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La politique québécoise de l’énergie : un pas en avant, trois en arrière
Normand Mousseau
Titulaire de la chaire de recherche de l’Université de Montréal sur les matériaux complexes, l’énergie et les ressources naturelles, Département de physique, Université de Montréal;
Coprésident de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec (2013-2014)
normand.mousseau@umontreal.ca
Le gouvernement du Québec prépare une nouvelle politique énergétique qu’il annoncera à la fin 2015 et qui portera sur la période 2016–2025, dans la foulée de la précédente politique énergétique 2006–2015. Malheureusement, la réflexion publique semble faire du surplace et elle annonce, si elle reflète l’orientation du gouvernement, un projet tout droit sorti du siècle dernier, loin de ce qui serait nécessaire pour assurer au Québec la transformation dont il a besoin.
La planète énergie a bien changé en quelques années. Alors que le coût de l’énergie renouvelable ne cesse de diminuer, l’augmentation du prix des hydrocarbures fossiles, depuis le début des années 2000, a permis le déploiement à grande échelle de nouvelles technologies d’extraction qui repoussent de plusieurs décennies la fin de ces ressources. Pendant ce temps, les travaux sur le climat confirment, année après année, avec des analyses toujours plus solides et précises, qu’il faudra laisser la majorité de ces ressources dans le sol si l’humanité décide d’éviter la catastrophe climatique.
En 2015, la question énergétique principale n’est donc plus de savoir si nous aurons accès à suffisamment d’énergie pour assurer notre développement, mais, au contraire, si nous saurons altérer notre utilisation de celle-ci afin d’augmenter notre qualité de vie tout en préservant des écosystèmes hospitaliers pour les générations qui viennent.
Malheureusement, le Québec, pourtant bien engagé sur la voie de la lutte aux changements climatiques, semble incapable d’intégrer cette réalité et développer une politique énergétique qui s’adresse vraiment aux principaux enjeux du 21e siècle. Cet aveuglement coûtera cher au Québec, à la fois en dépenses inutiles et en occasions ratées, en plus contribuer à la déstabilisation mondiale du climat. Avons-nous vraiment les moyens de refuser la réalité et de poursuivre sur une voie sans issue?
Une politique énergétique, pour quoi faire?
Les dépenses directes en énergie au Québec représentent environ 30 milliards $ chaque année, soit environ 8 % du produit intérieur brut (PIB), une part significative, mais non déterminante de son économie qui n’explique pas, en elle-même, pourquoi une politique énergétique est nécessaire.
C’est que l’importance de l’énergie dépasse de loin son impact économique direct en tant que ressource essentielle pour l’ensemble du fonctionnement d’une société, de la production de nourriture, au transport et à l’industrie en passant par la presque totalité du de l’économie tertiaire, qui ne peut fonctionner sans électricité. Le rôle de levier que joue l’énergie pour l’ensemble de l’économique explique que le premier but d’une politique énergétique traditionnelle soit d’assurer l’accès à l’énergie alors même que la part de cette ressource ne cesse de diminuer dans l’économie globale.
Si l’accès à l’énergie est l’élément premier d’une politique énergétique, de nombreux autres enjeux doivent en faire partie et ne peuvent être négligés, incluant l’utilisation de l’énergie pour le développement économique, ce qui inclut l’équité d’accès à l’énergie, et pour l’amélioration de la qualité, tout cela dans le respect de l’environnement.
De l’énergie à profusion
La question de l’approvisionnement énergétique est trivialement résolue pour le Québec. Aujourd’hui, le monde, et encore plus l’Amérique du Nord, a accès à des ressources monumentales en pétrole, en gaz naturel et en charbon avec l’exploitation à grande échelle des réserves dites non traditionnelles que sont les shales chargés d’hydrocarbures, les réservoirs étanches et les sables bitumineux. Ces ressources ne sont pas infinies, mais elles sont suffisantes pour répondre aux besoins énergétiques de la planète durant encore plusieurs décennies. D’ici là, le Québec pourra accéder sans limites à ces ressources à condition qu’il soit prêt à payer le prix de marché, au même titre que les autres juridictions du continent. Il n’y a donc pas de souci à se faire.
