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Volume 3, no 3 |
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Encadré: Omerta! |
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Pour télécharger le fichier pdf, cliquez ici. Encadré: Omerta!Claude Vaillancourt
Les criminels manœuvrent eux aussi dans le secret. Pourtant, de patientes enquêtes arrivent régulièrement à démanteler le crime organisé. Des best-sellers s’écrivent sur le fonctionnement des mafias et les grands criminels sont connus. C’est que la frontière est tranchée entre le droit et le crime, ce qui permet des actions courageuses contre ce dernier. Rien de tel en ce qui concerne les paradis fiscaux. Les chercheurs ont devant les yeux un paysage flou: les limites entre ce qui est permis ou pas se transforment sans cesse. Tout fluctue selon des manipulations comptables ou légales, et plusieurs profitent de juridictions complaisantes qui rendent légal ce qui est éthiquement inacceptable. L’évasion fiscale et l’évitement fiscal trempent dans le même bain, la première étant interdite, l’autre pas, mais toutes deux visant à dérober les citoyens et citoyennes de revenus indispensables pour maintenir une organisation sociale efficace. Yves Séguin, ministre des Finances libéral en 2003, a goûté à la médecine de ceux qui osent éventer ce qu’il ne faut pas. Pour avoir «essayé d’avoir une meilleure discipline dans les transactions d’affaires», s’est-il confié à l’émission Fric Show en 2006, «j’ai eu en 48 heures une espèce de mouvement vers moi, un souffle chaud, à me faire perdre mes cheveux tellement c’était cuisant.» La pression est venue des milieux d’affaires et politique, paniqués. On lui affirmait, entre autres, que l’évasion fiscale «était un mythe»… Le grand flou autour des paradis fiscaux est plus que commode pour ceux qui en profitent. Il parvient ainsi à ne pas faire exister le problème aux yeux de nos élus, si bien que nos gouvernements fédéral et provincial n’ont aucune politique réelle contre ce fléau. Le sujet et le secret qui l’entoure – toujours lui – rendent même mal à l’aise les experts qui devraient avoir comme mission d’en informer le public. Alors que les organisations de la société civile qui cherchent à s’instruire sur les matières les plus diverses réussissent à obtenir sans trop de difficulté la collaboration d’experts compétents, tout se complique lorsqu’il est question de paradis fiscaux. On se défile, donne des excuses, refuse nettement, souvent sans émettre d’explication, on dit que ce n’est pas un véritable problème, on prétend ne pas avoir la compétence, ne pas avoir suffisamment étudié le sujet, on tergiverse, hésite longuement, avant de dire non, ou de demander une somme astronomique que des associations ne peuvent évidemment pas payer. Et toujours, on ressent un curieux malaise, comme un enfant qui pose à ses parents des questions qui ne sont pas de son âge. Le secret relié aux paradis fiscaux ressemble donc à une maladie transmissible ou à une omerta des milieux criminels. Comme si ceux qui s’y approchent beaucoup se trouveraient liés à lui, d’une façon ou d’un autre. Ce secret secoue en nous des choses mystérieuses qui ont le don de déranger: le sens moral, la cupidité, la loyauté envers des gens qui ne le sont pas envers la société, la légalité dans ce qu’elle a d’injustifiable. Les paradis fiscaux, miroirs de l’être humain dans ses contradictions et dans ce qu’il a de très peu noble? On a malgré tout écrit à leur sujet, fait des recherches indépendantes qui ont souvent demandé du courage et de l’acharnement. Mais nous ne saurons pas tout tant que les personnes qualifiées et directement concernées ne se mettront pas à table et ne nous diront pas la vérité… |
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