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Sommaire
Volume 2, no 4
Les femmes et la retraite

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Les femmes et la retraite


Ruth Rose,
professeure associée de sciences économiques, UQAM


Malgré des progrès importants, les femmes continuent d'être moins présentes sur le marché du travail que les hommes. Leur taux d'activité est moindre à tous les âges et elles travaillent plus souvent à temps partiel et dans des emplois précaires et mal payés. Même lorsqu'elles ont les mêmes diplômes que les hommes et travaillent dans la même profession, leur salaire moyen est moindre. Pour toutes ces raisons, les femmes sont, plus souvent que les hommes, pauvres à la retraite et davantage dépendantes des régimes publics.

Après avoir regardé les revenus des hommes et des femmes de plus de 65 ans et leurs sources, nous examinerons certains indicateurs de l'activité des femmes sur le marché du travail et leur impact sur les éventuelles rentes du Régime de rentes du Québec (RRQ). Il existe déjà trois mesures dans le RRQ qui cherchent à compenser le fait que les femmes continuent d'assumer la plus grande part du travail ménager et des soins aux personnes, soit les rentes de conjoint survivant, la possibilité de partager les crédits de rente entre conjoints lors d'une divorce et une disposition qui permet d'exclure les années où les femmes ont réduit leur activité économique en raison de la présence d'enfants de moins de sept ans. Ces éléments feront le sujet de la troisième section. Nous terminerons le texte en expliquant les principales recommandations du mouvement féministe québécois visant à améliorer la situation des femmes à la retraite.

Les revenus des femmes à la retraite

Le tableau 1 présente, pour le Québec en 2008, les revenus des femmes et des hommes de 65 ans et plus selon la source. Globalement, le revenu moyen des femmes représente 68,1% celui des hommes. Les femmes, comme les hommes reçoivent environ 5600$ de la Pension de la sécurité de vieillesse (PSV), un régime quasi universel. Elles reçoivent 734$ de plus en provenance du Supplément de revenu garanti (SRG), un régime conçu pour les plus pauvres. Avec la PSV, il assure en 2008 un revenu minimum de 13 636$ à une personne seule et 22 104$ à un couple de 65 ans ou plus [1].

Le Régime de rentes du Québec (RRQ) et le Régime de pensions du Canada (RPC) sont des régimes d'assurance sociale dont les prestations sont basées sur les cotisations antérieures. Pour recevoir le maximum de 10 615$ en 2008, il faut avoir cotisé au taux maximum pendant 40 ans entre l'âge de 18 et 65 ans. Si une personne demande sa rente du Québec avant son 65e anniversaire, la prestation est réduite de 6% par année pour chaque année qui reste à écouler avant cette date. Le RRQ paie aussi des rentes de conjoint survivant (avant et après 65 ans), des rentes d'invalidité (avant 65 ans seulement), des rentes d'orphelin et une prestation de décès. Dans le tableau 1, on constate que les femmes reçoivent, en moyenne, 2 000$ de moins que les hommes du RRQ parce qu'elles ont accumulé moins de crédits de rente avant la retraite.

tab1

 

Les trois régimes publics fournissent la moitié du revenu à la retraite des femmes comparativement à seulement le tiers pour les hommes. Malgré cela, les hommes reçoivent 1155$ de plus que les femmes des régimes publics, à cause du RRQ/RPC.

Qu'en est-il des sources privées de revenu? Les hommes reçoivent deux fois plus que les femmes (3877 $ de plus) en provenance des régimes complémentaires de retraite offerts par les employeurs, les Régimes enregistrés d'épargne retraite (REER) ou les Fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR). Il reçoivent 4196$ de plus que les femmes sous forme de revenus de patrimoine et 3770$ de plus en termes de revenus d'activité (salaires et revenus d'entreprise non incorporée).

