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Sommaire
Volume 2, no 1
Introduction

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Introduction au volume 2, numéro 1


Gilles Bourque
Coordonnateur aux Éditions Vie Économique (EVE)

Avec ce numéro, nous entrons maintenant dans la deuxième année d’existence de notre projet coopératif de créer une nouvelle plateforme médiatique pour « repenser l’économie ». La Revue vie économique se veut un maillon fondamental de cette plateforme, un lieu de réflexion et de débats de fond sur les divers enjeux socio-économiques du monde actuel, d’ici ou d’ailleurs.

Pour le dossier de ce numéro, nous avons choisi d’aborder le thème des enjeux de la forêt au Québec. Cette industrie qui s'est déployée sur l'ensemble du territoire québécois procède, encore une fois aujourd'hui, à des restructurations importantes qui affectent directement toutes les collectivités vivant de la forêt. En même temps, on voit des communautés locales profiter des occasions de concevoir et de mettre en œuvre des modèles alternatifs d'occupation du territoire forestier. Dans leur cas, l'actuel épisode de crise se présente comme une occasion inespérée de quitter la marginalité, de coaliser les forces vives des communautés forestières autour de projets novateurs et de prendre de l'expansion. Selon plusieurs analystes, dont ceux qui ont contribué à ce dossier, une pluralité de modèles productifs et de configurations territoriales autour de la forêt serait actuellement en devenir.

Le dossier de ce numéro s’appuie sur les travaux présentés dans le cadre d’un colloque sur les dynamiques d'innovations socio-économiques liées à la sortie de crise de l'industrie forestière au Québec. Pourtant, comme cela arrive systématiquement dans de telles situations, par-delà les conséquences souvent dévastatrices des restructurations des entreprises forestières sur l'économie des collectivités touchées, la crise actuelle du modèle industriel de développement forestier correspond aussi à une phase transitoire décisive où des innovations socio-économiques se déploient. En prenant pour objet ces dynamiques de sortie de crise et les modèles caducs ou innovateurs qu'elles portent dans le secteur de la forêt, le dossier de la Revue vie économique veut contribuer à diffuser une meilleure connaissance des structures et des acteurs déterminants des transformations actuelles dans les régions du Québec.

Dans le premier texte de ce dossier, Paul-André Lapointe présente un modèle d’analyse pour une meilleure compréhension de la crise de l’industrie et des logiques à l’œuvre. Pour lui, la crise actuelle de l’industrie forestière au Québec est structurelle; elle est la crise du modèle de développement que les grandes papetières ont imposé à l’industrie forestière depuis de nombreuses années. Puisqu’une sortie de crise axée sur la poursuite de ce même modèle, même sous une forme renouvelée, ne peut résoudre les problèmes fondamentaux à l’origine de cette crise, il propose de se tourner vers d’autres acteurs économiques et vers d’autres logiques de développement. Il met en évidence une diversité de modèles de développement, portés par des acteurs différents et animés par d’autres logiques de développement.

Les deux contributions suivantes, de Jacques L. Boucher, portent sur la crise forestière elle-même. Délaissant l’analyse économique standard qui réduit cette dernière à ses dimensions physique – la rupture de la matière ligneuse – et économique – contraintes des marchés internationaux –, Jacques Boucher procède en deux temps : d’abord par une analyse de la dimension sociale de la crise forestière, de façon à en mieux saisir les enjeux sociaux. Dans un deuxième temps, il fait un large examen de l’évolution du régime forestier québécois, qui nous permet de découvrir que la crise forestière ne se résume pas à sa phase actuelle ni à sa dimension économique. Une analyse en termes de régimes d’accumulation et de bloc social sur le plan de la gouvernance (développé dans la première partie) permet d’en identifier les dimensions ainsi que les formes de continuité au cours de près de deux siècles d’exploitation industrielle.

