Pub 2017

pub fondaction

 


 

Sommaire
Volume 8, no 2
Les faits saillants de l'étude d'impacts sociaux et économiques

 Pour télécharger le fichier pdf, cliquez ici

Les faits saillants de l’étude d’impact social et économique

 

Huguette Lépine
Directrice générale du Réseau Accorderie



En 2014, une étude réalisée par la firme Recherche Action Innovation et financée par la Caisse d’économie solidaire et la Fondation de la Famille J.W. McConnell visait à identifier les impacts sociaux et économiques des Accorderies sur la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Il s’agissait de prendre la mesure des retombées des Accorderies après dix ans d’existence [1]

La recherche a tenté de répondre aux questions suivantes :
  •   En quoi le caractère singulier du modèle Accorderie contribue-t-il à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale tout en s’inscrivant dans une voie de transformation sociale complémentaire aux modèles existants et enrichissante pour la société ? 
 •    Les Accorderies rejoignent-elles les personnes en situation de pauvreté et d’exclusion sociale ? 
 •    Les Accorderies rejoignent-elles les territoires de défavorisation selon les critères de mesure adoptés par les instances publiques ? 

C’est ainsi qu’ont été réalisé :
 •   Un portrait des Accorderies et des accordeurs à partir de la banque de données du Réseau Accorderie colligées sur 12 années ; 
 •   Une analyse de cinq Accorderies, lesquelles comptent 80 % des membres AccordeurEs. Ce sont les suivantes : Québec, Montréal-Nord, Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Sherbrooke et Trois-Rivières. 
 •    Une enquête auprès des AccordeurEs, réalisée en août 2014, à laquelle 613 AccordeurEs ont répondu. 
 •    Les informations tirées des échanges entre les membres d’un groupe de travail qui ont participé à quatre journées de travail. 
 •    Une revue de littérature en référence à des chercheurs spécialistes de la question [2]

Les constats [3]


1. Les Accorderies sont une ressource de proximité 
  •   Les Accorderies sont localisées au cœur des communautés où résident les populations vivant dans les conditions les plus désavantageuses. Elles sont implantées dans des territoires de défavorisation matérielle et sociale élevée.
 •    Alors que les indices de défavorisation dans les territoires rejoints par les Accorderies sont élevés, on observe que les AccordeurEs sont eux-mêmes ou elles-mêmes en situation de plus grande vulnérabilité en rapport aux données officielles d’un territoire. Cette situation est particulièrement évidente concernant les revenus familiaux très bas et le taux de personnes seules chez les AccordeurEs. 

2. Elles rejoignent les personnes les plus vulnérables de la société 
  •    Les personnes seules représentent de 40 % des AccordeurEs, quelques fois davantage lorsqu’on considère chaque Accorderie. Ces personnes sont en tête de lice quant à la proportion des échanges et quant à l’implication dans les activités collectives et associatives au sein des Accorderies. 
  •    Les femmes constituent les deux tiers des AccordeurEs pour toutes les Accorderies du Québec. 
 •    Le cinquième des AccordeurEs tire un revenu familial en dessous de 10 000 $ et près de la moitié sont sous le seuil de 20 000 $. Dans certaines Accorderies, c’est 60 % des AccordeurEs qui vivent avec un revenu sous les 20 000 $ par année (Montréal-Nord). 

3. Elles se caractérisent par une forte mixité 
  •    Les AccordeurEs sont majoritairement des personnes sans emploi (18,7 %), des retraités (14 %), des étudiants (12,9 %) et des salariés, travailleurs autonomes et dans une moindre mesure, propriétaires d’entreprises. 
  •    Les membres des Accorderies appartiennent à tous les groupes d’âge selon des proportions équilibrées. 11 
  •   Une variété des talents et de compétences repose sur un nombre d’AccordeurEs toujours en croissance, favorisant une accélération des échanges. On compte, en juillet 2014, 3125 AccordeurEs répartiEs dans 12 Accorderies au Québec.

4. Elles s’insèrent dans la dynamique communautaire et celle de l’économie sociale
 •    Les Accorderies sont une composante issue de la dynamique d’action communautaire et de l’économie sociale. Leur création découle d’une décision prise par des organismes visant la revitalisation d’un milieu et la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.
  •    L’étude réalisée auprès des AccordeurEs en août 2014 révèle la forte implication des AccordeurEs dans leur communauté. L’engagement réfère autant à l’action communautaire qu’à des projets de développement social et économique.

5. Les Accorderies favorisent la socialisation, l’autonomie et la responsabilisation 
  •   Les ateliers, les formations, les groupes d’achats et les activités associatives sont assumés par les membres AccordeurEs.  
  •   Près du tiers des heures transigées (29 %) est consacré au fonctionnement et aux opérations des Accorderies. 
  •  L’identification des besoins et leurs réponses sont sous la responsabilité directe de l’AccordeurE, favorisant ainsi son autonomie. 
  •  Par leur organisation en Réseau, les Accorderies créent une cohésion qui permet de maintenir le cap de la mission et d’une vision partagée, de mettre en œuvre une direction commune, de structurer l’offre en fonction des enjeux et d’échanger des expertises et des savoir-faire au bénéfice de l’ensemble. 