Au poste «Autres revenus», les femmes semblent recevoir 1000$ de plus que les hommes, mais la principale composante de ce poste est le montant de pension fractionnée, mesure instaurée par le gouvernement Harper en 2007. En d'autres mots, les femmes déclarent une partie des revenus de pension de leur conjoint afin de permettre à ce dernier de réduire ses impôts. En réalité, elles touchent, au total, non pas 25 591$ mais environ 2000$ de moins. En fait, les hommes ont demandé une déduction moyenne de 2347$, alors que les femmes n'ont demandé que 172$ [2]. En 2008, il fallait que le revenu de la personne qui transfère des revenus à son conjoint dépasse 37 885$ pour pouvoir profiter de cette mesure.

Les femmes et le Régime des rentes du Québec

L'accroissement des droits des femmes dans le RRQ donne un bon portrait de leur évolution sur le marché du travail. On constate des progrès réels mais aussi les écarts qui persistent et qui se manifestent aussi dans les régimes privés et les programmes d'épargne retraite.

En 1980, 68% des hommes mais seulement 19% des femmes de 65 ans et plus recevaient une rente de retraite du RRQ. Le pourcentage des hommes a augmenté progressivement pour se stabiliser autour de 94% à partir de 1996 [3]. Le pourcentage des femmes a continué à grimper pour atteindre 70% en 2007, dernière année pour laquelle la Régie des rentes fournit des chiffres.

En 2009, la rente moyenne des femmes était de 347$, soit 64% des 544$ que recevaient les hommes en moyenne. Ce pourcentage est inférieur au 70% qui prévalait en 1980, mais supérieur au 57-58% qui représentait le ratio entre 1989 et 2002. En fait, au cours de cette période, de plus en plus de femmes ont acquis des droits à une rente en leur propre nom, mais comme elles avaient travaillé seulement une partie de la période de référence et souvent à temps partiel, la rente moyenne tendait à baisser. À partir de 2003, le ratio semble augmenter de façon régulière indiquant que la présence sur le marché du travail des femmes, ainsi que leur salaire, augmentent.

On voit les mêmes tendances au niveau des cotisations. En fait, parmi les hommes âgés de 18 à 69 ans, le pourcentage qui cotise a diminué de 81% en 1980 à 77% en 1997. À partir de 1998, les personnes de 70 ans et plus qui avaient encore des revenus de travail devaient aussi cotiser. Donc, les données sont maintenant basées sur toutes les personnes de 18 ans et plus. On peut quand même estimer que le taux de participation des hommes âgés de 18 à 69 ans a augmenté de 1 ou 2 points de pourcentage depuis cette date. Parmi les femmes âgées de 18 à 69 ans, 51% cotisaient en 1980, 56% en 1998 et environ 63% en 2008. La cotisation moyenne des femmes représentait 74% de celui des hommes en 1980. Après avoir diminué à 70% en 1985, il a remonté à 85% en 2008 et semble continuer à augmenter.

La figure ci-dessous illustre le pourcentage des femmes et des hommes qui cotisent selon le groupe d'âge en 2008. Jusqu'à l'âge de 25 ans, les femmes cotisent autant que les hommes, ce qui n'était pourtant pas le cas avant 2005. Toutefois, à partir de cet âge, il y a un écart qui varie de 3,4 points de pourcentage dans le groupe de 40 à 44 ans à 16,4% chez les personnes âgées de 60 à 64 ans. À tous les âges, l'écart semblent diminuer d'année en année.

fig1

 Toutefois, il subsiste un écart quant aux montants cotisés En moyenne les femmes cotisent 14% de moins que les hommes et ce pourcentage varie peu selon l'âge, même chez les 18 à 24 ans. Si l'on projette ces données vers l'avenir, on doit constater que même les jeunes femmes âgées aujourd'hui de 25 ans risquent de se retrouver avec une rente inférieure de 20 à 25% à celle des hommes en raison d'un taux de cotisation plus faible et d'un plus grand taux d'absence du marché du travail.