Côté électricité, le Québec se retrouve aujourd’hui avec de très importants surplus qu’il ne sait pas valoriser. Ces surplus sont le résultat de l’application de la politique traditionnelle du Québec visant à poursuivre sans répit le développement de ses capacités de production en énergie renouvelable sans égard pour ses besoins réels ni ses capacités d’exportation. Annuellement, ils représentent environ 30 TWh, soit près de 20 % des besoins du Québec (environ 170 TWh). Sans marché interne, ils sont vendus, en bonne partie, à perte sur les marchés étrangers, grâce à une subvention annuelle de la part des consommateurs québécois qui dépassera le milliard de $ en 2016.
La transformation du contexte énergétique
Cette politique énergétique québécoise, qui favorise un accroissement soutenu de l’approvisionnement énergétique, trouve son origine dans une tendance mondiale caractéristique du XXe siècle. Le développement de la société contemporaine s’est appuyé sur une explosion de la demande énergétique. Les divers pays et États ont donc mis en place, à partir des années 1950, des mesures agressives pour assurer l’accès à l’énergie.
La croissance de la demande s’est toutefois rapidement stabilisée et depuis milieu des années 1970, environ, la consommation d’énergie par habitant dans le monde développé est reste presque constante, se détachant complètement de la croissance économique observée durant cette période (Fig. 1). Sur le terrain, les principaux acteurs mirent du temps à constater ce découplage. La crainte de pénurie générée par les crises énergétiques des années 1970 augmenta peut-être encore l’importance, pour les gouvernements, d’assurer un approvisionnement suffisant. C’est pourquoi, dans la majeure partie des pays développés, les politiques énergétiques de cette période se sont concentrées sur le développement soutenu des approvisionnements énergétiques visant, tout particulièrement, l’électricité.
Les stratégies adoptées pour y parvenir furent variables, bien sûr. Certains gouvernements choisirent de favoriser la construction de nouvelles sources de production, d’autres de viser l’approvisionnement interne par l’efficacité énergétique. Le but, pour tous, était toutefois de répondre à la croissance attendue de la demande.
Au cours des deux dernières décennies, de nombreux gouvernements ont constaté que cette approche n’était plus optimale. Alors que la demande énergétique des pays développés plafonne, le nouveau défi est maintenant de limiter changements climatiques causée, en bonne partie par les activités humaines. Les politiques énergétiques de nombreux pays développés ont donc pris de nouvelles orientations qui s’intègrent à des problématiques techniques et sociales beaucoup plus larges imposées par cette nouvelle donne.
Les vrais défis d’une politique énergétique au 21e siècle
Au Québec, la transformation du rôle de l’énergie dans la société avait déjà été perçue très clairement, il y a 20 ans, par les membres de Table de consultation du débat public sur l’énergie, créée en 1995 et dont le rapport final fut remis au ministre Guy Chevrette à la fin 1996. Ce rapport visionnaire, intitulé Pour un Québec efficace montrait déjà l’importance de repenser l’énergie non plus de manière indépendante, mais intégrée dans une vision plus globale dominée par des objectifs de développement durable. Si plusieurs des recommandations du rapport furent retenues dans la politique énergétique présentée la même année par le gouvernement du Parti québécois, incluant un renforcement du soutien à l’efficacité énergétique et la création de la Régie de l’énergie, les principes sous-jacents à une transformation plus profonde de la politique énergétique furent rapidement mis de côté et l’appareil gouvernemental retourna à ses vieilles habitudes.
Ce recul fut confirmé avec la politique énergétique 2006–2015, dont la teneur renvoyait aux approches retenues au début des années 1980. S’appuyant sur des prévisions de hausse de la demande en énergie tout à fait déconnectées de la réalité, mais aussi sur un prix du gaz naturel et de l’électricité en forte hausse sur le marché nord-américain, le gouvernement Charest mit à nouveau la question d’approvisionnement au cœur de sa politique, multipliant les projets hydrauliques et éoliens tout en soutenant la création d’une agence de l’efficacité énergétique chargée, avant tout, de cibler l’électricité et le gaz naturel.
Depuis, les gouvernements se sont entêtés à maintenir cette ligne d’action malgré la transformation majeure du marché de l’énergie nord-américain dès 2008. Pas question, en cours de route, de revoir la politique énergétique du Québec à la lumière des changements quitte à s’appauvrir de milliards de $ avec ces choix injustifiés.