6. La singularité des Accorderies par leur caractère d’innovation sociale en contribution à l’économie plurielle
 •  Les Accorderies par leur singularité et leur caractère d’innovation sociale sont un modèle qui ajoute aux différentes composantes de l’économie sociale et de l’action communautaire. Alors qu’elles s’inscrivent et participent à une culture de mobilisation et d’action collective, leur contribution est un enrichissement à la dynamique locale en agissant de façon différente, mais complémentaire à ce qui existe.

Selon les informations colligées, six contributions des Accorderies ont été identifiées :
 •  la réponse à des besoins économiques par l’amélioration des conditions de vie, 
 •  la création ou le maintien de liens sociaux, 
 •  le développement de compétences par la pratique des talents, 
 •  la création et l’accélération d’un cycle continu de relations par l’échange, 
 •  l’engagement et la participation au sein de l’Accorderie et au sein de la communauté d’appartenance, 
 •  le sentiment vécu par l’AccordeurE qu’il ou elle peut « changer le monde » par son action avec d’autres au sein de la société. 

Cependant, lorsque l’on croise les motivations à être AccordeurEs et les tranches de revenus, l’option « J’économise de l’argent » est la plus importante chez les moins fortunés. Les AccordeurEs disposant d’un revenu de 10 001 $ à 20 000 $ priorisent dans leurs trois premiers choix, le fait d’économiser de l’argent à hauteur de 32,8 %. Or, 26,3 % choisissent l’option « Changer la société » dans leurs trois premiers choix. Cette tendance à prioriser l’économie d’argent s’applique aussi chez les AccordeurEs dont les revenus sont en dessous de 10 000$. En contrepartie, les AccordeurEs plus fortunés, soit les 50 001 $ et plus, expriment clairement leur motivation première qui consiste à changer la société. Finalement, les AccordeurEs dont les revenus se situent entre 20 001 et 30 000 $ priorisent dans une mesure équivalente les deux motivations.

Regard statistique des Accorderies [4] 


Les Accorderies et les AccordeurEs en 2014
 •  Les deux tiers des AccordeurEs des douze Accorderies étaient des femmes. 
 •  Les AccordeurEs étaient des personnes vivant seules dans une proportion élevée, soit 40,1 %. Cela explique en partie la fragilité de la situation financière des AccordeurEs. 
 •  Plus de 50 % des AccordeurEs disposaient d’un revenu familial en dessous de 20 000 $, le quart d’entre eux se situant sous les 10 000 $. En comparaison, le revenu familial moyen d’un ménage de plus d’une personne au Québec atteignait 69 416 $ en 2011 alors que celui d’un ménage composé d’une seule personne était de 29 306 $. Le taux de personnes vivant en dessous de la barre des 10 000 $ est de 3,1 % au Québec (2011). 
 •  21,9 % des AccordeurEs des 12 Accorderies étaient des personnes immigrantes. 
 •  Dans Montréal-Nord, 47,4 % des AccordeurEs sont immigrants. En comparaison, dans l’ensemble du Québec, les personnes immigrantes représentent 12,6 % de la population totale (2011). 
 •  Nous observons une grande mixité entre les AccordeurEs, notamment entre les différents groupes d’âge et les statuts sociaux et économiques. 
 •  Outre le groupe 26-35 ans, qui représente près du quart des AccordeurEs, la répartition des autres groupes d’âges est équilibrée. Par exemple, 17,7 % des AccordeurEs ont entre 36 et 45 ans et 18,6 % sont dans le groupe des 56 à 65 ans. 
 •  L’AccordeurE était le plus souvent référé par un ami, ceci dans une proportion variant de la moitié aux deux tiers selon l’Accorderie. Seule l’Accorderie de Montréal-Nord différait avec un taux de référencement provenant des organismes ou institutions plus élevé (28 %). 
 •  On observait une proportion élevée d’AccordeurEs sans courriel à Montréal-Nord, secteur nord-est (37 %) de même qu’à Montréal-Nord (27,3 %). Ce facteur constitue un risque de fragilisation lié à la fracture numérique. 
 •  Finalement, le taux élevé de personnes immigrantes concentrées dans le territoire de Montréal Nord et Montréal Nord-est ajoutait à la fragilisation des AccordeurEs.