Les mesures prévues pour les femmes dans le RRQ

Les rentes de conjoint survivant

La mesure la plus importante pour les femmes dans le RRQ est la rente de conjoint survivant avant et après 65 ans. Avant 65 ans, la rente est composée d'un montant fixe qui varie selon l'âge de la survivante et la présence ou non des enfants plus un montant variable égal à 37,5% de la rente de retraite qu'aurait reçue la personne décédée si elle avait eu 65 ans au moment du décès. Par exemple, une veuve de moins de 45 enfants qui n'était pas invalide et qui n'avait pas d'enfant pouvait recevoir un maximum de 5394$ par année en 2009. Si elle avait un enfant à charge, si elle était invalide ou si elle était âgée de 45 à 64 ans, même sans enfants, le montant maximum variait de 8818$ à 9182 $. Contrairement à l'aide sociale, ces rentes sont versées indépendamment des autres revenus et permettent ainsi aux femmes, particulièrement les mères de famille, de combiner le revenu de travail avec une aide étatique afin de s'approcher du niveau de vie atteint avant le décès du conjoint.

Après 65 ans, la rente maximale est de 6543$ par année en 2009. Ce montant est moindre que les montants payés avant 65 ans parce que les bénéficiaires sont aussi admissibles à la PSV et au SRG.

Le tableau 2 résume les données principales sur les rentes de conjoint survivant en 2009 selon le sexe et l'âge du survivant.

tab2

 

Depuis 1975, les veufs sont admissibles aux rentes de conjoint survivant au même titre que les veuves. Néanmoins, beaucoup moins d'hommes que de femmes en reçoivent parce que les femmes vivent plus longtemps que les hommes en moyenne. De plus, dans la plupart des couples, les femmes sont plus jeunes que leurs conjoints. Les prestations moyennes des hommes sont plus faibles que celles des femmes parce qu'elles sont basées sur les cotisations antérieures des femmes décédées lesquelles sont généralement plus modestes que celles des hommes.

Dans le tableau 2, on remarque que les bénéficiaires d'une rente combinée, âgés de 60 à 64 ans, reçoivent les montants les plus importants et que dans cette catégorie, les hommes reçoivent davantage que les femmes (1050,77$ versus 955,77$). Cela s'explique par les règles de combinaison plus généreuses qu'après 65 ans. Entre 60 et 64 ans, une veuve ou un veuf pouvait garder la somme totale de sa rente de retraite et de sa rente de survivant, sujette à un plafond de 1060,53$ par mois (12 726$ par année) en 2009. De plus ces personnes sont admissibles à l'Allocation de survivant du gouvernement fédéral qui offre un maximum de 12 608$ par année; toutefois, l'Allocation est réduite de 75% de tout autre revenu que reçoit la personne dont les rentes du RRQ/RPC.

Après 65 ans, un conjoint survivant doit choisir l'une des deux formules suivantes, le tout sujet à un plafond qui est égal à la rente de retraite maximale que pouvait recevoir la personne au moment où elle a pris sa retraite, en tenant compte de la réduction actuarielle qui opère lorsque la personne prend sa retraite avant 65 ans:

 100% de sa propre rente de retraite + 37,5% de la rente de retraite du conjoint décédé;
 60% de sa propre rente de retraite + 60% de la rente de retraite du conjoint décédé.

En général, la première formule est plus intéressante pour les hommes et la deuxième pour les femmes parce que les rentes de retraite des hommes sont plus élevées que celles des femmes. Cet élément explique aussi pourquoi la rente de conjoint survivant des hommes âgés de 65 ans et plus (76,39$ par mois) est si faible: elle ne représente que 37,5% de la rente de retraite de la conjointe décédée et a pu être réduite davantage en raison du plafond.

Le partage des crédits de rente (gains admissibles accumulés)

En cas de divorce, de séparation de corps ou de la dissolution d'une union civile, les gains admissibles accumulés par les deux conjoints au cours de l'union sont automatiquement partagés à part égale en vertu du Code civil du Québec. C'est aussi le cas des crédits accumulés dans les régimes privés de pensions et des instruments d'épargne-retraite comme les REER.