La préparation d’une nouvelle politique énergétique devant mener le Québec jusqu’en 2025 est l’occasion de repenser à la fois les fondements de celle-ci et les mécanismes de mise à jour qui permettraient d’éviter de répéter le fiasco coûteux des dix dernières années. Puisque l’approvisionnement en énergie ne posera pas de problème pour le Québec au cours des prochaines années, une orientation centrée sur l’approvisionnement énergétique ne peut que nuire. L’accès à l’énergie étant assuré, l’attention doit maintenant se tourner vers son utilisation sur une planète qui a de plus en plus de difficulté à résister aux actions de l’humanité. Suivant l’exemple des réflexions menées ailleurs dans le monde développé, il faut se demander comment optimiser les choix énergétiques du Québec afin de maximiser les retombées positives pour sa population. Poser cette question revient à imposer une révision en profondeur de notre rapport à l’énergie dans toute son ampleur environnementale, sociale et économique.
Cette ampleur se décline à travers notre réalité quotidienne. On peut, toutefois, en extraire certains aspects plus directement reliés à l’énergie : les changements climatiques, le développement et la compétitivité économiques et l’augmentation de la qualité de vie de l’ensemble des citoyens.
L’énergie intégrée à l’objectif plus large de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES)
Au niveau mondial, l’énergie est responsable de plus des deux tiers des émissions de gaz à effet de serre causés par l’activité humaine. Au Québec, près des trois quarts, 73 % des émissions de GES sont dus à l’utilisation de l’énergie. Cette relation de cause à effet force toute réflexion sur l’énergie à s’intégrer dans la question plus large des changements climatiques.
Dans la plupart des pays développés, la lutte aux changements climatiques et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre occupe aujourd’hui le premier rang des préoccupations liées à l’énergie. Pour plusieurs, cette préoccupation se conjugue avec la possibilité de s’affranchir des fournisseurs étrangers en développant une production locale d’énergie renouvelable, grâce aux technologies éoliennes et solaires, ce qui permet de justifier des investissements importants dans ce secteur qui seront inévitablement assumés à la fin par les consommateurs.
La durée de vie des infrastructures de production énergétique se compte en décennies, allant d’une vingtaine d’années pour les éoliennes et le photovoltaïque et d’une cinquantaine d’années pour les centrales thermiques et nucléaires, à plus d’une centaine pour les barrages hydro-électriques. Il est donc essentiel de planifier avec soin ces investissements, afin d’éviter des dépenses inutiles, coûteuses et même contreproductives. Éviter ces problèmes et optimiser la transformation du secteur énergétique exige donc, avant toute action, la mise en place de cibles à long terme qui permettront d’orienter les investissements dans les infrastructures, mais aussi, bien en amont, ceux en recherche et développement.
De telles cibles projettent les gouvernements sur plusieurs décennies, jusqu’en 2050 ou 2060, aujourd’hui, avec des objectifs intermédiaires qui visent à structurer la transformation et à rendre plus tangible la projection à long terme.
Le Québec tarde à adopter de telles pratiques et ses cibles de réduction de GES s’arrêtent à 2020, dans moins de 5 ans. Pour la suite, c’est le brouillard total. Impossible, dans ce cas, de mettre en place une politique énergétique qui s’inscrive dans le mouvement mondial. Quelle qu’elle soit, à la fin, une planification à long terme est aujourd’hui essentielle pour orienter les investissements publics et privés, dont les plans d’affaires, qui portent sur le moyen et même long terme, se doivent d’incorporer les contraintes et les objectifs régionaux.
C’est pourquoi, à la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec, nous avions senti l’obligation d’introduire des cibles de réductions des émissions de GES pour le Québec avant toute autre recommandation, bien que cette question ne fasse pas explicitement partie de notre mandat. Suivant l’exemple européen, nous avions retenu des objectifs de réduction de 75 % des émissions de GES du secteur énergie d’ici 2050. Le choix de cette cible ne peut, bien sûr, revenir à quelques individus; c’est au gouvernement de mener une réflexion ouverte avant d’établir de telles cibles. Quoi qu’il en soit, il est impossible de mettre en place une politique énergétique pertinente au XXIe siècle sans pouvoir intégrer, en son cœur, les cibles de réduction de GES.
Viser le développement et la compétitivité économiques
Lorsque l’accès à l’énergie n’est pas un problème — dans le cas du Québec, toutes les sources d’énergie sont accessibles à profusion avec, bien sûr, quelques bémols —, une politique énergétique doit faire l’arbitrage entre les différentes options qui s’offrent et soutenir celles qui serviront mieux les intérêts des citoyens, en facilitant leur utilisation optimale.
