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Volume 4, no 3 |
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Les CLD : premiers outils de finance solidaire couvrant tout le Québec |
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Pour télécharger le fichier pdf, cliquez ici Les CLD, premiers outils de finance solidaire couvrant tout le QuébecJacques Fiset Directeur général du CLD de Québec
La genèse, les idéesLors du Sommet sur l’économie et l’emploi de 1996 présidé par Claude Béland, le premier ministre de l'époque, Lucien Bouchard, avait choisi de mettre en place, en amont du sommet, un certain nombre de chantiers sectoriels dans la perspective de faire culminer leurs recommandations lors du sommet proprement dit. Un de ces chantiers était alors consacré à l’économie sociale, car dans la foulée d’un mouvement national cristallisé entre autres par la marche « Du pain et des roses » en 1995, le gouvernement avait accepté d’identifier tout un pan de l’économie du Québec : l’économie sociale. Le chantier de l’économie sociale va donc, en amont du sommet, mettre en lumière cette économie et tenter de l’identifier, de la définir et si possible d’en circonscrire les contours. Parallèlement, le chantier va mobiliser les milieux près du mouvement associatif des services aux personnes et des clientèles vulnérables en attente du support de l’État. Ce milieu s’active alors massivement. Le chantier élargira ses travaux et ils mèneront à une série de revendications afin que le gouvernement reconnaisse formellement et soutienne la consolidation et le développement de l’économie sociale. Près de six mois après le lancement des chantiers, un constat général émerge au Québec : les chantiers sont très montréalais. Le gouvernement choisit alors de créer un nouveau chantier : le groupe de travail Municipalités – Régions. Sa préoccupation : comment permettre à l’ensemble du territoire québécois de bénéficier d’outils de développement dans une perspective de répartition équitable du soutien gouvernemental et municipal. Le rapport du Conseil des Affaires sociales, Deux Québec dans un, et les rapports suivants ont servi d’inspiration aux travaux de ce groupe. Ce dernier décide alors de présenter le concept d’un outil (un organisme) qui, sur une base locale, exigerait une équité dans l’effort des milieux locaux et serait arbitré par le gouvernement central. Ce même gouvernement viendrait par ailleurs appuyer l’effort local concerté. Le concept de développement local déjà naissant dans des organismes nés de mobilisations populaires servira de modèle, particulièrement en ce qui concerne la gouvernance. La création des CLDSuivant le sommet, le chantier de l’économie sociale se constitue en corporation pour donner suite à ses recommandations. De son côté, le groupe de travail Municipalités – Régions dépose un rapport et met fin à ses activités, laissant au gouvernement la responsabilité de donner suite à ses propres recommandations. Le groupe de travail y identifie des conditions fondamentales afin de permettre aux intervenants locaux de s’attaquer au développement économique et au développement de l’emploi dans leur milieu. Parmi ces conditions, le groupe de travail recommande que les services de développement de l’économie et de l’emploi dits de première ligne, comme l’information, le soutien, la référence et l’accompagnement, soient offerts à l’échelle des territoires de MRC ou des territoires urbains appropriés en lien avec les partenaires du développement de l’économie et de l’emploi [1]. En 1997, le gouvernement lance donc la Politique de soutien au développement local et régional, puis dépose la Loi sur le ministère des Régions qui crée les centres locaux de développement (CLD) [2]. C’est ainsi que dans la proposition donnant naissance aux centres locaux de développement, on retrouve l’influence du chantier de l’économie sociale, puisque le soutien au développement des entreprises de l’économie sociale est confié aux CLD au même titre que le soutien des autres entreprises. Pour la première fois, une proposition gouvernementale considère l’économie dans son ensemble en incluant les entreprises d’économie sociale. Plus encore, le gouvernement propose que les CLD aient à constituer un fonds spécifique de financement pour l’économie sociale, créant ainsi une discrimination positive en faveur de l’entrepreneuriat collectif. La mission d’un CLD se conçoit sur un plan local. On ne parle pas de développement économique ou de développement social mais bien de développement local. On ouvre ainsi la porte à une vision globale du développement, faisant écho au développement durable tel qu’aujourd’hui on le définit. Respectant ce concept de plus en plus répandu, la mission d’un CLD est alors de mobiliser l’ensemble des acteurs locaux (concertation) dans une démarche commune tournée vers l’action en vue