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Les Accorderies de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve et de Montréal Nord
Isabelle Desrochers
Coordonnatrice des Accorderies de Montréal-Nord et de Montréal Mercier-Hochelaga-Maisonneuve
Les Accorderies de Montréal-Nord et de Montréal Mercier-Hochelaga-Maisonneuve ont la particularité d’avoir été implantées par le même organisme porteur, Parole d’excluEs. Comme chaque Accorderie, les deux organisations ont pris les couleurs des milieux ou elles ont été implantées, se développant selon les réalités locales, tout en travaillant sur des enjeux transversaux émanant des besoins et aspirations identifiés par les citoyens.
C’est dans le cadre de son projet-pilote de mobilisation citoyenne contre l’exclusion sociale par le logement communautaire, théorisé et opéré grâce à l’alliance fondatrice entre Parole d’excluEs et la Société d’habitation populaire de l’Est de Montréal (SHAPEM), que l’idée de développer des Accorderies sur ces territoires est née. La démarche prend ancrage au cœur de logements sociaux et communautaires acquis, rénovés et gérés par la SHAPEM. En ce sens, dès le début du processus, un local communautaire est ouvert pour permettre aux citoyens de se rencontrer et de mettre en action le projet de mobilisation.
Dans ce contexte, le modèle Accorderie, avec sa mission de lutte à la pauvreté et à l’exclusion sociale par l’animation d’un réseau d’échange de services, apparaissait comme une réponse directe et concrète aux défis du quotidien rencontrés par les citoyens. C’est donc avec l’objectif d’être un levier à la mobilisation citoyenne que Parole d’excluEs implante le modèle Accorderies, en premier lieu sur le territoire de l’îlot Pelletier à Montréal-Nord (2007), puis sur celui de l’ancienne biscuiterie Viau à Hochelaga-Maisonneuve (2008). De plus, avec ses valeurs d’entraide, de solidarité et de coopération et son fonctionnement favorisant le développement du pouvoir d’agir, l’Accorderie dans un contexte urbain déstructuré contribuait largement à la création de liens sociaux entre des citoyens résidant sur le même territoire, permettant ainsi la construction de communautés solidaires.
Pour mener à bien son grand projet de mobilisation citoyenne, Parole d’excluEs compte sur un ensemble de partenaires (un système d’acteurs) qui partagent ses valeurs et sa vision dont les Accorderies de Montréal-Nord et de Montréal Mercier-Hochelaga-Maisonneuve font partie intégrante.
Source : http://www.parole-dexclues.ca/a-propos/acteurs-du-modele-daction/
Deux Accorderies : un modèle de gestion
L’implantation de l’Accorderie de Montréal Mercier-Hochelaga-Maisonneuve (MHM) en 2008, soit un an après celle de Montréal-Nord, pose rapidement la question de la cohérence. Comment arrimer le développement des deux organisations qui travaillent dans le même modèle d’action de Parole d’excluEs tout en respectant les particularités des territoires et l’autonomie démocratique des deux Accorderies ? Pour répondre à ce défi, il a été décidé d’engager un seul coordonnateur pour les deux Accorderies dont le mandat était d’assurer une synergie dans le développement des deux structures dans le respect des principes du modèle d’action de Parole d’excluEs.
Outre ce souci de cohérence, le coordonnateur avait pour mandat d’assurer l’incorporation des deux structures afin que ces dernières ne soient plus simplement des projets, mais bien des organismes autonomes sur le plan juridique. Avec l’incorporation est venue la nécessité de créer deux conseils d’administration (un pour chacune des deux Accorderies), pour lesquels les principes de cohérence et de coopération systématiques ont également été appliqués : en effet, dès le départ, les deux conseils d’administration et les deux assemblées générales ont convenu de tenir leurs différentes instances démocratiques simultanément afin que les débats et les discussions s’orientent vers des positions conjointes et guident ainsi la vision et les actions des deux Accorderies. Avec le temps, le modèle s’est perfectionné en s’appuyant sur l’expertise des salariés qui circulent sur les différents sites et gèrent des projets relatifs aux deux Accorderies ; par exemple, le responsable du groupe d’achat gère ce projet à la fois sur MHM et sur Montréal Nord.
L’Accorderie un modèle qui développe le pouvoir d’agir citoyen : l’exemple de l’alimentation
À Montréal-Nord, l’étude des besoins et des aspirations des résidents de l’îlot Pelletier menée par l’Incubateur universitaire de Parole d’excluEs (IUPE) a fait ressortir des priorités d’action. L’une d’entre elles est l’accès à une alimentation saine, de qualité et abordable. Rassemblés au local, les citoyens décident collectivement que la mise sur pied d’un groupe d’achats permettrait de répondre à cette nécessité. Les AccordeurEs de Montréal-Nord travaillent alors accompagnés par l’Accorderie et Parole d’excluEs aux balbutiements d’un groupe d’achats inspiré du modèle qui était déjà actif à l’Accorderie de Québec. Le bon de commande, le lien avec les fournisseurs, l’accueil, le portionnement et la division des commandes sont effectués par des AccordeurEs rémunéréEs en temps, alors que tous les membres qui passent une commande, donnent 2 heures de leur temps en banque. Avec les années, le groupe d’achats s’est développé, donnant lieu à des moments conviviaux souvent accompagnés d’une activité de cuisine solidaire. Tout d’abord basé uniquement à Montréal-Nord, l’Accorderie de MHM a par la suite été intégrée comme un deuxième point de chute. Cette expérience collective aussi positive soit telle a laissé une question : comment approfondir la démarche ? Comment aller plus loin pour garantir aux citoyens de Montréal-Nord une alimentation saine, de qualité et abordable ?
En parallèle, divers partenaires de l’arrondissement de Montréal-Nord sur la sécurité alimentaire se mobilisaient pour trouver des solutions innovantes et structurantes afin de s’attaquer à l’enjeu de l’autonomie alimentaire durable. Parole d’excluEs, maître d’œuvre de cette démarche et l’Accorderie de Montréal-Nord se sont associés à trois autres partenaires du milieu pour conceptualiser un modèle de coopérative alimentaire basée sur les mêmes principes de réciprocité, de temps (les membres doivent s’impliquer trois heures par mois) et d’entraide que le groupe d’achats de l’Accorderie. Cette coopérative de distribution alimentaire de Montréal-Nord a finalement été incorporée comme structure autonome le 14 novembre 2014. Depuis ce jour, Panier Fûté Coop n’a cessé de grandir et touche à présent 13 points de chute et plus de 180 membres.