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Sommaire
Volume 8, no 2
Introduction au numéro : présentation des contributions

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Introduction au numéro : présentation des contributions


Accorderies : 15 ans d’innovation sociale

 

Gilles L. Bourque,
Chercheur à l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC)
Éditeur de la Revue vie économique



La Revue vie économique, une initiative de la coopérative Éditions Vie Économique, poursuivie sous la direction de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) depuis 2015, présente avec ce numéro le dernier d’une longue série de dossier sur la vie économique actuelle, principalement québécoise. Accessible gratuitement sur le web, la revue se voulait un lieu de débat et de réflexion sur l’identité économique du Québec, dans toutes ses dimensions, dans ses pratiques autant que dans ses savoirs. Chaque parution comprenait un dossier sur un thème spécifique. Au cours de nos huit ans d’édition, nous avons ainsi produit 30 dossiers sur des thèmes variés, mais tous ancrés dans des expériences et des enjeux pertinents du modèle québécois de développement.

Ce dernier numéro, qui a été préparé en collaboration avec Bettina Cerisier, coordonnatrice de l’Accorderie de Québec, et Huguette Lépine, directrice générale du Réseau Accorderie, propose une réflexion sur l’innovation québécoise des Accorderies. Malgré qu’elle soit encore relativement méconnue, cette expérience québécoise fêtera en 2017 son quinzième anniversaire puisque la première Accorderie, celle de la ville de Québec, a été créée en 2002. Le Réseau Accorderie, qui regroupe présentement 14 Accorderies sur l’ensemble du territoire du Québec, fêtait quant à lui son dixième anniversaire en 2016.

L'Accorderie est un système d'échange de services entre individus et d'éducation à la coopération. Il a pour mission de lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale en permettant à ses membres (les AccordeurEs) de s'échanger des services de toutes sortes sur la base d’un principe simple et original : il propose aux habitants d’une même localité de se regrouper pour échanger leurs savoir-faire sans aucune contrepartie financière. Il y a néanmoins des transactions (des échanges de services entre membres). En ce sens, on peut parler de l’utilisation d’une monnaie sociale comme moyen d’échange, même si elle n’est pas l’objectif visé par les Accorderies, contrairement à plusieurs autres initiatives d’échanges locaux. Le modèle de monnaie sociale utilisé par les Accorderies est le temps : une heure égale une heure. Or, puisque tout le monde possède du temps, tous les AccordeurEs possèdent un certain niveau de richesse à partager avec les autres membres.

Comme on peut le constater dans la figure suivante, le mouvement des Accorderies, comme c’est le cas pour toutes les innovations de rupture, a connu des premières années difficiles. En 2006, il n’avait encore que 100 membres actifs, et un peu plus de 1500 heures échangées entre eux. C’est en 2008-2009 que le mouvement commence vraiment à prendre de l’ampleur, multipliant pas 10 ses membres et par 4 les heures échangées, en se diffusant plus largement sur le territoire québécois. Aujourd’hui, le réseau québécois a franchi la barre des 4 000 membres et probablement aussi dépassé celle des 25 000 heures échangées.

Figure 1. La ligne de temps d’un mouvement en essor
fig1

Cette nouvelle forme de solidarité et d’entrepreneuriat social qui permet, à la fois, de répondre aux besoins de personnes en situation de pauvreté ou d’isolement, tout en favorisant la mixité sociale sur un territoire donné, a connu un succès au Québec, mais également ailleurs. En effet, l’innovation s’est aussi propagée en France, en Belgique et bientôt au Maroc. En France, le Réseau des Accorderies (créé en 2013 par la Fondation Macif, le Secours Catholique et la Caisse des Dépôts et Consignation) regroupe déjà 29 Accorderies, avec un peu plus de 8000 AccordeurEs et plus de 30 000 heures échangées.

Inspiré par cette idée forte que les Accorderies participent à une transformation sociale là où elles s’implantent, l’objectif de ce numéro de la Revue vie économique est de contribuer à cette transformation par la diffusion du message. En donnant la parole à des chercheurs et à des intervenants actifs dans ces réseaux, nous voulons montrer que ce type d’initiatives permet de contribuer à l’amélioration des conditions de vie, de favoriser le maintien et la création de liens sociaux, et de développer la participation au sein des divers milieux de vie.

Présentation des contributions


Le premier article de ce numéro est une contribution commune de Joël Lebossé et de Léopold Beaulieu. Le premier est aujourd’hui directeur général de NEF Investissement, une institution de la finance solidaire française alors que le second est président-directeur général de Fondaction. Les deux auteurs sont les idéateurs de la première Accorderie qui sera fondée à Québec. Dans leur contribution, ils nous ramènent au contexte de la fin des années 1990 et du début des années 2000, de leur propre cheminement dans le domaine l’économie sociale et solidaire ainsi que des démarches qui les ont conduits à s’engager, avec d’autres personnes, dans la création d’un tout nouveau type de système d’échange. En ce sens, leur contribution est particulièrement éclairante pour comprendre l’originalité des Accorderies. Sa mise au monde n’a pas été le fait d’un processus linéaire. On voulait d’abord répondre à un problème de perte d’accès au service bancaire pour les personnes démunies et on a fini par élaborer, avec eux, une « banque de compétences » tissée autour de liens de confiance. 

