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Volume 2, no 4 |
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La bonification du Régime de rentes du Québec: l'option à privilégier |
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Pour télécharger le fichier pdf, cliquez ici La bonification du Régime de rentes du Québec: l’option à privilégier pour assurer une rente décente aux travailleuses et aux travailleurs québécoisClaude Grenier, coordonnatrice de la campagne Une retraite à l’abri des soucis, FTQ
La pauvreté d’une part importante des aînés, au Canada comme au Québec, inquiète. La pauvreté a des impacts sur le niveau de vie des personnes qui en sont les victimes, c’est indéniable, et sur la collectivité tout entière, car l’État doit supporter les moins nantis à même les taxes et impôts de ceux et celles qui en payent. Cette redistribution, et la solidarité qui la soutient, ne sont pas remises ici en question; toutefois, notre système de retraite devrait permettre aux travailleurs et aux travailleuses d’atteindre une autonomie financière suffisante pour qu’ils puissent vivre décemment et participer pleinement à l’activité économique, une fois la retraite venue. Actuellement, c’est loin d’être le cas, nos aînés étant parmi les plus pauvres au Canada: 44 % des retraités québécois de 65 ans ou plus reçoivent le Supplément de revenu garanti, une mesure sociale destinée aux plus démunis, alors que la moyenne canadienne est de 34 %. Nombre de personnes recevant des prestations de la sécurité de la vieillesse,
* SV = Sécurité de la vieillesse; SRG = Supplément de revenu garanti. Cette pauvreté constatée montre que notre système de retraite ne fonctionne pas. Depuis quelque temps déjà, l’alarme retentit, plus particulièrement depuis la crise financière de 2008. C’est pourquoi plusieurs propositions sont sur la table, dont celle émanant de la FTQ, appuyée par environ 70 organismes de la société civile. La nécessité d’améliorer les régimes publics, plus particulièrement par la bonification du Régime de rentes du Québec, est des plus urgentes. Nous pensons que si rien n’est fait, la situation financière des futures cohortes de personnes retraitées connaîtra une détérioration encore plus grande. Les faits, sur cette question, sont têtus : Le revenu provenant de sources publiquesUne personne retraitée de 65 ans ou plus bénéficie d’un revenu provenant de sources publiques sous réserve des conditions qui y sont rattachées. Au Canada, le programme est composé d’une part de la pension de la Sécurité de la vieillesse (une prestation universelle de 6322 $ versée annuellement) avec une récupération à compter d’un revenu net de 67 688 $ et, d’autre part, du Supplément de revenu garanti (une prestation d’assistance maximale de 7940 $ versée annuellement) avec une récupération de 0,50 $ pour chaque 1 $ de revenu dépassant la Sécurité de vieillesse. Le programme est financé par répartition. Au Québec, le Régime de rentes du Québec (RRQ) est un régime contributif auquel les employeurs et les travailleurs et les travailleuses contribuent à parts égales, sur un salaire pouvant atteindre un maximum de 48 300$ en 2011. Le calcul de la rente de ce régime de carrière est fondé sur les revenus gagnés au travail à compter de l’âge de 18 ans, pour une rente annuelle maximale de 11 520 $ à 65 ans en 2011. Le RRQ est financé par capitalisation partielle, mais son financement se rapproche du mode par répartition, c’est-à-dire que les prestations des retraités actuels sont financées principalement par les cotisations des travailleurs actuels. Un équivalent existe pour le reste du Canada, le Régime de pensions du Canada (RPC). Revenu provenant de sources publiques
Aux fins du calcul du RRQ, le revenu inscrit est le revenu moyen de carrière et le statut est celui de personne seule aux fins de calcul du SRG. Il est généralement reconnu que pour maintenir le niveau de vie à la retraite, un taux de remplacement du revenu de 70 % est requis. Les personnes ayant un revenu de 24 150 $ atteignent ce taux. Peut-on toutefois affirmer qu’un revenu annuel de 17 111 $ permet de vivre décemment? Permettons-nous d’en douter. La personne qui n’a pas cotisé au RRQ touche la totalité du SRG, son revenu atteignant alors 14 231 $, ce qui ne représente que 77 % du seuil de faible revenu évalué à 18 373 $ pour 2008 [1], pour une personne seule, dans une région urbaine de 500 000 habitants et plus. Pour celles qui gagnent le salaire industriel moyen, le taux de remplacement est de 41 % seulement. Notons que même en ayant cotisé au maximum au RRQ pendant toute sa vie active, une personne qui n’a aucun autre revenu est admissible au SRG, une mesure sociale destinée aux personnes à faible revenu. De fait, notre système de sécurité du revenu à la retraite a été bâti sur des bases bien aléatoires. Il supposait que les revenus de sources publiques