de favoriser le développement de l’économie et la création d’emplois (entrepreneuriat) sur son territoire dans le cadre d’un partenariat entre le gouvernement et la communauté locale (MRC). Le CLD a donc un rôle d’animateur, de motivateur et d’agent mobilisateur en dynamisant son milieu et en stimulant l’entrepreneuriat pour la création d’emplois. La création d’emploi est alors présentée comme le fer de lance de la lutte contre la pauvreté, un autre thème du chantier de l’économie sociale qui avait enrichi la réflexion du sommet. Le CLD est donc un accompagnateur de sa communauté dans son développement socio-économique, spécifiquement par l’entrepreneuriat qu’il soutient, tant l’entrepreneuriat individuel que collectif. Le CLD : outil de développement solidaireC’est dans le détail de la loi que se précise la dimension d’outil collectif que sont les CLD. D’abord au niveau de la gouvernance : le CLD appartient à son milieu. Le conseil d’administration doit représenter plusieurs milieux socio-économiques de sa communauté et sa première responsabilité est d’élaborer un plan d’action local pour l’économie et l’emploi (PALÉE) de son territoire. C’est à partir de ce plan que son intervention et ses outils financiers doivent être orientés. Et c’est en ce sens que ses outils financiers appartiennent au secteur de la finance solidaire. Il y a d’abord le Fonds local d’investissement (FLI). Accessible à tous les types d’entreprises, il doit servir par sa politique d’investissement à soutenir des projets d’entreprise qui répondent aux objectifs fixés dans le PALÉE du CLD. En réalité, le FLI est mal nommé. Dans les faits, il s’agit d’un fonds de développement. Son rendement se mesure davantage par le développement généré plutôt que par le rendement financier. C’est pour cette raison que, dès le départ, le gouvernement avait provisionné 30 % du capital prêté, anticipant des pertes. Il existe aujourd’hui de nombreux exemples de développements réussis malgré une perte financière des investissements de départ. De 1998 à 2010, le FLI aura permis la création ou l’expansion de près de 9000 entreprises privées ou collectives. Il aura également permis la création ou le maintien de près de 100 000 emplois dans l’ensemble des régions du Québec. L’autre fonds très important des CLD en matière de finance solidaire est le Fonds de développement des entreprises d’économie sociale (FDEÉS). Ce fonds constitué par chaque CLD à même son budget de fonctionnement est réservé aux entreprises de l’économie sociale. L’entrepreneuriat collectif a donc pour la première fois une reconnaissance de son apport économique dans le développement local, mais bénéficie également de politiques d’investissement propres qui prennent en compte les spécificités des coopératives et des OBNL. Là encore, ces politiques doivent être établies en fonction de l’atteinte des objectifs du PALÉE du CLD. De 1998 à 2010, le FDEÉS a permis la création ou l’expansion de plus de 6500 entreprises collectives, qu’il s’agisse de coopératives ou d’OBNL. Il a également permis la création ou le maintien de plus de 56 000 emplois dans l’ensemble des régions du Québec. Si le FDEÉS ne porte plus nécessairement ce nom dans l’ensemble des CLD, l’objectif demeure. La quasi-totalité des CLD possède un fonds pour l’économie sociale et investit annuellement dans des entreprises collectives. Un cheminement historique diversifiéCe qui a été précédemment exposé repose sur les objectifs inscrits dans la loi et les ententes au moment de la création des CLD. Il ne faut pas oublier que chaque CLD a vu le jour dans des conditions et situations très différentes. Plusieurs CLD ont été constitués à partir de corporations de développement économique (CDE) existantes. Dans ces corporations, comme chez beaucoup d’élus locaux, le développement exogène prenait une place prépondérante et l’économie sociale comme l’entrepreneuriat collectif ne faisaient pas partie de leur champ d’action. La réalité de l’entrepreneuriat collectif a dû s’imposer auprès du personnel nouvellement constitué, mais également des conseils d’administration de CLD. Il en était de même pour les élus et dirigeants de MRC comme des directions régionales des ministères concernés. Il a également fallu cheminer avec le milieu dit « de l’économie sociale » qui avait lui-même de la difficulté à se situer dans ce concept « d’entreprise » de l’économie sociale. Il a fallu organiser des séances de formation à tous les niveaux, tant pour faire comprendre les bases du développement local que le concept d’économie sociale et les particularités des entreprises collectives. C’est la compréhension du développement local qui a été le premier moteur du changement des mentalités et de la culture d’intervention. L’entrepreneuriat collectif apparaît alors comme un outil privilégié pour enraciner le développement par l’entreprise dans la