La contribution suivante nous vient de Pascale Caron, qui fut présidente de l’Accorderie de Québec de 2002 à 2010 et qui est maintenant présidente du Réseau des Accorderies de France, puisqu’elle est retournée dans son pays d’origine il y a quelques années. De sa position privilégiée, qui lui a permis d’assister à la mise en forme des premières expériences d’Accorderie au Québec et en France, Pascale nous présente les conditions qui auront permis, dans les deux cas, de construire une organisation solide qui a pu par la suite essaimer sur les deux territoires. Son texte, complémentaire à celui de Lebossé-Beaulieu, nous fait ainsi comprendre l’exercice d’institutionnalisation qu’il a fallu mener pour consolider le mouvement.

C’est avec la contribution suivante, qui nous vient d’Huguette Lépine, directrice générale du Réseau Accorderie, qu’on peut cependant prendre la mesure des retombées des Accorderies. En s’appuyant sur une étude réalisée par la firme Recherche Action Innovation, qui visait à identifier les impacts sociaux et économiques des Accorderies sur la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale après sa première décennie d’existence, le texte dresse un constat global de succès de la formule. L’auteure reprend systématiquement les faits saillants des résultats de la recherche sur les Accorderies : les caractéristiques des personnes rejointes et des territoires couverts, les dynamiques qu’elles créent, leur singularité mais aussi les motivations de ceux et celles qui y participent. Les statistiques sont nombreuses et parlantes.  

Les contributions qui suivent présentent quatre expériences originales d’Accorderie. La première nous vient de Bettina Cerisier, coordonnatrice de l’Accorderie de Québec. On l’a vu précédemment, cette Accorderie a été la première à être mise sur pied. Dans son texte, Bettina en fait un court rappel puis nous présente les faits saillants de la vie de l’Accorderie dont elle coordonne les activités : le territoire couvert, le portrait des AccordeurEs qui y sont actifs, son évolution récente. Au-delà des règles qui gouvernent le bon fonctionnement de l’organisation, elle nous présente des exemples concrets qui expliquent le succès de cette Accorderie qui en juin prochain va souffler ses 15 bougies.

La contribution suivante présente deux Accorderies de la métropole, soit celle de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve et celle de Montréal Nord. Ces Accorderies ont la particularité d’avoir été implantées par le même organisme porteur, Parole d’excluEs, et d’avoir également la même coordonnatrice, Isabelle Desrochers, qui est l’auteure de ce texte. Après avoir présenté le contexte particulier de leur création, elle explique le modèle de gestion adopté qui permet de respecter les particularités des territoires et l’autonomie démocratique des deux Accorderies. Elle termine sa présentation en prenant l’exemple des enjeux pour l’accès à une alimentation saine, de qualité et abordable pour montrer le rôle actif d’action citoyenne que peut jouer des systèmes d’échange tels que les Accorderies.

C’est l’Accorderie de Sherbrooke que nous présente, dans la contribution suivante, Yvon Bonneau, son coordonnateur. Il nous présente la formule innovatrice que cette Accorderie a imaginée pour financer son fonctionnement : un partenariat d’intercoopération entre l’Accorderie de Sherbrooke et la coopérative de l’Université de Sherbrooke. Ce partenariat visait à accroître, d’une part, l’autofinancement de L’Accorderie et, d’autre part, la visibilité de la coopérative et ainsi élargir sa clientèle. D’ores et déjà, la formule semble gagnante.

Enfin, la dernière Accorderie présenté dans ce numéro, par sa coordonnatrice Christine Tanguay, est celle de Portneuf. Sa particularité : elle couvre un vaste territoire en milieu rural (les 18 municipalités de la MRC). Pour se diffuser correctement sur l’ensemble de ce territoire, il fallait donc innover. Christine Tanguay souligne les efforts et les formules qui ont été adoptées pour créer cette solidarité autour de ce modèle d’Accorderie rurale.

L’avant-dernier texte, produit par la directrice générale du Réseau Accorderie, Huguette Lépine, nous présente comment il faut s’y prendre pour démarrer une Accorderie. Deux étapes prioritaires, nous dit-elle d’emblée : mobiliser sa communauté et formuler demande d’adhésion au Réseau Accorderie, avec plan d’affaires. Le Réseau Accorderie ayant pour mission d’agir pour la transformation sociale en accompagnant le développement des Accorderies, le Réseau a tout intérêt à ce que les projets soient des succès. C’est pourquoi elle souligne que, peu importe l’endroit dans le monde où naitra une Accorderie, un projet devra respecter dix conditions essentielles pour prétendre à devenir une Accorderie. Elle termine sa contribution en présentant les quelques conditions qui devraient par ailleurs permettre d’en assurer le succès.

Finalement, ce numéro se clôt sur les témoignages, recueillis par Joël Lebossé, d’Alain Philippe et François Soulage, qui nous racontent la petite histoire d’un transfert réussi du Québec vers la France. Ces deux acteurs importants du mouvement de l’économie sociale en France ont entendu parler des Accorderies lors d’une visite au Québec. Après une visite approfondie où ils se sont fait expliquer les enjeux, les choix d’organisation, le fonctionnement au quotidien, ils ont décidé de reproduire le concept en France et celui-ci y a été largement développé depuis. Il faut lire ces témoignages qui nous font à la fois comprendre la profondeur des engagements des partenaires français et l’originalité des Accorderies.

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Accorderies : 15 ans d'innovation sociale
avril 2017
Inspiré par cette idée forte que les Accorderies participent à une transformation sociale là où elles s'implantent, ce numéro donne la parole à des chercheurs et à des intervenants actifs dans ces réseaux, pour montrer que ce type d'initiatives permet de contribuer à l'amélioration des conditions de vie, de favoriser le maintien et la création de liens sociaux, et de développer la participation au sein des divers milieux de vie.
     
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