Dans tous les cas, la conjointe (ou le conjoint) qui bénéficierait de ce partage peut y renoncer, ce qui ce fait souvent si elle (il) reçoit d'autres avantages plus immédiats en échange. Dans le cas d'un régime de retraite privé à prestations déterminées, les crédits valent beaucoup plus au cotisant qu'à son conjoint: son éventuelle pension sera probablement basée sur son salaire de fin de carrière, avec toutes les augmentations et indexations qui auraient eu lieu entre-temps, alors que dans le cas du conjoint, la rente éventuelle serait basée sur le salaire gagné au moment du partage avec une indexation limitée.

Dans le cas d'une union de fait, le partage peut être effectué si les deux conjoints y consentent ou s'ils ont signé une entente à cet effet avant ou au cours de l'union.

En 2009, sur 14 062 demandes reçues, 6064 partages ont été effectués dont le tiers pour des unions qui ont duré plus de 20 ans. La raison principale du refus était la renonciation. En moyenne, les femmes ont gagné 5,5 années de cotisations et les hommes 0,5 année [4].

L'exclusion des années en raison de la présence d'un enfant de moins de 7 ans

Dans le calcul de la rente, le RRQ permet d'exclure le 15% des années où les gains ont été les plus faibles. En plus, il permet aux femmes d'exclure les années où elles avaient la charge d'un enfant de moins de 7 ans dans la mesure où les cotisations étaient inférieures à la moyenne des autres années. La présence d'un enfant est indiquée par le paiement d'une prestation pour cet enfant ou, du moins, l'admissibilité à la prestation n'eût été un revenu familial trop élevé pour les années où les prestations étaient conditionnelles sur le revenu.

Les revendications concernant les femmes du mouvement féministe du Québec

En 2003 et en 2008, la Régie des rentes du Québec a publié des documents de consultation en vue d'une éventuelle réforme du RRQ [5]. La position des principaux groupes nationaux de femmes s'est exprimée dans deux mémoires, présentés en 2004 et 2009 respectivement, dans le cadre des consultations menées par le gouvernement [6]. Dans cette section, nous discuterons surtout des rentes de conjoint survivant et de la mesure d'exclusion.

Les rentes de conjoint survivant sont payables à vie, même si la personne se remarie, et elles augmentent lorsque le veuf ou la veuve atteint 45 ans, même s'il ou elle n'a plus d'enfants à charge. Dans ses deux documents de consultation, le gouvernement a proposé d'augmenter les rentes de conjoint survivant mais de les rendre temporaires: 3 ans en 2003 et 10 ans en 2008. Pour compenser, il proposait de transférer dans le dossier du conjoint survivant 60% des gains accumulés au cours de l'union par le décédé afin d'accroître la rente de retraite éventuelle du survivant. En même temps, il proposait de tripler la rente d'orphelin pour l'amener au même niveau que celui payable par le RPC: pour l'année 2009, cette proposition aurait porté la rente d'orphelin de 815$ à 2568$ par année [7].

Ces propositions ont soulevé un tollé du mouvement féministe mais aussi de la population féminine plus largement. Les rentes de veuves ont été établies lors de la création du RRQ en 1966 pour tenir compte du fait que la très grande majorité des femmes et leurs enfants étaient économiquement dépendants des hommes. À l'époque, la plupart des couples étaient légalement mariés et avaient des enfants. Le divorce était rare. Les rentes de veuves, maigres comme elles étaient, visaient à assurer une certaine continuité du revenu.

Les mémoires ont aussi fait remarquer que la bonification de la rente d'orphelin, mesure qu'ils appuyaient fortement, ne coûterait pas cher: de l'ordre de 30 millions de dollars par année. Par contre, les bénéficiaires des rentes de conjoint survivant, très majoritairement des femmes, subiraient des coupures allant de 11% à 58% d'après une étude d'impact publiée par la Régie en 2009, ce qui entraînerait donc des économies pour le régime de plusieurs centaines de millions de dollars [8].

