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Volume 4, no 3 |
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Fondaction : conjuguer développement et responsabilité |
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Pour télécharger le fichier pdf, cliquez ici Fondaction : conjuguer développement et responsabilitéPar Claude Normandin Développement stratégique et commercialisation, Fondaction
Le monde ne tourne plus comme avant. Les enjeux locaux sont traversés d’enjeux internationaux et les questions relatives au mode de développement de la planète se posent avec une acuité accrue. Il y a plus que jamais urgence d'une nouvelle économie fondée sur de nouveaux principes. Pour répondre à ces enjeux du début du 21e siècle, nous avons développé à Fondaction une formule qui résume bien la complexité de la situation et des solutions à leur apporter : on ne peut plus penser l’économie sans tenir compte des impacts environnementaux, l’environnement sans tenir compte de l’activité sociale, le social sans tenir compte des pratiques économiques. C’est là, un changement culturel en profondeur de la manière d’entreprendre et de faire des affaires auquel nous voulons participer. Retour aux fondamentaux de la financeCe changement culturel est probablement plus facile à illustrer dans le domaine de la finance que dans tout autre secteur d’activité économique. Depuis une trentaine d’années, les actifs financiers ont crû à un rythme insoutenable : ils ont presque quadruplé en taille par rapport à la croissance du PIB. L’éclatement de la bulle du crédit immobilier aux États-Unis, en 2007, a ramené les pendules à l’heure, mais des milliers de milliards de dollars se sont pour ainsi dire évaporés et le sauvetage du système bancaire international n’a été rendu possible qu’avec la perfusion de fonds publics. Selon des études réalisées par des économistes du FMI et de la Banque des règlements internationaux, qui ont récemment été présentées sur OikosBlogue, une industrie de la finance trop puissante et qui n’est pas contrebalancée par un ensemble de contre-pouvoirs publics et civiques, conduit à des dérives économiques dangereuses. Selon ces chercheurs, au-delà d’une certaine taille, indispensable au bon fonctionnement de l’économie, un secteur financier trop important est associé à une croissance moindre. On pourrait presque faire une analogie entre ces résultats et le phénomène économique appelé « maladie hollandaise » qui, lors d’un développement effréné du secteur des ressources naturelles, on assiste à des pressions à la hausse sur la devise nationale du pays producteur, diminuant ainsi la compétitivité de son industrie manufacturière. Pourrait-on donc en déduire qu’une finance trop puissante puisse déboucher sur une « financiarisation » de l’économie, qui se traduise par un accaparement démesuré de la valeur ajoutée des entreprises, une croissance des inégalités et, par conséquent, un affaiblissement des « essentiels » d’une croissance plus durable. Il faut donc revenir à une finance plus responsable. Au Québec, on peut dire que nous avons progressé dans cette direction. Pendant une dizaine d’années, Fondaction et d’autres institutions de capital de développement et de la finance solidaire ont travaillé en partenariat avec les chercheurs d’un large réseau universitaire québécois, dont l’UQAM et Concordia étaient les pivots. En cours de route, nous nous sommes regroupés au sein d’un « chantier d’action partenariale » (CAP) afin de développer une plus grande proximité et augmenter nos capacités de collaboration avec les chercheurs. La démarche a porté des fruits : lorsque le programme de l’ARUC-ÉS s’est terminé en 2010, les institutions ont choisi de poursuivre leur partenariat et ont créé l’association CAP finance, le réseau de la finance solidaire et responsable. Les institutions financières membres de CAP finance participent à la construction d’un nouveau modèle de développement : par leurs activités respectives, mais aussi par la mise en commun et le partage de connaissances et d’expertises en vue de soutenir la création de nouvelles formes d’intervention économique. Ces institutions, issues de la société civile et parties prenantes de l’économie plurielle, jouent un rôle fondamental dans le mouvement de changement culturel dont je faisais mention précédemment. Leur essor suppose la réalisation d’un nouveau cercle vertueux : plus elles se renforcent, plus elles renforcent en même temps la sphère de l’économie sociale et plus elles tissent des liens constructifs avec les sphères de l’économie publique et de l’économie marchande. Elles favorisent aussi l’émergence de structures intermédiaires et périphériques qui soutiennent et accompagnent l’entrepreneuriat responsable. Cette « biodiversité entrepreneuriale » est un important facteur de stabilité dans la mesure où il est reconnu que ces organisations agissent sur des horizons de plus long terme et que le soutien qu’elles ont de leur communauté leur permet de passer plus facilement à travers des épreuves conjoncturelles temporaires. Pour ces raisons, le renforcement d’un pôle de la finance solidaire et responsable, tel que CAP finance, représente un facteur stratégique fondamental dans un contexte général d’incertitude économique. Plutôt que de laisser se développer une dynamique de concurrence entre les acteurs sociaux, l’économie plurielle dans