Pub 2017

pub fondaction

 


 

Sommaire
Volume 7, no 1
Présentation du volume 7, numéro 1

Pour télécharger le fichier pdf, cliquez ici

Immigration, diversité et inclusion : où en sommes-nous ?


Gilles L. Bourque,
Chercheur à l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC)
Éditeur de la Revue vie économique

La Revue vie économique, une initiative des Éditions Vie Économique, maintenant sous la direction de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC), est accessible gratuitement sur le web. Elle se veut un lieu de débat et de réflexion sur les enjeux socioéconomiques, dans toutes leurs dimensions, avec une parution semestrielle. Chaque parution comprend un dossier sur un thème spécifique. Le présent numéro porte sur les enjeux socioéconomiques de l’immigration au Québec. Au moment où le gouvernement du Québec prépare une nouvelle politique de l’immigration qui préconise une vision porteuse d’un projet rassembleur pour l’ensemble de la société, il nous semblait opportun de proposer un lieu de réflexion sur les divers enjeux socioéconomiques qui lui sont liés. Ces enjeux étant multiples et complexes, ils méritent de sortir des lieux communs et de la pensée magique de manière à présenter un large état de la situation des problèmes et des solutions pertinentes. En outre, puisque l'intégration économique des nouveaux arrivants relève des dimensions sociales, politiques et culturelles, il justifie une diversité d’approches relatives aux thèmes qui seront abordés.

Au-delà des inquiétudes légitimes exprimées par une partie de la population à l’égard des valeurs communes, une politique de l’immigration doit viser l’intégration économique et l’inclusion sociale de nouvelles populations dans un cadre visant l’amélioration du bien-être pour tous. Or, ces dernières années, le Québec a augmenté de façon importante son immigration, avec une moyenne de 50 000 nouveaux arrivants par année. Que disent les études récentes concernant l’état de la situation de l’intégration économique et sociale de ces immigrants ? Comment s’effectue l’intégration sur le marché du travail des nouveaux arrivants ? Est-ce que la situation économique des immigrants de 2e génération se compare aux autres québécois et comment se compare le Québec aux autres provinces ou à des pays similaires ? Que nous révèlent les intégrations sociale, scolaire ou linguistique des nouveaux arrivants ? Peut-on constater qu’ils ont accès aux outils, aux réseaux ou aux lieux de délibération leur permettant de contribuer activement à ces intégrations ?

La nouvelle politique prétend vouloir combler les problèmes les plus criants. Mais que peut-on attendre du gouvernement Couillard alors qu’il coupe les services publics et qu’il s’est déjà engagé à baisser le fardeau fiscal dès qu’il atteindrait l’équilibre budgétaire, réduisant ainsi de façon durable les capacités d’agir de l’État, alors que les contextes pluriethniques actuels exigent au contraire du temps et des ressources additionnels ? Pour constituer une véritable occasion d’assurer la cohérence de l’action en matière d’immigration, de diversité et d’inclusion, avec des objectifs tels que l’occupation et la vitalité des territoires, ne faudrait-il pas d’abord cesser de chambarder l’État québécois et de couper systématiquement dans les institutions intermédiaires qui contribuent à assurer cette cohérence ?

Pour encourager le débat public sur la cohérence de l’action en matière d’immigration, le comité éditorial de ce numéro, composé de Gilles Rioux, Bob W. White et Gilles Bourque, a ouvert cette tribune à un ensemble de chercheurs de plusieurs disciplines et de praticiens de divers horizons qui ont réfléchi à ces enjeux.

Présentation des contributions

Nous avons regroupé les contributions de ce numéro sous trois grands thèmes : l’emploi et les conditions de travail; le territoire et les conditions de vie; des initiatives d’insertion.

Emploi et conditions de travail

C’est sous le thème des qualifications que France Houle (Faculté de droit, Université de Montréal) ouvre la réflexion de la première section. Au Québec, une procédure simplifiée a été mise en œuvre pour la reconnaissance des qualifications des nouveaux arrivants : les Arrangements de reconnaissance mutuelle (ARM). À leur égard, des auteurs s’interrogent sur la question de savoir si elles sont conformes au droit à l’égalité protégé par les chartes, et en particulier l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Dans sa contribution, l’auteure porte une attention particulière sur les mesures de compensation qui pourraient être considérées comme portant la moins possible atteinte au droit à l’égalité. Pour faire une analyse complète, l’auteure conclut que les ordres professionnels doivent divulguer les informations relatives aux justifications soutenant ces mesures de compensation. Ce n’est qu’à cette condition que des conclusions portant sur des violations au droit à l’égalité pourront être validement tirées.