Pour motiver sa proposition, le gouvernement faisait valoir d'une part que maintenant la plupart des femmes participent activement au marché du travail et, ainsi, elles cumulent une rente de retraite à leur propre nom. Elles sont donc moins dépendantes de leur conjoint. La proposition de tripler la rente d'orphelin visait à tenir compte du fait que les enfants sont réellement dépendants. En 2006, 21% des enfants vivaient dans une famille monoparentale et environ 10% dans une famille recomposée [9]. En conséquence, la rente de survivant n'est pas toujours versée à la personne qui a la charge des enfants du défunt s'il y a eu rupture de l'union avant le décès. Au cours des dernières années, près du tiers des nouvelles rentes d’orphelin a été versé sans qu’il y ait une rente de conjoint survivant associée.

Selon les groupes de femmes, une autre logique peut soutendre les rentes de conjoints survivant: le fait qu'afin d'élever les enfants les femmes renoncent à une partie de leur capacité de gagner un revenu non seulement pendant que les enfants sont petits mais tout au long de leur carrière. Le graphique 1 a démontré qu'après 25 ans, les femmes sont moins présentes sur le marché du travail que les hommes et que leurs cotisations sont inférieures à celles des hommes à tous les âges. De plus, les mères de famille travaillent 4 à 5 fois plus souvent à temps partiel que les pères. On sait aussi que lorsqu'une femme se retire du marché du travail pour quelques années, elle prend du retard au niveau de la promotion et de la progression de carrière.

Le mouvement féministe note aussi que même si les rentes de conjoint survivant sont payées en partie par les cotisations des personnes décédées, elles sont financées en partie par une forme de subvention de la part des autres cotisants, notamment les personnes seules et les parents sans conjoint qui ont une incidence de pauvreté élevée et qui ne sont pas admissibles à des rentes de conjoint survivant.

À notre avis, le simple fait d’avoir vécu en couple ne justifie pas un «cadeau» de la part des autres contribuables. Seule une contribution socialement utile de la part des bénéficiaires mérite ce genre de transfert [10].

En ligne avec ce critère, les groupes de femmes proposent de reconnaître positivement le travail auprès des enfants en inscrivant au compte d'une personne qui a la charge d'un enfant de moins de 7 ans des crédits basés sur 60% du Maximum des gains admissibles (MGA) à chaque année. Ces crédits s'ajouteraient aux crédits gagnés par le travail, le cas échéant, jusqu'à concurrence du MGA. Cette mesure dite «inclusion», par opposition à la mesure actuelle «d'exclusion», aura pour effet d'accorder un soutien de l'ensemble des cotisants au RRQ à toutes les personnes qui contribuent à la société en s'occupant de jeunes enfants, particulièrement les mères de famille monoparentale.

Par extension, les groupes demandent que l'on accorde également ce genre de crédits aux «proches aidants» c'est-à-dire les personnes qui quittent leur emploi ou réduisent leurs heures de travail afin de s'occuper d'une autre personne malade ou ayant des limitations fonctionnelles sévères.

Si le gouvernement introduisait la mesure «d'inclusion», les signataires du mémoire disent être prêtes à accepter des rentes de conjoint survivant temporaires pour les personnes plus jeunes. Elles préconisent des rentes viagères pour les personnes qui ont élevé au moins trois enfants, qui sont invalides ou qui ont au moins 65 ans au moment du décès de leur conjoint. Pour les personnes âgées de 55 à 64 ans, les groupes proposent de laisser le choix entre le système actuel et le nouveau système. D'après elles, pour une personne qui n'a pas la charge des enfants du conjoint décédé, la rente pourrait durer aussi peu que trois ans, le temps de lui permettre de s'ajuster à la nouvelle situation. Ces personnes ne seraient pas plus désavantagées sur le marché du travail que les personnes seules. Dans tous les cas, les groupes sont d'accord avec la proposition de transférer 60% de l'ensemble des crédits accumulés par le défunt au compte du conjoint survivant (et non pas année par année comme le propose le gouvernement) [11].

