage à porter la part du nucléaire à 50 % de la production d’électricité à l’horizon 2025 (par le biais de l’augmentation des énergies renouvelables dans le mix énergétique français) et à porter le rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale à 2,5 % d’ici à 2030.

Dans ce projet, il est heureux de remarquer la présence forte (mais aussi dans les appels à recherche et les réseaux de recherches) de la précarité énergétique, un des points sensibles intéressant l’UE. En France également, en raison des coûts de plus en plus élevés des énergies utilisées en France pour le chauffage notamment, mais aussi le transport. Le problème est sérieux : 11,5 millions de personnes (5,1 millions de foyers) représentant un cinquième de la population française (20 %), sont victimes de précarité énergétique, selon le premier rapport de l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) [3]

La situation varie beaucoup de pays en pays au sein de la Communauté. La Pologne est encore très fortement carbonée en raison de la présence écrasante du charbon. La France, pour sa part, est davantage préoccupée par la diversification énergétique, les gaz à effets de serre et l’augmentation globale de l’énergie, compte tenu de sa structure énergétique, basée à environ 80 % sur le nucléaire. La politique veut que la France tire profit de sur son expertise dans les énergies non carbonées (nucléaire, éolien, hydraulique) et la gestion de l’énergie – même si en termes de production décentralisée, elle est loin des pays comme l’Allemagne. Pour le nucléaire, la France veut diminuer sa part relative dans l’énergie globale du pays, tout en prenant de nouvelles parts du marché à l’international, notamment dans les pays émergents. Au niveau européen, l’intégration technique et économique des différents réseaux devrait permettre à terme de remplacer les centrales thermiques au charbon par d’autres sources d’énergie.

La transition énergétique en France


Le projet de loi sur la transition énergétique française a le mérite d’inclure les questions économiques, techniques, sociales et politiques de la transition. On y intègre donc, par exemple, la performance énergétique dans les critères de ce que constitue un logement décent. Le code français de la construction et de l’habitation va en effet bien au-delà de ce qui existe au Québec. L’information sur la consommation énergétique moyenne du bâtiment est en tous les cas obligatoire et affichée lors du processus de vente de l’habitat. On réglemente la performance énergétique des logements lorsque ceux-ci sont mis sur le marché (neuf ou revente) avec des normes d’efficacité énergétique dans la construction devenant de plus en plus contraignantes et ambitieuses tous les cinq ans environ.

Ainsi, dans le cadre de cette Réglementation Thermique (RT), la norme de consommation d’énergie pour le logement neuf est passée de 150 kWh/m² (RT de 2005) à 50 kWh/m² par an à partir de 2012. À partir de 2020, le logement neuf devra viser la norme d’émission zéronet, soit produire autant d’énergie que celle consommée. D’ici là, le Plan de Ségolène Royale prévoit l’instauration de plusieurs modes de financement de la rénovation de l’existant, par exemple, un chèque-énergie élargi pour la réalisation de travaux d’économie d’énergie des logements, venant ainsi en aide financière aux ménages désirant améliorer l’efficacité énergétique de leur logement, ce qui est important vu le taux de renouvellement de l’habitat d’environ 1 % par an en France.

La France s’est engagée de façon volontaire dans la transition énergétique, dans laquelle les deux « Grenelle de l’environnement » ont joué un rôle important. Le premier Grenelle a été un vaste mouvement de consultation et de participation des acteurs sociaux concernés par les enjeux (2006) alors que le Grenelle II a été celui du passage au cadre législatif (2012). C’est donc dans la foulée du Grenelle II de l’environnement qu’a été lancée sur une base nationale l’initiative des Plans Climat-Énergie Territoriaux (PCET). Il faut savoir que depuis 2012, la loi du Grenelle II rend l’élaboration de ces démarches obligatoire pour les régions, les départements, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération ainsi que les communes et communautés de communes de plus de 50 000 habitants. Concrètement, ces plans sont axés sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la réduction de la dépendance énergétique et la limitation de la précarité climatique, avec un volet « Adaptation » au Changement climatique qui vise à donner une vision sur les court, moyen et long termes des impacts du CC et des stratégies à développer pour les diminuer ou s’y adapter.

L’aménagement du territoire, l’urbanisme, le bâtiment, mais aussi la mobilité, sont des cibles importantes de l’action publique. Ces efforts s’inscrivent, au-delà de la réglementation, dans des outils de gouvernance énergétique, tels les documents de planification urbaine, et notamment les Plans Climats Energie Territoriaux (sous l’égide des SRAEC). Dans ce cas, l’objectif est de faire correspondre les différents documents de planification urbaine aux objectifs climato-énergétiques inscrits dans ces Plans Climats, auxquels il faut ajouter les principes de participation et de concertation, la mobilisation (et ses résistances) des acteurs apparaît comme un enjeu central. On le voit, le processus est hautement réglementaire et fondé sur des documents, qui en général sont élaborés suite à des expérimentations par des villes plus avant-gardistes de manière volontaire.