seraient nécessairement complétés par des revenus provenant de régimes privés et de l’épargne personnelle. Ce système a connu des ratés parce que les employeurs n’ont pas tous tenu leur engagement de mettre sur pied des régimes complémentaires de retraite, mais aussi parce que la mesure choisie par les gouvernements — l’encouragement à l’épargne personnelle par des déductions fiscales pour les régimes enregistrés d’épargne retraite (REER) — ne peut compenser l’absence de sources stables de revenus. Les régimes à prestations déterminées (RPD)Les régimes à prestations déterminées garantissent à l'avance le calcul et le versement de la rente. La cotisation à verser dépend de la situation financière du régime, évaluée par des évaluations actuarielles périodiques. Dans un RPD traditionnel assujetti à la loi québécoise, par opposition au régime de retraite par financement salarial (RRFS) par exemple, l’employeur assume le risque de déficit de la caisse. Les RPD traditionnels ont la cote auprès des salariés. Toutefois, ils ne sont pas accessibles à la majorité puisque qu’ils sont implantés principalement dans la fonction publique et les grandes entreprises. Outre le fait que le RPD promet une rente, d’autres facteurs expliquent cet engouement : Les RPD vivent des moments difficiles depuis le début du millénaire. Il y eut l’éclatement de la bulle technologique et, au moment où les caisses s’en remettaient, la crise financière de 2008 a surgi. Cette dernière aurait provoqué des déficits pour au moins 80 % des régimes selon différentes sources. Ces déficits affectent le bilan financier des entreprises cotées en bourse puisqu’elles doivent y inscrire leurs engagements à long terme envers les régimes de retraite. De plus en plus d’employeurs tentent de se soustraire à leurs obligations, en transformant les RPD en régime à cotisation déterminée (RCD), en régime hybride ou mixte, ou carrément en y mettant un terme. Il en résulte que les RPD sont de moins en moins nombreux, soit 15,9 points de pourcentage de moins comme l’illustre le tableau ci-dessous. Proportion des régimes PD dans l’ensemble des régimes de retraite et proportion des personnes participantes à un régime de retraite qui participe à un régime PD, 1976 à 2007 (années choisies) Source : Régie des rentes du Québec, Régimes complémentaires de retraite, Statistiques de l’année 2007, avril 2010, page 50. Or, pour mettre fin à un RPD, le régime doit être solvable; sinon, l’entreprise doit y injecter les sommes nécessaires avant de procéder à sa terminaison. Les déficits des caisses de retraite conjugués à la propension des entreprises à reléguer aux individus les risques liés au cumul de sommes en vue de la retraite laissent présager des négociations collectives difficiles lorsque les RPD seront à nouveau à flots. La probabilité d’atteindre un niveau de revenu adéquat à la retraite est nettement associée au fait de posséder un RPD. Une étude de la RRQ effectuée en 2010 [2] révèle que 27 % de la population active seulement a une couverture représentant une probabilité élevée d’atteindre cet objectif. Nous en concluons qu’il y a une corrélation directe entre le fait de bénéficier d’un RPD et la probabilité d’atteindre un niveau adéquat de revenu à la retraite. D’où la nécessité de diminuer la pression sur les RPD pour les sauvegarder et d’où le besoin d’en créer de nouveaux, comme par exemple le Régime de retraite par financement salarial. Le REERLes régimes d’accumulation de capital, dont le régime de retraite à cotisation déterminée (RCD) que l’on voit de plus en plus dans le secteur privé, et le REER diffèrent en tout point des RPD. Les risques liés au rendement et à la longévité du bénéficiaire sont assumés par ce dernier. Il n’est pas possible de connaître à l’avance les sommes qui seront disponibles à la retraite puisqu’elles fluctuent au gré des rendements obtenus. Comment alors planifier une retraite qui assure le maintien du niveau de vie? Qui plus est, le pécule épargné ne permet pas à la majorité des bénéficiaires de REER d’acheter une rente digne de ce nom. Les statistiques [3] suivantes illustrent bien ce fait : au Canada en 2005, la médiane épargnée représente un montant assez faible, 25 000 $. Le pourcentage des familles et la valeur médiane épargnée varient en fonction de l’âge, du sexe et de la scolarité du soutien, mais aussi fortement en fonction du revenu annuel après impôt. Ainsi, 55 % des familles où une femme est le soutien principal avaient un REER, avec une valeur médiane de 20 000 $ contre 63 % des familles où un homme est le soutien principal, avec une valeur médiane de 30 000 $. Surtout, 90 % des familles ayant un revenu après impôt de 85 000 $ ou plus avaient un REER, pour une valeur médiane de 80 000 $, alors que seules 35 % des familles à plus faible revenu (moins de 36 500 $) détenaient un REER d’une valeur médiane de seulement 10 000 $. Plus le revenu est élevé, plus les sommes accumulées sont importantes et plus la propension à encaisser rapidement les sommes accumulées est faible. Le REER est donc une mesure coûteuse qui avantage surtout les mieux nantis et qui dédouane les employeurs de leurs responsabilités. Un autre facteur important : l’absence d’une gestion serrée et compétente des avoirs fait grandement défaut à ces régimes, particulièrement au REER. Les cotisants et les cotisantes ont à faire des choix de gestionnaire et de placements parmi une panoplie de produits et services offerts, alors qu’ils n’ont souvent qu’une connaissance très limitée en ce domaine. Leurs placements sont gérés par des institutions financières réputées pour charger les frais parmi les plus élevés du monde, lesquels viennent gruger le rendement, lorsque rendement il y a, bien sûr! Bien que d’autres types de régimes soient utiles pour permettre à tous et à toutes de maintenir un bon niveau de vie à la retraite, la base commune qu’est le Régime des rentes du Québec doit être améliorée de façon substantielle. La campagne de la FTQ et de ses alliésLa FTQ a entrepris une vaste campagne visant à procurer une rente décente à tout le monde et à sécuriser la rente des travailleurs et des travailleuses. À ce jour, environ 70 organismens appuient les revendications de la FTQ, dont des groupes de femmes, de retraités, de personnes handicapées, des fédérations étudiantes, etc. Une campagne semblable a cours au Canada, sous la férule du Congrès du Travail du Canada (CTC). La pierre angulaire de cette campagne est la bonification du RRQ : Doubler la rente du RRQNous proposons de doubler progressivement la rente de 25 % à 50 % du revenu moyen de carrière ajusté. Le dernier rapport statistique de la RRQ nous apprend que la rente de retraite moyenne payée mensuellement aux hommes en 2009 était de 543,94$ alors que celle des femmes atteignait 347,25$, pour une moyenne de 443,09$ [4]. Même ajoutés aux prestations du gouvernement fédéral, ces montants sont nettement insuffisants — nous l’avons vu précédemment. S’ils ne sont pas additionnés à un régime privé ou à de l’épargne personnelle, les bénéficiaires sont assurément des personnes à faible revenu. Nous proposons aussi d’augmenter le revenu cotisable pour le faire passer de 48 300$ à 64 000$ (taux 2011). La CSST et le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) ont des couvertures basées sur un salaire de 64 000$. Pourquoi devrait-il en être autrement quand il s’agit de la retraite? Élargir le spectre du salaire admissible permettrait aux travailleurs et travailleuses de la classe moyenne de cotiser au RRQ en lien avec leur rémunération. À la maturité du régime, dans 47 ans, les travailleurs et travailleuses bénéficieront du double de la rente, voire davantage pour les personnes gagnant plus que le maximum des gains assurables actuel. Évolution de la rente du RRQ à 65 ans Ces améliorations ont un coût qui devrait être assumé à parts égales par les cotisants, employeurs et salariés. De part et d’autre, la cotisation est actuellement de 4,95 % sur le salaire excédant l’exemption de 3500 $ jusqu’à la moyenne des gains admissibles (MGA). Le doublement de la rente ne doublera pas la cotisation, car les améliorations formeraient un nouveau volet au RRQ que nous souhaitons entièrement capitaliser. Contrairement au volet actuel, toute cotisation exigée par l’amélioration du RRQ ainsi que son rendement demeureraient dans la caisse, jusqu’à la retraite du bénéficiaire. La solidarité entre les générations aurait alors un bien meilleur coût. Monsieur Bernard Dussault, actuaire en chef du RPC (1992-1998), a procédé à des calculs sur ce qu’il en coûterait pour améliorer le Régime de pensions du Canada, le frère jumeau du RRQ. Ses calculs démontrent que le doublement de la rente coûte effectivement moins que le double de la cotisation: Il est proposé d’étaler les améliorations sur 7 ans, pour amortir l’impact de l’augmentation sur l’ensemble des cotisants, et de doubler l’exemption actuelle pour la porter à 7000 $ et ainsi réduire le coût pour les personnes à plus faible revenu. Pourquoi privilégier la bonification du Régime de rentes du Québec?Parce que c’est : Pour ces raisons, nous croyons que la bonification du Régime de rentes du Québec est l’option à privilégier si l’on souhaite réellement permettre aux travailleurs et travailleuses de vivre leur retraite dans la dignité. [1] Statistique Canada, Seuil de faible revenu (base de 1992) après impôt, 2008. [2] Régie des rentes du Québec, Portrait du marché de la retraite au Québec, 2e édition mars 2010, p. 59. [3] Statistique Canada, Placements dans les REÉR, L’emploi et le revenu en perspective, vol. 20, no 1, printemps 2008, p. 57-63. [4] Régie des rentes du Québec, Statistiques de l’année 2009, novembre 2010, p. 67. |
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