L'avenir du Régime de rentes du Québec et les femmes

En fin de compte, malgré les deux tours intensifs de consultations, au moment du discours du Budget du ministre de Finances Raymond Bachand en mars 2011, le gouvernement du Québec a annoncé qu'il va simplement faire comme le Régime de pensions du Canada et accroître de 6% par année à 7,2% la pénalité pour une rente prise entre 60 et 64 ans. Toutefois, la pénalité sera modulée en fonction du montant de la rente: une personne dont la rente correspond à 25% du maximum aura une pénalité de 31,5% à 60 ans (comparativement à 30% actuellement) alors qu'une personne qui reçoit la rente maximale subirait une pénalité de 36%. En même temps, la bonification de la rente prise après 65 ans augmenterait progressivement de 6% par année à 8,4%.

Le gouvernement affirme aussi que la situation financière du RRQ est plus précaire que celle du RPC. En conséquence, le taux de cotisation augmentera de 0,15 point de pourcentage pendant les six prochaines années passant de 9,9% en 2011 à 10,8% en 2017. Bref, on payera plus cher pour des prestations de plus en plus faibles. Même si le gouvernement invoque la notion d'équité intergénérationnelle pour justifier la hausse des cotisations en ce moment, ce sont les jeunes qui subiront les conséquences les plus sévères de ces modifications.

Par contre, le gouvernement n'a pas osé toucher aux rentes de conjoint survivant et n'a pas accepté la proposition «d'inclusion» des groupes de femmes. Il a, toutefois, promis de procéder à une bonification de la rente d'orphelin. Il n'a pas, non plus, adopté la mesure qui sera intégrée au RPC permettant d'exclure, dans le calcul de la rente, 17% des années à faibles cotisations au lieu du 15% actuellement en vigueur.

L'orientation actuelle du gouvernement du Québec, et du gouvernement Harper, est de créer de nouveaux Régimes volontaires d'épargne-retraite, des formes de REER collectifs. Les employeurs qui n'offrent pas déjà un régime de retraite seraient obligés d'offrir ce genre de programme, mais ne seraient pas obligés d'y contribuer. Les employés pourraient se retirer individuellement. Le principal intérêt de cette mesure serait de réduire les frais d'administration tout en permettant aux individus d'avoir accès à une portefeuille plus diversifié. Toutefois, c'est l'individu, ou le groupe d'employés, qui supporterait l'ensemble du risque de ces régimes. Comme cela a été le cas lors de la crise financière de 2007-2009, ils pourraient y perdre, du jour au lendemain, 25% ou plus de leurs économies. La mise en place de ce genre de régime risque également d'encourager de plus en plus d'employeurs à abandonner les régimes de prestations déterminées, le seul type de régime qui permet de garantir une rente prévisible à vie aux cotisants.

En opposition à cette perspective, sept provinces, dont l'Ontario, ont proposé de bonifier le RPC en doublant le taux de remplacement du revenu d'avant la retraite sur une période de 40 ans. C'est aussi la position du Congrès du Travail du Canada (CTC). Au Québec, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), appuyée entre autres par la Fédération des femmes du Québec (FFQ) et le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail (CIAFT), mène une campagne pour doubler le taux de remplacement du RRQ, pour accroître le SRG pour l'ensemble des personnes âgées pauvres et pour mieux protéger les fonds des régimes de retraite privés en cas de faillite de l'entreprise.