laquelle s’inscrit cette finance favorise une logique de partenariat et de complémentarité. À l’aune d’une économie « verte » et d’une prospérité partagéeMais il faut mesurer l’utilité de nos actions à l’aune des finalités de l’économie que nous voulons voir se développer. La façon dont la majorité des sociétés ont poursuivi la croissance économique au cours des dernières décennies est insoutenable. Si la reprise économique est indispensable, nous avons besoin d'une reprise fondée sur un sens renouvelé de la prospérité, soit une prospérité partagée, respectueuse de l'environnement et des personnes. À cet égard, l'économie verte offre une nouvelle voie, si ce n'est un nouveau paradigme. Investir dans le capital naturel ainsi que dans l'énergie et l'efficacité des ressources représente d'énormes opportunités en termes de création d'emplois. C'est aussi investir dans l'économie réelle, une économie qui répond aux besoins des personnes et de leurs communautés, et dans le respect de l'environnement. Il va sans dire que le passage à une économie verte suppose des institutions financières « vertes » et du financement « vert ». Pour ce faire, nous aurons besoin de ressources financières adaptées à cette nouvelle économie. Elles devront disposer d’un horizon d’investissement à long terme et espérer un rendement raisonnable, en cohérence avec le modèle de croissance économique que nous souhaitons voir se développer. Or, justement, les institutions de la finance solidaire et responsable sont bien adaptées pour répondre à ces attentes. Étant de propriété collective, la raison d'être de ces institutions est de répondre aux besoins spécifiques de leurs sociétaires, tout en étant bien ancrées dans leurs communautés, et ce, dans une perspective de long terme. En raison d’un rapport différent au social et à l’économie, et à la condition de savoir intégrer la dimension environnementale à leurs pratiques, les institutions de la finance solidaire et responsable recèlent un potentiel de contribution supérieur à n’importe quelle autre institution financière à un meilleur équilibre et à une meilleure conjugaison d’objectifs de développement qui allient la viabilité financière, l’efficacité économique, l’équité sociale et l’intégrité écologique. C’est la mission que s’est donnée Fondaction. En collaboration avec les neuf institutions que Fondaction accueille au Carrefour financier solidaire (CFS), nous partageons la volonté de tracer de nouvelles voies dans les domaines de la finance et du développement économique dans une perspective de développement durable. Considérées dans leur ensemble, ces institutions interviennent dans l’accès à des produits d’épargne et de crédit, le placement sur les marchés financiers, le financement des entreprises collectives, l’investissement dans des entreprises privées, l’appui technique à la gestion ainsi que la formation économique. Par la diversité de nos pratiques, à la fois autonomes et complémentaires, nous cherchons à tenir compte de la démocratisation élargie des entreprises ainsi que des impacts sociaux et environnementaux de leurs activités. Les objectifs de FondactionAujourd’hui, peu importe le secteur d’activité, les dirigeants et les salariés des entreprises doivent avoir le souci des impacts de leurs pratiques, ils doivent constamment questionner et rechercher les meilleures façons de faire. À Fondaction, cette vision s’accorde à l’interne avec une gestion participative concrétisée dans un développement organisationnel qui favorise la participation des personnes salariées au processus de fixation des objectifs et à l’organisation de leur travail. À l’externe, les processus de dialogue et de consultation des parties prenantes en lien avec Fondaction nous permettent de mieux comprendre les préoccupations et champs d’intérêt de celles-ci à l’égard du Fonds. Ces consultations jouent un rôle important dans la triple reddition de comptes de Fondaction et lors de l’exercice annuel de renouvellement de notre intention stratégique. Par ailleurs, un des principes de développement durable entériné en 1992 dans la Convention de Rio est le principe de précaution. Pour Fondaction, ce principe s’exprime dans notre volonté à entretenir une réflexion sur les conséquences économiques, sociales et environnementales de nos activités, tant à l’interne qu’à l’externe. La mission de Fondaction constitue la base à partir de laquelle nous exerçons nos responsabilités à l’égard de nos parties prenantes et de la société dans son ensemble. En rendant disponible aux travailleuses et aux travailleurs une épargne-retraite peu coûteuse qui contribue à l’amélioration des conditions de vie à la retraite, Fondaction peut en contrepartie mettre au service des PME québécoises un capital et le savoir-faire d’une équipe qui comprend les enjeux posés par les exigences de la productivité, de la rentabilité et du développement durable. Dans le contexte de crise financière et de récession économique où l’on voit les sources de financement traditionnelles se tarir, Fondaction poursuit ses investissements en capital de développement, contribuant ainsi à atténuer les conséquences de la récession sur notre économie et sur l’emploi. Le Fonds considère qu’il est aussi de sa responsabilité sociétale de participer activement aux travaux de diverses organisations œuvrant dans des domaines qui sont en lien avec sa mission, tels