La troisième communication, de François L’Italien et Frédéric Hanin, présente les perspectives de sortie de crise de la transnationale AbitibiBowater, qui s'est mise sous la Loi sur la protection contre les créanciers aux États-Unis et au Québec en avril 2009. Créée en 2007 par la fusion de Bowater et d’Abitibi-Price, elles-mêmes deux géants de l’industrie, AbitibiBowater a un impact majeur dans l'ensemble de l'industrie car elle est la principale détentrice de CAAF au Québec et le plus important producteur de papier journal en Amérique du Nord. Elle est également un symbole du modèle de développement des «staples» basé sur l'encastrement institutionnel des activités industrielles par des dispositifs publics. D’où l’intérêt d’en faire une analyse spécifique, qui permet de démontrer que le capitalisme financier, dans lequel se sont activement engagés les dirigeants d’AbitibiBowater, a été un puissant accélérateur de la débâcle de cette entreprise.

Dans le texte suivant, Claude Rioux et Philippe Barré abordent les enjeux structurels du secteur de la forêt. L’industrie des produits forestiers au Québec s’est en effet très largement structurée autour du marché nord-américain du papier journal. Le texte analyse quatre grands constituants caractéristiques de cette industrie : son marché, les politiques publiques, l’organisation de la production et du travail, et la structuration des firmes. L’interdépendance entre ces quatre éléments a formé un système relativement homogène que les auteurs nomment le « modèle productif » de l’industrie des produits forestiers. Ils identifient ainsi quatre grandes phases qui marquent son développement en relevant les dynamiques qui a permis à ce modèle de se développer tout au long du XXe siècle.

Dans la dernière contribution de ce dossier, Robert Laplante propose d’extraire de l’histoire, ancienne et toute récente, les principes et les articulations théoriques du modèle de développement local qui constitue l’un des acquis les plus riches de la tradition forestière du Québec. Il tente de montrer que la notion de forêt de proximité pourrait bien être porteuse d’un immense potentiel d’innovation et de renouvellement de la pensée et des moyens d’agir. Il le fait en suivant au plus près le destin d’une communauté abitibienne, celle dite du Secteur des Coteaux, composée des municipalités de Champneuf, Rochebaucourt, La Morandière et du Territoire non organisé (TNO) de lac Despinassy. Malheureusement, conclut-il, telle qu’elle existe dans la loi actuelle, la notion de forêt de proximité est pour l’instant une idée avortée qui ne peut que transformer les expériences en rendez-vous reportés. Le nouveau paradigme forestier reste à construire de toutes pièces.

Nous présentons également deux textes hors-thèmes. Le premier est une contribution de Lise St-Germain, qui pose un regard récapitulatif et interrogateur sur la question sociale de la pauvreté au Québec. Il expose brièvement, dans un premier temps, l’évolution de la question depuis les vingt dernières années au Québec. Dans un second temps, il explore différentes approches qui guident les orientations de la société québécoise en matière de lutte contre la pauvreté : l'approche normative et institutionnelle, l’approche des inégalités, les approches relatives plus près de l’expérience des individus. 

Enfin, le numéro se clôt sur une courte mais incisive contribution d’Aude Fournier sur le «scandale» de la fraude à l’aide sociale, décrié dans les médias de masse. Mais y a-t-il vraiment de quoi s’indigner? Sur le total des sommes consacrées à l’aide sociale au Québec, la fraude représente environ 2,7%, alors que dans les contrats accordés à l’industrie de la construction, on parle plutôt de 10 à 20% de fraude. Quand on se rapproche de l’expérience vécue de ces personnes, on comprend rapidement le cul-de-sac vers lequel mène cette logique répressive et moralisatrice à l’égard des plus pauvres. On comprend que dans un système humiliant et de survivance, la «fraude» peut devenir une stratégie pour signifier qu’on existe socialement et pour préserver sa dignité. Comme elle l'écrit, frauder peut faire du bien…

 

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Quelles sorties de crise pour l'industrie forestière au Québec ?
août 2010
Pour le dossier de ce numéro, nous avons choisi d'aborder le thème des enjeux de la forêt au Québec. Cette industrie qui s'est déployée sur l'ensemble du territoire forestier québécois procède, encore une fois aujourd'hui, à des restructurations importantes qui affectent directement toutes les collectivités vivant de la forêt. En même temps, des communautés locales entrevoient des occasions de concevoir et d'initier des modèles alternatifs d'occupation du territoire forestier. Dans leur cas, l'actuel épisode de crise se présente comme une opportunité inespérée de se renouveler.
     
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