communauté. Ce type d’entrepreneuriat a l’avantage de ne pas se délocaliser facilement et il s’appuie d’abord sur une prise en charge des communautés et de ses membres par eux-mêmes. L’effet a été structurant dans les communautés dévitalisées en particulier où l’exode, tant des entreprises que des habitants, créait un mouvement incontrôlé de dévitalisation. De nombreux élus locaux se sont investis pour soutenir l’action de leur CLD afin d’axer le développement sur les forces et occasions présentes dans la communauté. Mais avant que ce mouvement entraîne tous les CLD dans une direction commune, il y a eu beaucoup de temps et d’énergie à investir. L’ACLDQ : outil de transfert d’expertisesDès le départ, les CLD ont fait le choix de se doter d’une association nationale : l’Association des centres locaux de développement du Québec (ACLDQ). En 1998-1999, ces jeunes organisations étaient surtout préoccupées par leur pérennité et par la consolidation de leur positionnement sur l’échiquier du développement. Très rapidement, ce positionnement a généré dans l’association un besoin de mieux comprendre la particularité de la mission des CLD et des diverses pratiques qui en découlent. La volonté de respecter la diversité des enjeux et cultures locales a été une préoccupation constante. Définir le plus justement possible des modèles d’intervention et des politiques d’investissement les plus justes possibles, sans jamais établir de mur à mur, a été constamment présent. L’association, dont l’adhésion est volontaire, a mis plus de 10 ans à regrouper les 120 CLD du Québec. Elle a d’abord dû s’adapter à tous les modèles développés à travers le Québec. Ce fut souvent un pas en arrière ou un pas de côté pour mieux avancer par la suite. L’établissement d’un panier de services de base dans les CLD s’est fait au cours d’une longue démarche dans laquelle des CLD de tous les milieux, comme de plusieurs régions, ont été très largement impliqués. La démarche est née d’une volonté de transfert d’expertises par le biais des congrès et « lac-à-l’épaule » de l’association comme par l’exposé de « bons coups » favorisé par l’association. Petit à petit, des consensus ont été obtenus, mettant par ailleurs en exergue certaines faiblesses et quelques expériences négatives dans la livraison de services. Enfin, l’association améliore constamment des outils qu’elle met à la disposition de ses membres pour maximiser la performance dans la livraison de leur mission de développement local et de soutien à l’entrepreneuriat privé ou collectif. L’ACLDQ : au cœur de l’économie sociale et de la finance solidaireCette démarche a une valeur pédagogique pour les CLD membres mais également pour les élus locaux et les ministères responsables, d’où la volonté de l’association d’en faire la promotion. Cette promotion passe par des prises de position pour défendre les intérêts de ses membres en identifiant et faisant reconnaître la place unique occupée par les CLD. L’association se positionne notamment dans les secteurs de l’économie sociale et de la finance solidaire, faisant ainsi écho à la mission des CLD. Elle est présente sur le conseil d’administration du Chantier de l’économie sociale. Elle est également membre de la Fiducie du Chantier de l’économie sociale. Il est fort révélateur de consulter le dernier rapport annuel de la Fiducie et de constater que la très vaste majorité des partenaires locaux ou sectoriels des projets financés par la Fiducie sont des CLD [3]. L’association a aussi à cœur le développement de connaissances et de pratiques innovantes en matière d’économie sociale et d’entrepreneuriat collectif. Elle a notamment participé aux travaux de l’Alliance de recherche Universités – Communauté en économie sociale (ARUC-ES), de même qu’aux travaux de l’Alliance de recherche Universités – Communauté en développement territorial et coopération (ARUC-DTC). Le lien étroit entre le développement local (ou territorial) et l’entrepreneuriat collectif est au cœur des préoccupations de recherche de l’association. L’apport éventuel d’une loi-cadre sur l’économie sociale bientôt proposée par le gouvernement du Québec sera déterminant et l’association considère importante sa place auprès des organisations nationales de l’entrepreneuriat collectif. Dans le développement local, par la mobilisation d’une communauté, l’entrepreneuriat est un outil essentiel. Il est la conséquence la plus naturelle d’une mobilisation et d’une concertation qui se veut le moteur de la consolidation du développement durable d’un territoire. Et en ce sens, l’entrepreneuriat collectif est au cœur de ce développement. ___________________________________________________ [1] Sommet sur l’économie et l’emploi. 1996. Pour l’entrepreneurship local et régional, Rapport du groupe de travail Régions – Municipalités, Québec.
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