que l’économie sociale et solidaire, le développement économique, la recherche et le développement durable. Ces collaborations prennent plusieurs formes, que ce soit en siégeant au conseil d’administration de l'organisation ou en participant à divers comités de travail. Les principes et initiatives auxquels Fondaction souscrit sont également considérés comme des engagements externes importants puisqu’ils exigent généralement une reddition de comptes et la prise en compte des meilleures pratiques à l’échelle nationale ou internationale. Ce sont nos préoccupations élevées envers toutes nos parties prenantes qui nous ont amenés à aller au-delà des rapports financiers traditionnels et d’élargir notre reddition de comptes aux dimensions économiques, sociales et environnementales. Fondaction a produit son premier rapport de développement durable en 2006 et, depuis, à tous les deux ans, continue de rendre compte de ses performances en développement durable. Dans son quatrième rapport (2010-2012), Fondaction a demandé l’avis d’un auditeur indépendant pour évaluer la qualité de son travail de reddition selon les lignes directrices de la Global Reporting Initiative. Il a atteint le plus haut niveau, soit A+, confirmant ainsi le sérieux avec lequel il réalise ce travail. Du côté du financement des entreprises, Fondaction continue de diversifier ses investissements afin d’atteindre le meilleur équilibre entre le risque et le rendement. Le Fonds agit en cohérence avec sa mission en accompagnant les entreprises afin de soutenir l’activité économique ainsi que le maintien et la création d’emplois. Fondaction cherche à maintenir une majorité de ses investissements directs dans les secteurs traditionnels, principalement le secteur manufacturier et celui des services. De plus, Fondaction appuie financièrement plusieurs entreprises qui offrent des produits ou des services ayant un impact positif sur l’environnement. Par exemple, au 31 mai 2012, les investissements dans des entreprises offrant des services ou produits directement liés aux technologies propres ou à l'environnement représentaient 18,3 % du total du portefeuille des investissements directs en entreprises. Fondaction souscrit également à différents fonds partenaires ou spécialisés. À cet égard, nous cherchons à tenir compte de la complémentarité des fonds spécialisés avec nos propres activités d’investissement direct en entreprises, que ce soit en termes de stades ou de secteurs d’activité financés. Nous cherchons à maximiser les effets bénéfiques potentiels de notre association avec ces fonds et leurs réseaux pour nos entreprises partenaires. Globalement, les investissements de Fondaction dans 40 fonds partenaires ou spécialisés représentaient 23,9 % de l’actif net au 31 mai 2012. De ces investissements, ceux dont la mission est de régler une problématique sociale ou de réaliser des investissements qui ont un impact social important, représentent 26,1 % du total; ceux dont la mission est orientée sur les technologies propres, l'environnement ou le développement durable s’élèvent à 10,6 %. Enfin, ceux dont les processus ou décisions intègrent de manière explicite des dimensions environnementales ou sociales se montent à 53,9 %. L’étude d’impact de nos activités pour 2011-2012, réalisée par l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC), indique que les entreprises de notre portefeuille d’investissement direct en entreprises avaient un chiffre d’affaires global qui s’élevait à 1,7 milliard de dollars. Une fois entièrement réalisés les projets d’investissement comptabilisés dans l’exercice, on calcule que Fondaction et ses partenaires financiers avaient sauvegardé, maintenu ou créé 17 892 emplois et généré dans l’ensemble de l’économie une valeur ajoutée 1,2 milliard de dollars. Lorsqu’on tient compte, en outre, des retombées réelles des activités des fonds partenaires et des retombées estimées des fonds spécialisés, nous pouvons affirmer que les activités de Fondaction et sa participation à des fonds d’investissement ont contribué à sauvegarder, maintenir ou créer un total de 27 848 emplois. ConclusionEinstein a dit « La folie est de toujours se comporter de la même manière et de s'attendre à un résultat différent ». Dans le contexte actuel de crises sociale et humanitaire, climatique et économique, on peut affirmer que nous avons besoin d'un changement de paradigme. Nous devons rapidement changer notre vision et nos objectifs pour passer du court au long terme, des bénéfices monétaires aux besoins des personnes, de l'avidité à la sollicitude et enfin passer d'un modèle axé sur la croissance économique sans limites au développement durable. Il faut encourager la biodiversité des modèles d'affaires et des entreprises, partout dans le monde. Il faut mettre l'accent sur les besoins des personnes et des communautés à travers la production et la consommation de biens et services utiles et respectueux de l’environnement. Il faut demander une gouvernance plus transparente, plus ouverte et plus consciente des conséquences à long terme des choix faits aujourd’hui. Nous sommes tous d’accord qu’il s’agit là d’un véritable défi et que le temps file. Nous saluons la contribution de CAP finance à faire reconnaître l'importance et le rôle de la finance solidaire et responsable comme agent de changement. |
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