Jorge Frozzini (UQAC) et Danielle Gratton (LABRRI) poursuivent cette réflexion en s’intéressant à la précarisation croissante des conditions de travail et du lien d’emploi. Aujourd’hui, soulignent les auteurs, une multitude de personnes sont maintenues dans des situations de précarité et les travailleurs étrangers temporaires (TET) représentent un exemple symptomatique de ces groupes en situation de vulnérabilité. Dans leur contribution, ils traitent dans un premier temps du lien entre la précarité et la migration, par la suite ils discutent de la précarité dans laquelle se retrouvent les TET et, enfin, dans un troisième temps, approfondissent les éléments de précarisation afin d’approfondir leurs liens avec le contexte économique plus global. En conclusion, les auteurs signalent que l’étude des conditions de travail des TET met en évidence un système de précarisation du travail dont souffrent, non seulement, les travailleurs étrangers temporaires, mais aussi, les immigrants et, jusqu’à un certain point, les travailleurs natifs lorsqu’ils font affaire avec des agences de placement temporaires et les changements imposés par les structures économiques.

Le dernier texte de cette section est signé d’un quartet d’auteurs : Daniel Côté (UdM), Danielle Gratton (LABRRI), Sylvie Gravel (ESG-UQAM) et Jessica Dubé (ESG-UQAM). Leur contribution se veut une réflexion sur les conditions d’inclusion, dans le contexte de travailleurs issus de l’immigration touchés par une lésion professionnelle, soutenant qu’il n’est pas possible de penser l’inclusion de ces personnes sans penser aussi aux conditions dont ont besoin les intervenants, les ressources et les formes d’organisation nécessaires pour optimiser les prises en charge. Selon des estimations de la CSST, près de la moitié des travailleurs touchés par une lésion professionnelle sur l’île de Montréal seraient issus de l’immigration. Ces travailleurs sont souvent concentrés dans des secteurs d’activité et dans des postes qui représentent de plus hauts risques en matière de santé-sécurité du travail, confrontés à de multiples formes de précarisation. Les auteurs montrent qu’à défaut d’un soutien organisationnel approprié, les intervenants accumulent sentiments d’échecs et d’incompétence, surcharge de travail et stress, ce qui met leur propre santé et sécurité du travail à risque.

Territoire et conditions de vie

La première contribution de cette deuxième section de la revue nous vient de Gilles Rioux (IRÉC). L’île de Montréal accueille deux fois et demie plus de nouveaux arrivants que dans tout le reste du Québec. Un tel déséquilibre soulève d’importants enjeux tant à Montréal que pour l’ensemble du Québec. Dans ce texte, l’auteur désire contribuer au débat sur l’impact d’une telle concentration sans prétendre en disposer de façon exhaustive. Il le fait en trois temps : dans le premier, il établit le niveau de concentration de l’immigration québécoise sur l’île de Montréal; dans le deuxième, il aborde les conditions d’accueil et d’intégration des nouveaux arrivants à Montréal; enfin, dans le dernier il soulève la question de la fracture démographique croissante créée par cette concentration entre Montréal et le reste du Québec. Pour conclure, l’auteur appelle à des initiatives pour rétablir durablement les ponts entre Montréal et le reste du Québec autour de cet enjeu crucial pour l’avenir.

La contribution suivante porte également sur le cas particulier de la grande région métropolitaine. Xavier Leloup (INRS-UCS) se propose de tracer un bref portrait des conditions de logement des immigrants dans la région de Montréal. Il mobilise différents indicateurs et en particulier, le taux de propriété et le taux d’effort des ménages. Il aborde également les questions du surpeuplement et de la qualité des logements. Les données montrent que les ménages immigrants continuent à avoir des conditions de logement moins favorables que celles des non-immigrants. Les données mettent aussi en évidence le fait que les ménages immigrants ne constituent pas un groupe homogène, mais présente plutôt une diversité interne liée à la période d’immigration, le pays d’origine, l’appartenance à une minorité visible ou le statut d’immigration.

L’avant-dernier texte de cette section, rédigé par Pierre Serré (chercheur indépendant), se penche sur la francisation des immigrés, en faisant ressortir son caractère paradoxal au Québec. Depuis la Révolution tranquille, la réussite ne vient plus avec l’anglais, langue maternelle ou langue d’usage à la maison, mais avec la connaissance de l’anglais. C’est là l’un des grands changements survenus depuis 1960. Pour comprendre ce fait, il faut se replonger dans la démographie en parallèle avec le développement des grandes institutions de langue anglaise et faire les liens avec la dynamique politique. Ce que l’auteur fait avec brio.