De manière traditionnelle, l’aspect économique de l’utilisation de l’énergie est traité par l’efficacité énergétique. Il s’agit, pour une source d’énergie et un travail donnés, de s’assurer que les habitudes et les technologies minimisent son usage. L’approche d’efficacité énergétique néglige, toutefois, la nature de l’énergie. Ainsi, remplacer une fournaise au gaz naturel efficace à 60 % par une autre à 90 % d’efficacité est perçu comme la direction à suivre, même si le choix, par exemple, du bois de chauffage, dont le rendement énergétique est beaucoup plus faible, permettrait une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre en plus d’augmenter les retombées économiques locales.
En élargissant le nombre d’éléments pris en compte lors de l’utilisation de l’énergie, il est donc possible d’augmenter les retombées des choix et des investissements dans ce secteur. Pour cela, il est nécessaire de viser non plus les approvisionnements énergétiques, mais l’utilisation de l’énergie et d’adapter les objectifs à la réalité du secteur énergétique québécois.
Pas question, toutefois, d’importer les programmes directement de l’étranger, comme on l’a fait pour l’efficacité énergétique et de se retrouver avec des orientations sous-optimales pour le cadre québécois. Ainsi, dans presque tous les pays l’électricité est, en bonne partie, produite à partir d’hydrocarbures fossiles. La lutte aux changements climatiques, la réduction des dépenses et la compétitivité énergétique militent alors toutes pour placer l’utilisation de l’électricité au cœur des programmes de gestion énergétiques. Au Québec, avec plus de 99 % d’électricité d’origine renouvelable et des surplus qu’on ne réussit pas à rentabiliser, cibler l’électricité de dessert aucun de ces objectifs.
Plus qu’ailleurs en Amérique du Nord et dans le reste du monde, le Québec doit s’attaquer à la consommation de son secteur du transport ainsi qu’à celle du secteur commercial et institutionnel, où les hydrocarbures fossiles constituent toujours une source importante de chaleur, en évitant, pour le moment, des programmes agressifs pour le secteur résidentiel, à l’exception de l’utilisation du mazout. En parallèle, le Québec doit augmenter ses efforts pour transformer son secteur manufacturier et industriel en soutenant, pour des raisons purement compétitives ici, l’efficacité énergétique, mais dans un cadre beaucoup plus intégré, en évitant les silos imposés par le modèle actuel piloté par les distributeurs d’énergie.
Améliorer la qualité de vie des Québécois
Cibler la consommation énergétique plutôt que l’approvisionnement fait ressortir le couplage étroit entre l’énergie et la qualité de vie des citoyens. Ainsi, la diminution de l’usage du pétrole dans le transport ne peut se faire en changeant simplement la source d’énergie de la flotte actuelle. Il faudra revoir l’équilibre entre la voiture, les camions, le transport en commun et le transport actif et redéfinir l’objectif des transports qui ne doit plus viser à fluidifier le déplacement des véhicules, mais celui des individus et des marchandises. Une telle transformation de point vue exige de s’attaquer directement à l’aménagement du territoire et au mode de vie qui s’est installé depuis plus d’un demi-siècle en Amérique du Nord.
De tels changements ne peuvent se faire à la légère. Chaque étape doit s’intégrer dans objectif à long terme visant une amélioration globale de la qualité de vie des citoyens, ce qui ne se fera pas sans heurts ni sans perturber les habitudes bien enracinées. Les exemples à l’étranger montrent que des défis sont difficiles, mais payants. Ainsi, on a pu suivre la transformation de nombreuses villes européennes ou la place de la voiture fut réduite considérablement ces dernières années. Si ces décisions furent débattues âprement lorsqu’elles furent mises en place, elles recueillent aujourd’hui un massif de la part de citoyens qui reconnaissent ce qu’ils ont gagné en contrepartie.
La grande difficulté de ces transformations est qu’elles touchent des appareils gouvernementaux pour qui l’énergie n’est pas une priorité et dont le fonctionnement reste ancré dans le modèle de développement mis en place au début des années 1950. Incapable de mettre à jour ses façons de faire, le Québec semble particulièrement résistant à la modernisation de ses approches et, plus encore, à celle des ses objectifs. Cette résistance n’était pas handicapante lorsque les fonds permettaient de lancer des initiatives ciblées tout en maintenant un fond immuable. Aujourd’hui, ce n’est plus possible, et toute prise de risque semble interdite.