Nous avons vu que les femmes, encore plus que les hommes, ont besoin des régimes publics. Le gouvernement fédéral conservateur, dans le budget Flaherty, a annoncé une bonification mineure du Supplément de revenu garanti (SRG), qui ne toucherait, toutefois, que 680 000 des 1 600 000 personnes qui reçoivent cette prestation. De plus, cette mesure accroîtrait le taux de récupération du SRG de 50% à 75% en fonction des revenus autres que la PSV dans un intervalle de revenu très modeste. En d'autres mots, un grand nombre de femmes ayant des rentes du RRQ de l'ordre de 4000$ par année verra le gouvernement fédéral récupérer jusqu'à 75% de toute autre source de revenu.

Au cours des dernières années, le taux de pauvreté des personnes âgées a diminué de façon significative, en partie grâce aux augmentations du SRG et en partie en raison de la participation accrue des femmes au marché du travail et à un accroissement de leurs gains pendant la vie active. Les orientations prises par les deux niveaux de gouvernement n'auront probablement pas pour effet d'accroître le taux de pauvreté mesuré – dépendant de la mesure utilisée. Néanmoins, elles auront pour effet de réduire les revenus moyens de la majorité des personnes âgées de la classe moyenne et contraindre de plus en plus de personnes à recevoir un niveau de revenu tout juste supérieur au seuil de faible revenu qui nous sert d'indicateur de pauvreté.

_______________________________________________________________________

[1]   Pour recevoir le plein montant de la PSV, il faut avoir résidé au Canada pendant au moins 40 ans et ne pas avoir un revenu qui dépasse 63 511$ en 2007.  Toutefois, un supplément spécial au SRG assure le même revenu minimum aux personnes immigrantes qui ont résidé au Canada entre 10 et 40 ans si elles n'ont pas suffisamment de rentes de retraite de leur pays d'origine ou d'autres sources.
[2]  À cause de la mesure de fractionnement du revenu des pensions, il y a un double comptage dans le total des revenus, mais il est impossible de calculer cet effet de façon précise à partir des données fournies.
[3]  Le RRQ a été créé en 1966 et à commencé à payer des pleines rentes seulement à partir de 1976. Donc, en 1980, il y avait encore beaucoup d'hommes, et encore plus de femmes, qui avaient pris leur retraite avant que le RRQ existe. Toutes les statistiques sur le RRQ sont tirées de Régie des rentes du Québec, Régime de rentes du Québec, Statistiques de l'année 2009, ou des versions antérieures.
[4]  Régie des rentes du Québec, 2010, ibid.,  p. 36-37.
[5]   Régie des rentes du Québec, Adapter le Régime de rentes aux nouvelles réalités du Québec. Document de consultation. Québec: 2003; Vers un régime de rentes du Québec renforcé et plus équitable. Document de consultation, Québec: 2008.
[6]   Les femmes ont besoin du Régime de rentes du Québec, mémoire déposé par 9 groupes de femmes dans le cadre de la consultation sur «Adapter le Régime de rentes aux nouvelles réalités du Québec»,  février 2004, 57 pages. Les femmes ont toujours besoin du Régime de rentes du Québec, Mémoire déposé par quatorze groupes de femmes dans le cadre de la consultation de la Commission des Affaires sociales, intitulée «Vers un Régime de rentes du Québec renforcé et plus équitable»,  septembre 2009,  96 pages.
[7]  Au milieu des années 1970, le gouvernement du Québec a décidé de différencier le RRQ du RPC en gelant pendant plusieurs années la rente d'orphelin et en accroissant à la place les rentes de conjoint survivant,  Il semble maintenant vouloir renverser cette situation, du moins partiellement.
[8]  Régie des rentes du Québec. Étude d’impact des pistes de solutions présentées dans le document de consultation Vers un régime de rentes du Québec renforcé et plus équitable. Québec: 2009, p. 30.
[9]  Institut de la statistique du Québec, Données sociales du Québec, Édition, 2009, Québec: 2009, p. 20 et 44.
[10]  Mémoire de 14 groupes de femmes, 2009, op. cit., p. 37.
[11]  Étant donné la complexité des propositions du gouvernement, le mémoire apporte des nuances à plusieurs de ses propres propositions mais l'espace ne nous permet pas de les détailler ici.

 

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