La dernière contribution de la section nous vient d’El Hadji Diaw (CARI St-Laurent) et Pierre Anctil (Université d’Ottawa). Ils abordent les enjeux d’intégration des nouveaux arrivants en mettant une emphase particulière sur les pratiques de solidarité intracommunautaire, au-delà des clichés habituels, en tenant compte de toute la complexité des trajectoires individuelles et des dynamiques des réseaux sociaux. La présence de regroupements et d’associations soutenant l’intégration des nouveaux citoyens est en général bien visible dans le paysage urbain montréalais, signalent les auteurs. Cependant, ce choix d’ouverture et de diversification est-il accompagné par une préparation de la part de la société d’accueil ? S’enfermer dans sa communauté d’origine est une attitude négative. Mais s’appuyer sur sa communauté pour ouvrir une voie de dialogue avec toutes les autres communautés représente une perspective qui rend possible l’existence de nouvelles formes sociales d’inclusion et de participation.

Des initiatives d’insertion

La dernière section de ce numéro de la revue présente des initiatives d'insertion. Elle s’ouvre sur une contributionde Veronica Islas (CRIC) et Danielle Gratton (LABRRI). Les auteures s’intéressent à l’insertion socioéconomique des immigrants ayant un diplôme universitaire en s’appuyant sur les résultats du projet d’insertion Femmes-relais dans le quartier Centre-Sud de Montréal. Les données recueillies indiquent que le niveau de scolarité avant l’immigration n’est pas nécessairement garant de l’insertion socioprofessionnelle souhaitée par les femmes qui ont participé à ce projet. Néanmoins, les résultats obtenus démontrent qu’il y a un moyen pour échapper à l’exclusion : une fois les codes culturels québécois acquis, les Femmes-relais étaient prêtes à s’insérer d’une façon permanente et elles ont même pu le faire à partir de leurs compétences et de leurs désirs professionnels.

La deuxième initiative d’insertion est présentée par Milder Villegas (directeur général de Filaction). Elle porte sur Filaction. Depuis sa création en 2001, un des mandats du fonds d’investissement qu'il dirige est de travailler à donner accès au financement à des communautés et des clientèles mal desservies. L’intégration des communautés culturelles est un des objectifs de Filaction. Il se reflète tant dans son personnel, 30% des employés de Filaction proviennent des communautés culturelles, que dans la mise sur pied de fonds dédiés à ces communautés. C’est dans cet esprit que Filaction a mis sur pied les Fonds afro-entrepreneurs et Mosaïque.

Finalement, la troisième et dernière initiative est  présentée par Claire Bradet (conseillère en développement communautaire à la Ville de Montréal), qui se penche sur le Programme de parrainage à la Ville de Montréal. Ce programme consiste en un stage rémunéré qui vise à permettre à celles et ceux qui y participent d’acquérir une expérience de travail significative, dans la fonction publique montréalaise et dans le secteur d’emploi qui est associé à leur formation. La majorité des personnes recrutées est issue de l’immigration et des minorités visibles.

Conclusion

Le numéro se clôt sur la contribution de Bob W. White (Université de Montréal), qui tire les fils conducteurs qui unissent les divers thèmes qui ont traversé ce numéro de la revue. Après avoir fait une brève mise en garde terminologique, visant à situer les notions d’immigration, de diversité et d’inclusion dans une perspective interculturelle, l’auteur traite plus longuement des conditions d’inclusion des nouveaux arrivants au Québec, en faisant ressortir les contributions de chacun des auteurs de ce numéro. Pour lui, l’intérêt de ces contributions est de montrer que derrière l’évidence selon laquelle l’immigration est d’abord un projet économique, autant pour les individus que pour les États, se trouve une réalité plurielle. Les textes présentés dans ce numéro, nous dit-il, donnent une image nuancée de la réalité en mobilisant des données ethnographiques dans une perspective systémique, c’est-à-dire une approche qui vise à expliquer le fonctionnement du système dans sa totalité, et ce à tous les niveaux ; une perspective qui vise à comprendre comment les différentes échelles et sphères d’action interagissent entre elles, pour mettre en lumière comment l’analyse d’une situation peut varier d’une échelle à l’autre.

Vous lisez présentement:

 
Immigration, diversité et inclusion : où en sommes-nous ?
novembre 2015
Ce numéro de la Revue vie économique vise à engager un débat public sur la cohérence de l'action en matière d'immigration. Il ouvre cette tribune à un ensemble de chercheurs et de praticiens de divers horizons qui ont réfléchi à ces enjeux. Nous avons regroupé leurs contributions sous trois grands thèmes : l'emploi et les conditions de travail; territoire et conditions de vie; des initiatives d'insertion.
     
Tous droits réservés (c) - Éditions Vie Économique 2009| Développé par CreationMW