La nécessaire transformation de la gestion de l’énergie
Les décisions qui se prennent aujourd’hui au Québec dans le secteur énergétique se font à la pièce, tirant dans des directions opposées et avec, très souvent, des conséquences délétères pour l’économie, l’environnement et la qualité de vie de ses citoyens. Au final, ces décisions coûtent des milliards de $ annuellement au Québécois pour des services mal pensés, mal ajustés et qui limitent la capacité de la province à se positionner sur la scène internationale.
Transformer cette approche exige des modifications en profondeur de la gouvernance en énergie au Québec. Des modifications qui peuvent s’appuyer sur des exemples étrangers qui ont fait leur preuve, tant en Angleterre, dans certains États américains que dans les pays scandinaves [1].
Les principes sont simples : de nouvelles structures sont nécessaires pour l’élaboration des objectifs, la mise en place des programmes et l’évaluation des résultats et ces structures doivent avoir une portée multisectorielle. C’est dans cette optique, par exemple, que la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec (CEEQ) a proposé :
1. la création d’un comité ministériel présidé par le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles et rassemblant tous les ministres touchés par l’énergie — incluant le transport, la construction, l’aménagement du territoire, les municipalités et l’environnement — et dont le mandat serait d’établir des objectifs et de s’assurer que les décisions soient cohérentes;
2. la création de la Société pour la maîtrise de l’énergie du Québec, qui rapatrierait les mandats du bureau de l’efficacité et de l’innovation énergétiques, ainsi que ceux dévolus à Hydro-Québec et aux distributeurs d’énergie; financée à l’aide d’une taxe de 2 % sur la valeur de l’énergie (soit environ 600 millions $ par année), la société aurait pour mandat (i) d’atteindre les objectifs en matière de réduction de gaz à effet de serre dans le secteur de l’énergie et (ii) d’optimiser l’usage de l’énergie au profit des Québécois, suivant les orientations discutées ci-dessus;
3. l’élargissement du mandat et des capacités de la Régie de l’énergie qui (i) rapatrierait la supervision de l’ensemble des activités d’HQ; (ii) serait responsable d’approuver les plans stratégiques de la Société pour la maîtrise de l’énergie du Québec (SMEQ), de vérifier la qualité de ses résultats et d’approuver les budgets de la SMEQ en fonction de ses résultats — la Régie aurait la capacité, également, de se tourner vers d’autres fournisseurs si la SMEQ ne livrait pas la marchandise; (iii) de faire la collecte et la publication des données associées à l’énergie au Québec.
4. la création d’un organisme de recherche et de soutien au gouvernement dans le secteur de l’énergie, qui aurait la responsabilité de développer une capacité de modélisation et d’analyse et celle de la communication neutre avec le public.
Le modèle proposé n’est pas la seule structure pouvant livrer la marchandise. Il reproduit, toutefois, ce qu’on retrouve de mieux à l’étranger, lorsqu’on doit traiter de questions qui transcendent les silos ministériels et s’insèrent dans tous les aspects de notre vie quotidienne et de l’économie. Ce modèle accorde, de plus, une place importante à la reddition de compte, tant d’un point de vue financier que des résultats obtenus, un aspect qui est trop souvent négligé dans les structures de gouvernance québécoises et canadiennes.
Avancer, enfin?
La politique énergétique du Québec du début des années 1960 aux années 1990 peut être vue, en bonne partie, comme un succès, ayant mené à une transformation profonde de son patron de consommation et de production d’énergie. En s’entêtant à ne pas dévier de ce modèle, toutefois, les gouvernements qui se succèdent depuis 20 ans tournent en rond et multiplient les décisions coûteuses qui embourbent notre économie plutôt que de la préparer à relever les défis d’aujourd’hui et de demain.
La voie à suivre est claire. Si elle nous force à modifier nos façons de faire, elle promet des retombées importantes pour le Québec qui pourrait, s’il le désirait, profiter de ses nombreux avantages pour réaliser la prochaine transition énergétique avant le reste de la planète. Pour cela, il faudra de l’ambition et de la vision. Saurons-nous relever le défi?
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[1] Voir, par exemple, Social-démocratie 2.0, le Québec comparé aux pays scandinaves, dir. Stéphane Paquin et Pier-Luc Lévesque, Presses de l’Université de Montréal (2014).