On constate bien évidemment, dans certaines collectivités territoriales, un affichage plus important que l’action, en raison de ressources humaines, de compétences, d’intérêt ou de préoccupations. Mais certaines sont bien avancées. Ensuite, des agglomérations comme Grenoble ou Lyon n’ont pas attendu le Grenelle II pour mettre en place des Plans Climat : celui de Grenoble, le premier de France, a été instauré dès 2006. Lyon et Paris sont pour leur part notamment très avancées sur les questions d’adaptation. Depuis 2013-4, on voit deux autres types de PCET émerger. Le premier, avec la Métropole grenobloise étant parmi les premiers, sont les Plan Air Climat, qui intègrent toujours les volets adaptation et énergie, mais qui tentent d’éviter que des mesures d’atténuation provoquent d’autres problèmes, comme la pollution de l’air. En France, l’exemple du Diesel moins émetteur de gaz à effets de serre, mais plus polluant.

C’est d’ailleurs aussi à Grenoble où a été pour la première fois expérimentée la RT 2012, avant sa mise en œuvre grâce à un projet ambitieux : l’écoquartier de la Caserne de Bonne, près du centre-ville. À l’époque, les constructions consommaient une moyenne de 150 kWh/m² et le défi, de taille à l’époque, était d’atteindre les 50 kWh/m². Tout de suite, la question des innovations s’est posée. Et c’est la Ville qui a pris la direction, imposant à la fois des normes d’efficacité énergétique élevée, mais aussi un esprit d’expérimentation et de diversification énergétique sur le site. On peut même y voir les prémices de la transition énergétique dans l’urbanisme. Car l’écoquartier de la Caserne de Bonne fait également figure de proue sur une autre question avant-coureur de la transition énergétique en cours : alors que ce n’était pas une obligation, les maitres d’œuvre, l’élu et l’assistant énergétique au maitre d’ouvrage ont expérimenté avec la diversification énergétique non carbonée du quartier, efforts qui sont aujourd’hui au cœur des débats sur la transition, et qui sont l’objet encore aujourd’hui d’expérimentations et d’innovations. Ceci a eu des impacts directs sur les manières de travailler des équipes du Bâtiment, voire, sur la manière d’organiser le travail des architectes et des constructeurs [4]

Ainsi, la transition énergétique en France dans le sens général du terme et non pas dans son sens juridique (avec la loi la concernant) n’implique pas que les décideurs politiques. On voit d’autres mesures, d’autres expérimentations issues de la société civile, des acteurs privés ou associatifs. Nous n’en mentionnerons ici que quelques-uns en guise d’exemple.

La société civile dans et pour la transition énergétique?


Pour rendre le propos clair, nous proposons les définitions sociotechniques suivantes :

- L’efficacité énergétique est liée aux aspects purement techniques de l’énergie; par exemple, des turbines plus efficaces ou des réseaux de distribution d’électricité avec moins de pertes en ligne.
- La sobriété concerne les gestes et donc, les changements de comportements quotidiens dans un contexte de crise climato-énergétique et de transition énergétique; éclairage, appareils électroménagers, informatiques et audiovisuels, chauffage, chauffe-eau, climatisation…
- La gestion de l’énergie est rendue possible par la technologie, mais n’impacte pas nécessairement les comportements. Mais elle peut l’inciter ou l’accompagner dans cette démarche. Par exemple, la programmation du chauffage à certaines heures ou dans certaines pièces d’une maison en fonction de son occupation. Cette programmation est déterminée par un individu qui a conscience des zones temporelles et spatiales d’actions, en relation avec ses activités, sa présence… mais cela ne l’amène pas nécessairement à s’engager dans la sobriété même s’il déplace la consommation à des heures moins chères.

Je ne donnerai ici que deux exemples, un fondé sur les changements de comportements (le défi Famille à Énergie Positive – FAEP) et l’autre, sur la gestion de l’énergie à domicile par le biais des nouvelles technologies de l’énergie.