Les transactions
 •  Au 31 mars 2013, sur une décennie, 74 648 heures avaient été échangées pour 31 775 transactions entre les membres. La durée moyenne d’une transaction est d’un peu plus de deux heures. Toutefois, il en va différemment des services associatifs, ceux qui permettent d’assurer le fonctionnement et la vie associative de l’Accorderie. 
 •  22,9 % des transactions sont des échanges associatifs, c’est-à-dire des transactions portant sur les activités nécessaires au fonctionnement des Accorderies. 
 • Les échanges individuels représentent près de 40 % des transactions réalisées par les AccordeurEs sur une décennie. Suivent les échanges collectifs (25,1 %) et ensuite les échanges associatifs (22,9 %). 
 •  Les AccordeurEs ayant un revenu de moins de 20 000 $ utilisent davantage les services pour toutes les catégories de services. Les achats regroupés sont les services les plus fréquemment utilisés. Passent ensuite les travaux d’entretien et de jardinage et au troisième rang, la prévention en santé, maternité et esthétique. En quatrième et cinquième rangs, ce sont les services de transport/déménagement et d’art, culture et éducation qui sont échangés plus fréquemment. 
 •  Le service le plus utilisé est l’achat regroupé. Une exception a trait à l’entretien et le jardinage, surtout transigés par les retraités. 
 •  Les personnes seules sont nettement plus nombreuses dans les Accorderies tout en étant les plus grandes utilisatrices des services. 

Dans l’Accorderie, le tiers d’AccordeurEs limitent leurs activités aux échanges individuels. Une autre partie, équivalente, s’implique dans les activités collectives et associatives au sein de l’Accorderie. Ceux-là assurent le fonctionnement et les opérations de l’Accorderie et permettent une autonomie et une prise en charge responsable de l’organisme. Les groupes d’achats, le crédit solidaire ainsi qu’une part importante du fonctionnement et de la vie associative relèvent de l’échange en monnaie sociale. Les AccordeurEs sont dans une dynamique d’échanges égalitaires de sorte que les activités autonomes le resteront à moyen et à long terme. À ce titre, nous avons insisté sur la particularité du modèle Accorderie qui favorise l’accélération du cycle des relations par l’échange et par la diversité et le nombre d’AccordeurEs.

Plusieurs AccordeurEs, finalement, s’engagent dans leur communauté à titre de représentants et de représentantes de leur Accorderie, donc en heures échangées, ou à titre individuel. L’enquête effectuée auprès des AccordeurEs révèle l’importance de cet engagement, de même que le rapprochement avec la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Ce rapprochement se manifeste dans des activités reliées à l’action communautaire et par des projets de développement en phase avec l’économie sociale.

Ce qui n’est pas soutenu financièrement dans l’Accorderie, ce sont les activités de préservation et du développement des stratégies et activités liées à la mission de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Dans l’Accorderie, l’échange en monnaie sociale est assujetti à la mission. Cela fait en sorte qu’une part du financement doit permettre de faire vivre la mission.

En termes concrets, ce financement de la mission porte sur le travail lié au maintien et au développement, soit l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies visant la cohésion du mouvement Accorderie (Réseau) d’une part, et au travail de coordination et d’animation au sein de chaque Accorderie, d’autre part.

La lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale permet l’amélioration des conditions de vie, favorise le maintien et la création de liens sociaux, contribue à développer des compétences. Les Accorderies valorisent positivement l’engagement et la participation au sein du milieu de vie. Elles inspirent suffisamment confiance pour que les AccordeurEs déploient des énergies pour transformer la société.

Outre les retombées observées, la singularité du modèle Accorderie relève d’une vision globale de la société. L’Accorderie est une innovation sociale qui peut jouer un rôle de transformation de la société en relation avec les acteurs de l’économie plurielle. Elle est un modèle de transformation de la société qui contribue à enrichir la société.

Mise à jour


En février 2017, on comptait 13 Accorderies au Québec et une quatorzième en développement dans la région de la Vallée de la Matapédia. Pour l'année 2016-2017, on dénombrait 4 093 membres, 24 394 heures échangées pour 10 850 transactions.

Depuis les premiers échanges en 2004, 149 861 heures ont été échangées pour un total de 68 799 transactions.

On peut aussi consulter le document « L’Accorderie en bref » pour prendre connaissance d’informations complémentaires sur les Accorderies du Québec.

_____________________________

 [1] Brassard, M.-J. (2015), Mission et innovation sociale : Les Impacts des Accorderies sur la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, 53 pages page 13
 [2] Idem, p. 9
 [3] Idem p. 10
 [4] Idem p. 32
 

Vous lisez présentement:

 
Accorderies : 15 ans d'innovation sociale
avril 2017
Inspiré par cette idée forte que les Accorderies participent à une transformation sociale là où elles s'implantent, ce numéro donne la parole à des chercheurs et à des intervenants actifs dans ces réseaux, pour montrer que ce type d'initiatives permet de contribuer à l'amélioration des conditions de vie, de favoriser le maintien et la création de liens sociaux, et de développer la participation au sein des divers milieux de vie.
     
Tous droits réservés (c) - Éditions Vie Économique 2009| Développé par CreationMW