Le concours FAÉP

Le concours FAÉP [5] vise à faire diminuer d’au moins 8 % durant une saison de chauffage la consommation énergétique de ménages par le biais de la sobriété. Les ménages sont réunis en équipes qui entrent dans un jeu de concurrence visant le meilleur résultat possible. Ils sont accompagnés par un capitaine et sont munis d’un manuel d’astuces, et ils ont un suivi de leur consommation par le biais des nouvelles technologies. L’apport des technologies de suivi de la consommation énergétique est minimal et passif, dans le sens que les technologies ne sont pas des outils pouvant modifier les comportements. Ils n’offrent qu’un suivi donnant ensuite des indications objectives sur les résultats des efforts : prendre des douches plutôt que des bains, faire attention à l’éclairage et aux veilles des appareils (en France, ces veilles sont l’équivalent de la production d’une centrale nucléaire) ou encore la diminution de la température du chauffage çà 19°, alors que la moyenne est plus près de 21° ou 22° — et que 1° est équivalent à environ 7 % de la facture. En 2010, ils étaient moins de 100 ménages à tenter le défi. En 2015, ils étaient plus de 6 000. À la fin de la saison de chauffe, la diminution moyenne de la consommation de l’énergie est chaque année entre 13 % et 14 %.

Une expérimentation « smartgrids » : Greenlys [6]

Face aux défis climatiques et énergétiques, et dans le cadre des efforts de transition énergétique, les « smartgrids » et les technologies de gestion de l’énergie à domicile émergent comme un moteur clé de la maîtrise de l’énergie, incluant l’efficacité et la sobriété. Mais pour qu’ils jouent ce rôle, les ménages doivent s’approprier et utiliser ces offres technologiques et tarifaires de manière efficace. En effet, il s’agit d’équiper les principaux postes de consommation énergétique d’un domicile à un système informatique de gestion qui permet de réguler à distance cette consommation. Chauffage, lave-vaisselle, sèche-linge, chauffe-eau sont tous connectés et sous le contrôle du ménage. Le fournisseur d’énergie, pour sa part peut faire des effacements, c’est-à-à-dire, couper le chauffage pendant une certaine période de temps et sous condition d’une perte maximale de deux degrés. Un effacement est effectué durant les périodes de haute consommation, le matin et le soir, moments où les prix de l’électricité sont à leur plus haut niveau et où les réseaux de distribution sont les plus vulnérables aux coupures. Les effacements contribueraient donc, à grande échelle, à la fois à réduire le coût pour le consommateur, accroitre la stabilité des réseaux et diminuerait le besoin de faire recours aux centrales thermiques, à charbon, lorsque le système ne suffit pas à répondre à la demande. Un effet positif sur les gaz à effets de serre donc également. Encore faut-il que les ménages acceptent les effacements – car, ils peuvent les annuler — et ce n’est pas toujours le cas, pour ceux qui privilégient leur confort au détriment autres considérations. Pour certains, néanmoins, ils sont acceptables parce qu’il participe à la stabilité globale du réseau et offre un impact collectif positif.

Conclusion


Ce petit tour d’horizon de la transition énergétique est loin d’être complet. Néanmoins, il témoigne d’une tendance de fond en émergence : celle de l’apparition de l’énergie comme l’enjeu majeur du 21e siècle, car elle au cœur de nos modes de vie, du fonctionnement de nos sociétés, et ce, face à la plus grande crise de l’histoire de l’humanité : le changement climatique.

Le changement climatique nous amène à reconsidérer le changement lui-même, il nous force à imaginer de nouvelles réponses à de vieux problèmes et à de nouveaux défis. Il nous force même à reconsidérer les vieux défis et à le repenser de manière nouvelle. Le changement climatique représente en ce sens un méta défi, et la transition énergétique apparaît comme une réponse. Mais ne peut-il pas aussi être source de renouveau? La crise climatique est d’abord et avant tout une crise de l’énergie, de l’industrialisation et du développement, remettant en cause nos manières de fonctionner, de produire, de consommer — de vivre en somme.

La crise climatique est donc également et peut-être avant tout, une crise de l’imagination.

_______________________________________________

 [1] La Branche, Stéphane (éd, 2011). Le changement climatique : du méta-risque à la méta gouvernance. Paris, Lavoisier.
 [2] Nicolet, Anne-Laure et La Branche, Stéphane « Modalités d’appropriation des offres Greenlys dans l’habitat ». Projet Greenlys, 2013. Je remercie Anne-Laure pour son excellent travail sur cette étude. Financée par le consortium Greenlys, que nous remercions. 
 [3] Coordonné par D. Chérel (ADEME), PREMIER RAPPORT DE L'ONPE. Observatoire national de la précarité énergétique, sept. 2014.  
 [4] Projet « Ecoquartier Nexus Energie ». Financé par l’ADEME. Responsable : G. Debizet, CNRS.  
 [5] Sirguey, Fanny et La Branche Stéphane (2012) Analyse qualitative du défi FAEP : motivations et pérennité des gestes, financée par la Région Rhône Alpes et Prioriterre, que nous remercions. 
 [6] Voir recherche Greenlys (note 2).
 

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